La catastrophe médiatique envisagée par les conservateurs semble en voie de se produire dans l'annonce d'un plan de réforme de l'inspection des aliments qui recueille pourtant la faveur de plusieurs intervenants du secteur consultés par La Presse.

Deux semaines après la diffusion d'un document confidentiel révélant l'existence de ce plan et évoquant des «risques en matière de communications» lors de sa présentation, l'Agence canadienne d'inspection des aliments se disait toujours incapable hier de préciser sa teneur.

Selon ce qui en a filtré, le gouvernement déléguerait une partie de ses responsabilités à l'industrie alimentaire, ce qui a poussé mardi les libéraux à dire que les conservateurs jouaient «à la roulette russe avec les Canadiens».

«On a tendance à voir le privé comme le méchant au Canada, mais ce qu'on oublie souvent, c'est qu'un empoisonnement est la dernière chose à laquelle un producteur veut faire face», nuance toutefois Sylvain Charlebois, spécialiste en distribution et sécurité alimentaire à l'Université de Regina.

Selon le professeur, le plan conservateur va dans la bonne direction en responsabilisant l'industrie et en concentrant le rôle du gouvernement sur la supervision de l'application de normes établies par lui.

«Ce sera toujours impossible pour le gouvernement de vérifier la sécurité de tous les aliments», dit M. Charlebois, qui rappelle qu'à l'heure actuelle, seulement 2% des aliments vendus sont inspectés.

«On reste encore loin du modèle américain évoqué par certains, où le volontariat prévaut, précise-t-il. C'est une approche hybride privé-public qui me semble plutôt une bonne nouvelle mal expliquée.»

Robert McNabb, de la Canadian Cattlemen's Association, abonde dans le même sens: «Mettre un inspecteur tous les cinq pieds sur une chaîne de production n'a aucun sens dans le système actuel.»

Les dangers les plus importants sont invisibles et sont plus susceptibles d'être repérés si l'industrie est formée pour appliquer elle-même les normes de sécurité, explique-t-il.

Des producteurs alimentaires consultés semblaient favorables au plan: «Ça ne changera rien pour nous, nous appliquons déjà des normes très sévères», tranche Jean Gattuso, PDG de A. Lassonde.