Mère et monde: un voyage avec sa mère

Qui a dit qu'en atteignant l'âge adulte, on arrêtait de voyager avec sa mère? Quand les enfants sont grands, un voyage avec maman devient souvent l'occasion de passer du bon temps entre adultes. Quant au rapport d'autorité, s'il s'amoindrit avec les années, il peut même parfois s'inverser... Trois familles se racontent.        

COMME DANS LES POLARS EN SUÈDE

Florence Poirier-Ostiguy est l'aînée de trois enfants. Dans la maison du Plateau-Mont-Royal qu'elle partage avec ses parents, son frère et sa soeur, les moments en tête-à-tête avec sa mère se font rares. Trop rares. Sauf en juin dernier où, pour la première fois de sa vie, elle a passé une semaine complète seule avec sa maman en Scandinavie.

Pour meubler tout ce temps mère-fille, Florence et Johane ont glissé dans leurs valises des jeux de cartes et de nombreux romans policiers. Plan du voyage: Stockholm et Malmö, en Suède, puis quelques jours à Copenhague, au Danemark.

La mère et la fille affirment (presque) sans hésitation s'être bien entendues. Et on les croit sans peine lorsqu'on comprend que leurs plus grosses disputes tournaient autour des parties de cartes et de l'heure du lever. «Je me fâchais seulement quand j'étais tannée de perdre aux cartes», lance Johane. Quant à Florence, elle reprochait surtout à sa mère de la réveiller trop tôt le matin...

Mais avant tout, elles ont profité de leur séjour pour s'adonner à des activités qui ne sont pas possibles quand toute la famille est là. Avec la petite soeur de 16 ans et le petit frère de 12 ans, elles n'auraient jamais pu s'attarder dans les musées, marcher pendant des heures et, surtout, lire autant de romans. «C'est plus facile de faire des compromis à deux personnes qu'à cinq», résume Florence, rencontrée entre deux cours au cégep.

Sur les traces de...

Florence et Johane ont planifié leur voyage en fonction de leur intérêt pour les polars. À Stockholm, elles ont suivi la trace des livres de la série Millenium; à Malmö, celle des romans d'Henning Mankell et de son inspecteur Kurt Wallander.

Tout cela entre deux longueurs au complexe aquatique de Stockholm, car mère et fille partagent une autre passion: la natation.

Manque de chance, elles ont subi de nombreux retards sur le chemin du retour. Après d'interminables heures d'attente, elles avaient toutes deux fini les livres qu'elles avaient apportés. Florence et Johane ont alors eu une bonne idée: échanger leurs romans. Pratique, quand même, de partager les mêmes goûts!

> Prochain voyage: Florence a inspiré son frère et sa soeur, qui rêvent à leur tour de partir en tête-à-tête avec leur père ou leur mère...

FILER À LA FRANÇAISE

Tout a commencé par un cadeau de Noël. Sous le sapin trônaient des billets de hockey pour un match du Canadien, achetés par Isabelle Fontaine pour les «hommes» de sa famille. Un bon soir de février, pendant que les gars étaient partis au Centre Bell, les filles du clan Fontaine en ont profité pour se régaler de tapas dans un restaurant de la rue Saint-Denis. C'est là qu'Isabelle, sa mère Ginette et sa belle-soeur Geneviève se sont mises à rêver de Paris, en déterrant un vieux projet de voyage qui n'avait jamais abouti. «Après un cocktail, puis deux cocktails, on s'est dit: et si on y allait vraiment?», lance Isabelle.

Le lendemain, après avoir dégrisé, elles n'avaient pas changé d'idée. Au contraire. Elles ont retroussé leurs manches et ont acheté les billets d'avion, puis réservé une copropriété hôtelière dans le XVIe arrondissement. À la mi-mai, Isabelle, Ginette et Geneviève étaient fin prêtes à partir, laissant chums et enfants à la maison.

