Les 900 employés de la Commission de la construction du Québec devront à l'avenir remplir une «déclaration d'intérêts», une mesure destinée à circonscrire l'étendue de leurs liens familiaux avec l'industrie de la construction et les syndicats.

Dans un courriel transmis hier à l'ensemble des employés, que La Presse a obtenu, la nouvelle pdg de la CCQ, Diane Lemieux, annonce que tous devront se plier à cette exigence. La mesure a causé la surprise dans les rangs des employés.

Mme Lemieux estime qu'il y va de la crédibilité de l'organisme, laquelle «passe inévitablement par l'intégrité des personnes qui y travaillent». La CCQ doit gérer les situations «qui sont ou qui apparaissent litigieuses» et faire le nécessaire pour retrouver la confiance de la population.

Depuis un an, de nombreux reportages ont relevé les liens de parenté, fréquents, entre du personnel de l'organisme et les syndicats, en particulier avec la FTQ-Construction.

Par exemple, la CCQ compte parmi son personnel la fille d'Yves Mercure qui, jusqu'à tout récemment, dirigeait la FTQ-Construction. Yves Ouellet, le vice-président, avait aussi une fille à la CCQ. La femme du prédécesseur de M. Mercure, Richard Goyette, y travaille également. Patron de la division de l'inspection à la CCQ, Richard Massé est le frère d'Henri Massé, l'ancien président de la FTQ. Pierre Morin, Robert Paul et Alain Pigeon, qui ont occupé ou occupent toujours des postes à la direction de la FTQ-Construction, ont aussi des parents proches parmi le personnel de l'organisme public.

André Martin, porte-parole de la CCQ, explique que les déclarations devraient établir la situation actuelle et non remonter dans le passé. Mme Lemieux parle d'ailleurs de «remettre les compteurs à zéro» dans son courriel. Plus tôt cette semaine, elle avait transmis le nouveau code d'éthique de l'organisme, réalisé par Me Donald Riendeau en vertu d'un contrat accordé sans appel d'offres, une procédure habituelle pour des avis juridiques.

Questionnaire

Quant au questionnaire que devront remplir les employés, il vise à établir d'abord «les liens» entre les employés et les permanents syndicaux. On veut aussi savoir si les employés ou leur famille proche détiennent des intérêts dans des entreprises du secteur de la construction, explique M. Martin: «On veut s'assurer que quelqu'un à l'interne n'ait pas à gérer des dossiers où se trouvent ses relations.»

Enfin, on veut aussi vérifier les liens à l'interne entre les employés. «Je ne pense pas qu'on fasse l'historique, savoir si mon beau-père était dans la construction il y a 20 ans», explique-t-il.

«Le gouvernement a donné le mandat de diriger la CCQ à Mme Lemieux et elle a toute la latitude pour le faire», a dit Lise Thériault, la ministre du Travail. Celle-ci «ne compte pas s'immiscer dans la gestion quotidienne de l'organisme», a expliqué Harold Fortin, son porte-parole.

Dans son courriel d'hier, Mme Lemieux explique sa démarche: «Je suis consciente qu'il s'agit d'une «première» à la CCQ. J'aurais pu opter pour un scénario consistant à gérer les situations litigieuses au cas par cas. Ou alors, lancer des enquêtes tous azimuts. À partir de quoi? Des rumeurs? Des reportages diffusés dans les médias? Du placotage: un est le mari de l'une, l'une a des parts dans la compagnie X, sa conjointe travaille dans l'entreprise Z, l'autre est le fils de... de qui déjà?»

«J'ai choisi de remettre les compteurs à zéro, on repart sur de nouvelles bases. Tout le monde au même point de départ y compris moi-même.»

«Le fait d'avoir des liens familiaux au sein de la CCQ ou avec des gens dans l'industrie n'est ni une maladie ni automatiquement une situation de conflit d'intérêts» ajoute-t-elle, se voulant rassurante. Mais, à l'évidence, «les allusions non fondées, c'est malsain; les allégations non vérifiées le sont tout autant. S'il y a des situations de conflit d'intérêts ou d'apparence de conflit d'intérêts, je les aborderai sans détour. Elles seront examinées avec discernement et au besoin, les bons encadrements seront mis en place pour protéger à la fois l'institution et les personnes en cause», promet-elle.

Daniel Gamelin, président du Syndicat des employés professionnels et de bureau de la CCQ (section locale 573 de la FTQ), se montre au premier abord étonné par l'initiative de la nouvelle présidente: «Ça vient d'arriver. Nos avocats ont vérifié et établi que l'organisme est dans ses droits, à la condition qu'il assure la confidentialité des renseignements obtenus. J'espère que cela ne créera pas de climat de méfiance chez nous. Pour l'instant, on ne parle pas d'inquisition, l'attitude des gestionnaires sera déterminante.»

Ce genre d'opération se réalise déjà dans d'autres organisations, même si c'est une première à la CCQ, a-t-il fait remarquer.