D'ici un mois, le gouvernement du Québec lancera l'appel de proposition pour le Centre de santé McGill (CUSM), un geste délicat politiquement, compte tenu de l'incertitude qui entoure désormais le CHUM, le projet similaire qui doit former des médecins francophones.

L'appel de proposition pour l'hôpital anglophone se fera à l'intérieur des budgets annoncés lors de l'appel de qualification, fait par l'Agence des partenariats publics privés – un projet toujours fixé à 1,1 milliard en dollars constants.

Selon les informations obtenues par La Presse, il s'écoulera un an grosso modo avant qu'un choix puisse être fait parmi les consortiums qui soumissionneront. Les travaux débuteront par la suite, environ six mois après cette décision.

Dans le cas du CHUM, dans un scénario optimiste, si le projet n'est pas modifié, l'appel de proposition pourrait se faire à la toute fin de 2008 pour une décision fin 2009 début 2010. Les travaux débuteraient, si tout va bien, au début 2011.

L'ex-ministre de la Santé, Philippe Couillard, avait dit que les travaux pourraient être complétés en 2013, mais dans les cercles proches du projet, on parle désormais ouvertement de 2016 pour la fin du chantier sur le site de l'hôpital Saint-Luc. «Il n'y a pas un politicien qui depuis un an a parlé d'une date pour la fin du chantier», a confié un des responsables du projet.

L'Agence des PPP, sous la responsabilité du ministre des Finances, et non de celui de la Santé, a toujours intégré des provisions plus importantes pour l'inflation que ne l'a fait l'équipe dirigée par Clermont Gignac pour gérer le projet du CHUM. L'appel de proposition du CHUM devait porter sur un hôpital de 850 millions – un appel pour le centre de recherche de 320 millions a déjà été réalisé.

Obstacle important pour le projet du CHUM, le financement privé fait toujours défaut ; on est loin des 200 millions attendus du secteur privé.

Hier, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a confirmé les informations publiées par La Presse, indiquant que le projet voguait vers un dépassement de coût important, de l'ordre de 400 millions. «On s'emploie à maintenir le projet à l'intérieur des budgets. On a une cible budgétaire en début de projet qui comprend les coûts reliés à l'indexation (...) le coût réel et final du projet ne sera connu qu'au moment d'ouvrir les enveloppes de proposition», a-t-il soutenu.

Le projet prévu à 3,3 milliard pourrait monter à 3,7 ou 3,8 milliards, a-t-il convenu facilement. Il n'a pas nié que l'on pourrait atteindre 4 milliards, compte tenu de la croissance des coûts dans la construction. «Quatre milliards... c'est vraiment des estimés. Dans un projet de 4 milliards, on peut parler de quelques centaines de millions de différence. L'important est d'en avoir pour notre argent», a dit le ministre.

D'autre part, le ministre Yves Bolduc a offert une fin de non-recevoir aux doléances du président de la Fédération des spécialistes, Gaétan Barette. Ce dernier a de nouveau attaqué sévèrement le projet de Saint-Luc hier, soulignant que le tiers des spécialistes seraient forcés d'enseigner à l'extérieur de l'institution. Il a menacé d'en saisir directement le premier ministre Jean Charest, parce que le Dr Bolduc ne semblait pas comprendre ce qui était en péril avec le projet actuel.

«C'est avec moi que le dossier va se régler», a-t-il insisté soulignant qu'il est possible que les médecins « essaient» de tester un ministre néophyte.

Mais pas question de changer d'emplacement pour le CHUM. Cela équivaudrait à jeter au panier des années de travail et des millions dépensés en études : «Sur le site, la position du gouvernement est connue et n'a pas changé. C'est à Saint-Luc et pas ailleurs», a insisté le ministre. Le projet clinique peut cependant encore être revu, a-t-il concédé. Pas question non plus de permettre que des spécialités se retrouvent enseignées dans des cliniques externes. Il y a 35 spécialités présentes dans le CHUM actuellement, il y en aura 35 dans le futur hôpital, a-t-il insisté.

La sortie du Dr Bolduc a aiguillonné les critiques péquistes et adéquistes en matière de Santé. Pour Bernard Drainville, du Parti québécois, il est clair que le gouvernement, tout comme le ministre, ne savent plus quelle direction prendre dans ce dossier. «C'est plus confus que jamais», a observé le député péquiste. Il est inconcevable qu'après autant de travail, le ministre ouvre la porte à une réflexion pour revoir le nombre de lits, de salles d'opération, des orientations prises et adoptées par le gouvernement il y a plusieurs mois maintenant.

Il est inacceptable qu'on ne puisse à ce stade préciser les coûts et les échéanciers, a-t-il insisté.

«Dans ce dossier, les moutons s'en vont partout parce que le berger, il dort», a renchéri Éric Caire, de l'ADQ. Le gouvernement devra donner des indications claires sur les étapes et les budgets du projet d'ici l'ouverture des travaux à l'Assemblée nationale, mi-octobre. Sans quoi l'appui de l'opposition au projet sera retiré, a-t-il menacé. Pour MM. Caire et Drainville, toutes les déclarations récentes des responsables du projet à Montréal entrent en contradiction avec les engagements du ministre.