La police du tabac a été particulièrement efficace l'an dernier pour débusquer les contrebandiers, mais l'augmentation de 15% des revenus de taxe n'est en fait qu'un retour à la case départ. C'est toujours 300 millions de revenus qui, chaque année, échappent au gouvernement en raison de ce commerce illégal, selon le ministère des Finances.

En vertu de la Loi sur l'accès à l'information gouvernementale, La Presse a obtenu le dernier bilan des opérations contre le trafic du tabac compilées par le ministère des Finances. On constate que, sans que le tabagisme ait augmenté, les revenus tirés de la vente de cigarettes ont augmenté de 14,5% en 2009-2010. Les recettes ont atteint 748 millions, contre 653 millions l'année précédente.

En regardant de plus près, toutefois, on constate qu'il s'agit d'un retour à la normale: c'est l'année 2008-2009 qui présentait un creux anormal en ce qui concerne les taxes sur le tabac. L'année précédente, les revenus s'élevaient à 747 millions et l'année d'avant, à 757 millions.

Le tabagisme n'a pas augmenté, relèvent les auteurs de la note du Ministère. C'est, selon le ministère de Raymond Bachand, une «augmentation des ventes de produits légaux par rapport aux produits illégaux qui explique la hausse de revenus».

Pour le gouvernement, la hausse des amendes pour les contrebandiers a contribué à diminuer l'offre des produits illégaux et, par conséquent, à hausser les prix. Ce faisant, les consommateurs sont moins attirés par les cigarettes de contrebande et retournent les acheter au dépanneur, ce qui fait grimper les recettes pour le gouvernement.

Pour Québec, la hausse des contrôles et de l'inspection ainsi que l'augmentation des amendes peuvent expliquer la progression des ventes légales. Les revenus de la taxe sur le tabac ont atteint un niveau important frôlant le milliard de 2003 à 2006. Depuis, les revenus ont périclité en dépit des effectifs et des budgets alloués aux différents groupes de lutte contre la contrebande.

Actions policières

En ce qui a trait à la récente augmentation, on a établi quelles actions ont eu des conséquences, notamment les 3000 inspections par année auprès des participants aux réseaux illégaux pour pratiquer des saisies. Les 3500 inspections de 2008-2009 ont révélé 572 infractions, un taux de succès de 16%. L'année précédente, avec moins d'inspections, on avait débusqué plus de faussaires (un taux de succès de 20%). Les amendes étaient de 7 millions en 2008-2009 et de 12 millions l'année précédente.

En 2009-2010, on a aussi mis en place des équipes additionnelles de policiers sur l'ensemble du territoire, mais surtout pour la région de Valleyfield.

La police vise d'abord à couper l'approvisionnement en tabac destiné aux usines illégales et à intercepter les produits de contrebande qui arrivent des États-Unis.

La prochaine année devrait refléter l'ajout d'effectifs en Montérégie.

Le type de contrebande est bien différent du phénomène constaté dans les années 1990-1994, quand les sociétés de cigarettes permettaient, sous le manteau, que leurs produits destinés à l'exportation se retrouvent sur le marché domestique, sans être taxés.

Les multinationales poursuivies par les gouvernements au Canada ont préféré conclure des ententes à l'amiable. En avril dernier, JTI-MacDonald et R.J. Renolds Company ont accepté de verser 550 millions, dont 95 millions au Québec, aux gouvernements touchés par la contrebande dans les années 90, à titre de dédommagement.

À l'été 2008, Imperial Tobacco, Rothmann et Benson&Hedges Inc se sont engagées à verser aux gouvernements un total de 1,150 milliard en 15 ans. La part du Québec sera de 210 millions d'ici 2023.

- Avec William Leclerc