Un sommet historique des prix alimentaires mondiaux a été atteint en janvier, a indiqué hier la FAO, l'organisation de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture. Le prix des denrées de base - céréales, sucre, huiles, produits laitiers - «ont accusé de fortes hausses», selon la FAO, qui craint de nouvelles manifestations dans les pays pauvres.

Au Canada, «on s'attend à une hausse des prix au détail de 3 à 5% en moyenne d'ici à la prochaine année», a dit à La Presse Sylvain Charlebois, spécialiste en politique et distribution alimentaire à l'Université de Guelph.

À l'épicerie, cette hausse sera observable surtout l'été prochain «puisqu'il y a toujours un délai avant de ressentir l'inflation», a-t-il expliqué.

Mais déjà, depuis lundi, les Québécois paient le litre de lait 4 cents de plus en moyenne. Un litre de lait à 1% de matières grasses coûte au minimum 1,47$. C'est «une augmentation du coût du lait cru» qui justifie cette hausse, selon une décision de la Régie des marchés agricoles et alimentaires.

Mondialement, le cours d'un panier de denrées alimentaires de base a augmenté en janvier de 3,4% par rapport au mois précédent. Pour le septième mois consécutif, son prix est le plus élevé jamais atteint depuis 1990, quand la FAO a commencé à établir ces statistiques.

«Ces prix élevés devraient se maintenir dans les mois à venir, ce qui est source de préoccupation», a déclaré Abdolreza Abbassian, économiste et expert en céréales de la FAO, dans un communiqué. Les craintes sont vives pour les pays à faible revenu, qui auront du mal à importer des vivres, ainsi que pour les ménages pauvres, a-t-il précisé.

Dur pour les futures mamans pauvres

«On est déjà touchés par ces hausses des prix des denrées», a dit à La Presse Élise Boyer, directrice générale de la Fondation OLO. Cet organisme a donné oeufs, lait et jus d'orange (OLO) à 17 500 femmes enceintes qui vivaient sous le seuil de faible revenu, au Québec, l'an dernier.

«Quand le coût des denrées augmente et que le budget est le même, ça se traduit par moins de femmes aidées, une baisse des quantités données ou de la durée de l'aide», a regretté Mme Boyer. Les futures mamans d'OLO «paient aussi plus cher à l'épicerie» pour leurs autres aliments, a-t-elle souligné.

«Nous surveillons la situation, a pour sa part indiqué par courriel Catherine O'Brien, directrice des affaires générales de Nestlé Canada. Nous devons trouver un équilibre entre les hausses des prix des denrées et un marché très compétitif.» Elle n'a pas indiqué si Nestlé Canada allait hausser les prix de ses produits ou en changer les recettes.

Hausse de la demande, baisse des récoltes

Si les prix bondissent, «c'est évidemment parce que les denrées agroalimentaires attirent l'attention des investisseurs», a indiqué M. Charlebois. En cette sortie de récession, les consommateurs s'enrichissent et désirent manger de la viande. Cela met de la pression sur le secteur des céréales, puisqu'il faut 16 kg de céréales pour produire 1 kg de boeuf.

Il y a aussi beaucoup d'incertitude dans l'air. «On ne sait pas ce qui va se passer en Égypte, un des plus grands importateurs nets de blé au monde, a illustré l'expert. Et on ne sait pas comment seront les récoltes après les inondations en Australie, qui produit 16% du blé mondial.»

«On vit une époque de rattrapage, a-t-il constaté, et cela va continuer pendant un certain temps.»