Des globe-trotters nous racontent un voyage inspirant. Avide de rencontres authentiques, Jean-David Pelletier a parcouru à pied l'équivalent de la distance entre Montréal et Gaspé, aller-retour. À raison de 30 à 40km par jour, la vie sur le dos, il écrivait sans le savoir une histoire qui allait devenir son premier livre.

Comment a germé l'idée de ce voyage et pourquoi avoir choisi cette destination ?

J'étais épuisé par mon travail de l'époque. En novembre et décembre 2016, j'ai aidé mon petit frère dans le projet du sapin de Noël de Montréal, le fameux sapin laid. J'ai été pris au milieu d'une crise médiatique sans précédent. J'étais découragé, dans un état de crise au travail, de crise de vie, de crise de sapin. J'ai décidé que j'avais besoin d'air.

L'année précédente, j'avais fait mon premier voyage à pied à Compostelle, le Camino Francés de Saint-Jean-Pied-de-Port, dans le sud de la France, jusqu'à Compostelle, qui fait 828 km. J'avais adoré l'expérience, alors j'ai cherché un autre chemin possible à la marche. Par hasard, je suis tombé sur un chemin en Italie, la Via Francigena.

Des attentes ou des peurs face à ce voyage avant le départ ?

J'ai étudié le trajet de la Via Francigena, qui suit d'anciennes voies romaines, en pensant que c'était comme Compostelle, avec de la signalisation tous les 100 m, des refuges pour marcheurs et tout. La veille de mon départ, j'ai réalisé que ce à quoi je me fiais depuis des mois était en fait un projet pilote qui n'était pas encore installé. J'ai donc dû improviser et, en quelque sorte, inventer mon chemin...

Si vous aviez à décrire un moment fort de ce voyage, un moment charnière, quel serait-il ?

Il y en a plusieurs. Mon arrivée à Marsala, en Sicile, après 1046 km de marche en deux mois, c'était un moment très fort en émotions. C'est là que j'ai rencontré un peintre qui était aussi enseignant dans une école primaire. Au lendemain de mon arrivée, je suis allé donner une conférence dans sa classe.

Puis j'ai été attaqué dans une ville sur la côte de la mer Adriatique. Je me suis fait voler mon iPhone. À partir de là, sans GPS, sans moyen de communication, je suis retourné à la base : avoir une carte et demander mon chemin. Avec du recul, ça s'est avéré une chose extraordinaire, sans Facebook, sans textos, comme dans mes premiers voyages à 17 ou 18 ans. Moins en contact avec l'extérieur, plus en contact avec moi-même.

Il faut aussi noter que j'avais quitté Montréal avec quatre cocottes de mon vilain sapin et je les ai plantées à quatre moments différents de mon voyage. J'ai planté des sapins laids, c'était à la fois comique et symbolique.

En quoi ce voyage a-t-il été inspirant ou marquant pour vous ?

Avec la marche, tu entres dans une autre dimension. Tu te fixes des objectifs, tu apprécies vraiment le paysage, tu rencontres des gens, et à un moment donné, tu finis par perdre la notion du temps. Tu vois les choses différemment.

Selon vous, est-ce que l'idée de partir à l'aventure est suffisamment encouragée ?

Ça reste marginal, mais je pense que les gens voyagent plus qu'avant. Les moyens pour voyager sont plus faciles, la technologie rend les voyages d'aventure beaucoup moins épeurants. Les conditions pour partir à l'aventure sont meilleures qu'elles étaient. Prenons Airbnb, par exemple. J'aurais tellement aimé avoir ça quand j'étais plus jeune !

Qu'est-ce qu'il vous reste de ce voyage ?

Les cocottes du vilain sapin ou la folle épopée de Johnny B., qui sortira le 28 février aux Éditions de l'Homme. À mesure que je marchais, j'écrivais de plus en plus, quoique je n'avais pas de plan d'écrire un livre au départ. Sur Facebook, je parlais de mes rencontres, de mes histoires absurdes, et j'ai vu que ça intéressait vraiment les gens. Avec les interactions et les encouragements sur Facebook, j'avais l'impression de faire voyager des gens avec moi au même titre que j'avais l'impression que l'on m'accompagnait. À mon retour, j'ai laissé ma job, j'ai mis mon appartement sur Airbnb et je suis allé chez ma mère pendant deux mois pour écrire mon premier livre...

Photo fournie par Jean-David Pelletier

Marcher de Rome à Brindisi et faire ensuite le tour de la Sicile.

Photo fournie par Jean-David Pelletier

Marcher de Rome à Brindisi et faire ensuite le tour de la Sicile.