Le premier ministre Stephen Harper s'envole ce week-end pour le sommet du G8 au Japon avec cette fois «l'impression» qu'il sera entendu sur sa politique environnementale et sur son désir de voir tous les grands émetteurs de la planète participer à la lutte contre les changements climatiques.

Lors de la visite à Ottawa hier du premier ministre français, François Fillon, M. Harper a en effet affirmé qu'au cours des derniers mois, les Européens et les Américains se sont rapprochés sur cette idée de la nécessité d'une participation planétaire à la lutte contre les changements climatiques.

«Ce n'est pas possible au cours des décennies à venir, a souligné le premier ministre, de vraiment réduire les gaz à effet de serre (GES) sans la vraie participation des pays en développement. Même si les pays développés éliminaient toutes leurs émissions, les émissions mondiales doubleraient d'ici 2050.»

La lutte contre les changements climatiques et le ralentissement économique mondial seront au coeur des discussions qu'auront les dirigeants du G8 lors du sommet de Toyako qui a lieu du 7 au 9 juillet dans l'île d'Hokkaïdo.

Le premier ministre Harper avait tenté l'année dernière au sommet de Heiligendamm en Allemagne de convaincre les grands émetteurs de la planète, en particulier les États-Unis, la Chine et l'Inde, à réduire de 50% leurs émissions de GES d'ici 2050. Il avait prôné des cibles mondiales «réelles et obligatoires», à l'exemple de celles fixées par son gouvernement pour le Canada. Il avait du même coup reconnu que les cibles de Kyoto que s'était fixées le Canada voici plus de 10 ans étaient inatteignables, donc «irréalistes». Mais il estimait «raisonnable» de demander d'abord aux grands émetteurs de participer à l'effort planétaire avant d'accepter de discuter du plan canadien. La réticence des États-Unis à accepter des cibles contraignantes avait eu raison de ses ambitions.

Cette fois, le premier ministre - qui veut revenir à la charge à Toyako - croit que la flambée du prix du pétrole et les difficultés alimentaires et économiques qui s'ensuivent ont changé la donne du tout au tout. Il croit que la position du Canada est perçue par ses partenaires comme étant plus «réaliste», une conviction qu'il a acquise lors de sa tournée européenne préparatoire au G8 à la fin du mois de mai en France, en Allemagne, en Italie et en Grande-Bretagne.

«Comme vous le constatez, affirme le premier ministre Harper dans une entrevue exclusive à La Presse, les prix de l'essence et de l'énergie ont beaucoup augmenté. Il s'en est suivi un débat au sein de l'Union européenne sur la distribution des cibles de réduction des GES. On a vu de nouvelles inquiétudes sur la nature de ces cibles et sur la manière de les atteindre. Je pense que le ton est devenu un peu plus pragmatique, un peu plus réaliste.»

M. Harper a souligné hier en présence du premier ministre français qu'il était illogique de discuter séparément au G8 des changements climatiques, de la crise alimentaire, de la flambée du prix du pétrole et du ralentissement de l'économie.

«Nous devons avoir une vision de réduction des GES qui soit cohérente avec la croissance économique et avec la sécurité énergétique. Peut-être que maintenant nos partenaires vont comprendre notre point de vue. Il ne faut pas non plus tomber dans l'autre extrême et oublier l'importance des changements climatiques. Mais nous pouvons maintenant les discuter dans un contexte de réalisme économique», a affirmé le chef du gouvernement.

« Nous pensons qu'un système de réglementation est préférable à un système de taxation (NDLR: préconisé par certains pays européens et, ici, par le chef libéral Stéphane Dion). Il faut créer des fonds, des incitatifs, qui encouragent le développement de nouvelles technologies.»

Le premier ministre canadien croit que le scepticisme à l'égard de la position canadienne sur les changements climatiques est chose du passé.

Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance.