Près d'une personne sur trois (31%) ayant vécu la fusillade au collège Dawson, en 2006, a commencé à souffrir de problèmes mentaux dans les 18 mois qui ont suivi: dépression majeure, toxicomanie, phobie sociale ou stress post-traumatique.

Pourtant, les élèves et les employés du collège n'ont pas davantage cherché à obtenir de l'aide psychologique que la moyenne des gens. Sans doute par peur de se monter vulnérables et «d'être étiquetés», avance une équipe de chercheurs du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et du Centre de recherche Fernand-Seguin de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine.

«Les besoins d'aide de la majorité n'ont pas été comblés si l'on considère qu'il existe des traitements efficaces (pour l'ensemble des troubles observés), indique donc leur rapport, dévoilé en conférence de presse hier. Pour tous, les troubles ne sont pas passagers, et 18 mois après l'événement, les besoins d'aide évidents dans les premiers jours, voire les premiers mois, persistent.»

«On doit faire plus d'efforts pour aller chercher les personnes exposées à ce genre de tragédie. Sinon, elles ne viendront pas d'elles-mêmes, même s'il existe des thérapies très efficaces», conclut le psychiatre Alain Lesage, qui a présenté les résultats de l'enquête, menée pendant trois ans auprès de quelque 1000 élèves et employés du collège.

«La variété des troubles nous a surpris, a précisé en entrevue le Dr Lesage, qui travaille au Centre Fernand-Seguin. Nous n'aurions, par exemple, jamais imaginé trouver autant de problèmes d'alcool.»

Même si plus de 60 fusillades ont frappé différentes écoles depuis 1999, leurs effets psychologiques n'avaient jamais été étudiés en profondeur. Ils sont pourtant majeurs. À 31%, le taux de détresse manifestée par la population de Dawson se révèle deux fois plus élevé que dans l'ensemble de la population. Les gens de Dawson se montrent aussi deux fois plus susceptibles de tenter de s'enlever la vie (1% sont passés à l'acte) ou d'y songer (7% des répondants y ont pensé).

Autre constat: les personnes exposées de plus près au drame (par exemple, celles qui ont vu le tueur ou ont perdu un proche) sont plus à risque, tout comme celles qui avaient déjà connu des problèmes de santé mentale avant la fusillade.

L'intervention orchestrée en 2006 par le collège et le CUSM était presque exemplaire, estiment les chercheurs. «Mais l'enquête nous fait dire qu'il faut faire plus: il faut améliorer le dépistage et prolonger l'aide à long terme», affirme Stéphane Guay, directeur du Centre d'étude sur le trauma de l'hôpital Louis-H.-Lafontaine.

Malgré l'arsenal déployé à Dawson, seulement 13% des répondants ont consulté un professionnel. Et la moitié de ceux qui l'ont fait affirment qu'ils auraient eu besoin d'autres services.

L'enquête est donc accompagnée de trois rapports, qui présentent plusieurs recommandations et un programme d'intervention en cinq étapes baptisé SECURE. Il consiste notamment à créer dès maintenant des équipes de gestion de crise dans toutes les écoles, en collaboration avec les centres hospitaliers. «Dawson est voisin du CUSM. Mais une école en région rurale n'aura pas accès à la même expertise si on ne la planifie pas», souligne le Dr Guay.

Présent au dévoilement, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, s'est engagé à «faire cheminer les recommandations» et à «faire avancer la cause» de cette recherche.

«Nous avons tous besoin d'aide après une telle tragédie, a pour sa part commenté Louise De Sousa, mère d'Anastasia De Sousa, abattue par le tueur. Ceux qui voulaient de l'aide après la fusillade n'avaient pas à chercher tellement loin. C'est bon de le dire aux jeunes.»

Une détresse encore taboue

Qui a participé à l'enquête?

90% étaient des élèves du collège

10% y travaillaient

79% se trouvaient dans le collège lors de la fusillade de 2006

Parmi ces derniers:

13% ont vu le tireur

36% de ceux-ci l'ont vu tuer ou blesser quelqu'un

50% ne l'ont pas vu mais ont entendu les coups de feu

1% ont été blessés

3% se sont cachés seuls

52% se sont cachés avec d'autres personnes

Qui a commencé à éprouver des troubles mentaux dans les 18 mois suivant le drame?

Dépression majeure: 12% des répondants

Phobie sociale: 10%

Dépendance à l'alcool: 9%

Dépendance aux drogues illicites: 3%

Stress post-traumatique: 3%

Symptômes d'au moins un trouble mental: 31%

Idées suicidaires: 7% (25% chez les personnes souffrant de stress post-traumatique)

Tentative de suicide: 1% (17% chez les personnes souffrant de stress post-traumatique)

Qui est allé chercher de l'aide psychologique?

Auprès d'un psychiatre, d'un psychologue ou d'un omnipraticien: 13% des répondants

Sur l'internet: 14%

Source: Fusillade du 13 septembre 2006 au Collège Dawson: Rapport d'une enquête auprès des étudiants et du personnel sur l'impact psychologique et la recherche d'aide