La sécurité est notre première préoccupation", déclarait, fin juillet, le vice-président chinois Xi Jinping. Le déploiement de 100 000 soldats autour de Pékin et la batterie de missiles surface-air pour protéger les principaux stades devaient prouver la détermination du régime à s'assurer qu'aucun attentat terroriste ne viendra perturber les Jeux olympiques. Mais cela n'a pas empêché deux militants ouïgours, tout aussi déterminés, de tuer seize policiers chinois et d'en blesser seize autres dans un attentat à un poste-frontières, près de la ville de Kashgar.

La sécurité est notre première préoccupation", déclarait, fin juillet, le vice-président chinois Xi Jinping. Le déploiement de 100 000 soldats autour de Pékin et la batterie de missiles surface-air pour protéger les principaux stades devaient prouver la détermination du régime à s'assurer qu'aucun attentat terroriste ne viendra perturber les Jeux olympiques. Mais cela n'a pas empêché deux militants ouïgours, tout aussi déterminés, de tuer seize policiers chinois et d'en blesser seize autres dans un attentat à un poste-frontières, près de la ville de Kashgar.

Il est vrai que Kashgar se trouve loin au nord-ouest, dans la province du Xinjiang, à 4 000 kilomètres de Pékin. Mais si deux hommes armés de simples grenades à main et de couteaux peuvent faire autant de dégâts, qu'est-ce qui pourrait empêcher d'autres de faire la même chose à Pékin ? Certainement pas des missiles surface-air.

Le meilleur moyen d'empêcher des attentats terroristes est de faire disparaître les griefs qui constituent souvent leur motivation et d'infiltrer des informateurs au sein des organisations terroristes. Or, la Chine n'a pas été très performante là-dessus. Au Xinjiang comme au Tibet, elle a noyé les populations locales sous une vague d'immigration de Chinois hans qui vivent généralement à l'écart dans une prospérité bien plus grande. Ce qui a suscité un immense ressentiment.

Paradoxalement, l'immense afflux d'immigrants hans est le résultat d'une tentative maladroite de réprimer les idées séparatistes dans les deux provinces. Une majorité de Chinois croient que leur pays règne sur le Tibet et sur le Xinjiang (qui s'appelait, depuis des temps immémoriaux, le Turkestan oriental). Alors qu'en pratique, les deux régions ne sont tombées sous le contrôle direct de la Chine que depuis la moitié du 18e siècle, soit à peu près au moment où la Grande-Bretagne s'emparait de l'Inde.

Ainsi, pour éviter que ses territoires à l'ouest ne finissent par prendre le même chemin que les Indes britanniques, Pékin a dû trouver une manière de lier Tibétains et Ouïgours à la Chine. Le régime chinois s'est dit qu'un développement soutenu et l'accroissement de leur prospérité réconcilieraient les Tibétains et les Ouïgours avec lui.

Cela aurait peut-être fonctionné si les peuples soumis avaient obtenu leur part du gâteau, mais ça ne s'est pas passé ainsi. Les populations indigènes ayant de graves retards en matière d'instruction et de compétences techniques, l'effet final (bien que probablement involontaire) a été le suivant : des millions d'immigrants chinois qui, eux, avaient les compétences recherchées ont été attirés par cette prospérité sont venus accaparer tous les nouveaux emplois assortis de bonnes conditions.

En 1945, 90 % de la population du Xinjiang était ouïgoure. Les Ouïgours sont un peuple musulman turcophone très proche des autres populations musulmanes d'Asie centrale (les Ouïgours du Xinjiang et les Ouzbeks du nord de l'Afghanistan et d'Ouzbékistan parlent des langues assez similaires et sont capables de se comprendre). Aujourd'hui, les Ouïgours ne sont plus que huit millions sur les dix-neuf millions d'habitants, soit moins de 45 % de la population. Ce pourcentage qui continue de chuter rapidement.

Quant au Tibet, son urbanisation a été très rapide, mais la majeure partie de la population autochtone habite dans des ghettos qui sont à peine plus vivables que des bidonvilles, sans aucun espoir d'obtenir un emploi décent, car ceux-ci sont monopolisés par les immigrés chinois. La différence entre les deux régions est que le Xinjiang connaît, depuis le début des années 90, des attentats terroristes sporadiques qui visent la population chinoise et les intérêts chinois.

Le Tibet, lui, est isolé par sa géographie, sa culture, sa religion et sa langue. Il n'a d'affinités profondes avec aucune autre région du monde, ce qui explique en grande partie sa relative passivité politique entre la grande révolte de 1959 et les troubles de cette année. Les Ouïgours, en revanche, ont des liens historiques, culturels, religieux et linguistiques forts avec d'autres groupes d'Asie centrale, lesquels ont tous obtenu leur indépendance à l'effondrement de l'Union soviétique en 1991.

Cet exemple ne peut être que très séduisant. Au cours des vingt dernières années, divers groupes séparatistes ouïgours ont ainsi organisé des attentats terroristes occasionnels au Xinjiang et en Chine. La récente montée du terrorisme "islamiste" leur a donné une idéologie plus cohérente que le simple nationalisme, ainsi que quelques contacts utiles dans des régions du monde musulman plus éloignées. S'ils n'ont fait que quelques centaines de victimes en vingt ans, ils n'en restent pas moins une sérieuse épine dans le pied du régime chinois.

Des séparatistes ouïgours ou même tibétains pourraient-ils exécuter un attentat terroriste à Pékin durant les Jeux olympiques ? Bien sûr que oui. Oh, rien de très spectaculaire, non. Pas d'avions détournés s'écrasant sur des stades. Mais deux hommes armés de grenades (ou deux femmes, d'ailleurs) peuvent faire beaucoup de dégâts. Et même 100 000 soldats pourraient avoir besoin de compter sur la chance pour les arrêter à temps.

Gwynne Dyer est un journaliste indépendant canadien, basé à Londres, dont les articles sont publiés dans 45 pays. Son dernier livre, Futur Imparfait, est publié au Canada aux Éditions Lanctôt.

gdyer@ledroit.com