Dans la Ville lumière, les trois filles se sont payé la traite. Elles ont profité des belles journées printanières, ont mangé de la tartiflette, de la fondue savoyarde, du foie gras arrosé de bon vin, visité Versailles et fait une escale au Moulin-Rouge. Il faut dire que Ginette et Geneviève n'avaient encore jamais mis les pieds à Paris. D'ailleurs, le voyage servait aussi de prétexte pour fêter la retraite de la première et les 40 ans de la deuxième.

Elles n'ont pas eu le temps de s'ennuyer de leurs hommes, pas même Geneviève qui avait laissé ses deux garçons de 4 et 6 ans à leur papa. En l'absence de leur mère, ils ont eu droit à de rares privilèges. «Ils ont mangé au restaurant, ils se sont couchés tard... Ils étaient en vacances eux aussi, finalement!»

Inverser les rôles

Le premier jour, un petit accident a néanmoins failli ruiner le voyage. En prenant le métro avec les grosses valises, Ginette a perdu pied dans l'escalier roulant. Heureusement que sa fille a réussi à la rattraper, ce qui lui a évité de débouler plusieurs marches. «Elle aurait pu se faire royalement mal», dit Isabelle, une pointe d'inquiétude encore dans la voix.

Il y a finalement eu plus de peur que de mal dans cette histoire, mais le ton était donné: Isabelle s'est montrée protectrice avec sa mère pendant tout le voyage. «À partir du premier jour, j'étais collée sur elle, affirme-t-elle. J'étais enrobante, presque fatigante!»

En revanche, elle a été fort impressionnée par sa maman. «On a beaucoup marché, et elle n'a pas dit un mot. Ça m'a agréablement surprise.» Ginette acquiesce, avant de renchérir: «Je m'étais dit que si je les accompagnais, j'allais les suivre. Je ne voulais surtout pas me plaindre!»

Paris en mai, donc? Elles y retourneraient n'importe quand. Surtout qu'elles n'ont eu que du beau temps: un beau ciel bleu, et pas l'ombre d'une chicane à l'horizon.

> Prochain voyage: DisneyWorld... avec les enfants.

HORS DES SENTIERS BATTUS EN ITALIE

L'année qui a précédé ce voyage a été éprouvante pour Marieke Verdy et sa mère, Yolande. Peu de temps après que les parents de Marieke eurent souligné leurs 50 ans de mariage, le mari de Yolande a succombé à un cancer. Dans l'espoir de changer les idées de sa maman, Marieke l'a invitée à passer trois semaines avec elle en Italie l'été dernier.

«Ma mère a énormément voyagé avec mon père. Mais depuis les 10 dernières années, il était souvent malade», indique Marieke. Aussi, lorsqu'elle a su que son amie d'enfance se mariait en Italie au mois de juillet, elle a eu envie d'y aller avec sa mère.

Ce n'était pas le premier séjour de Marieke et de Yolande en Italie et, en voyageuses averties, elles ont voulu éviter la cohue touristique des villes les plus connues. Le mariage avait lieu dans la région moins courue des Marches, près de la mer Adriatique, où les petites routes serpentent de village en village en traversant d'immenses champs de tournesols.

Après le mariage - où elles ont sympathisé avec la famille italienne du marié! - et quelques jours au bord de la mer, Marieke et Yolande ont pris le train vers Vérone, ville de Roméo et de Juliette. Elles ont ensuite fait une croisière sur l'Adriatique: Venise, Ravenne (où se trouve le tombeau de Dante) et Bari, dans les Pouilles, puis Koper, en Slovénie, et Dubrovnik, en Croatie. Le tout entrecoupé de baignades dans de jolies petites criques.

Même si, fortes de leur expérience, elles pensaient bien éviter les pièges à touristes, elles y ont goûté à Venise. «On s'est assises sur une terrasse à la place Saint-Marc, il y avait des musiciens, c'était agréable, raconte Yolande. Mais il y avait une surprise: il fallait payer pour les musiciens, et Marieke s'est fâchée.»

«Je n'aime pas me faire avoir! confirme sa fille. Trente euros pour deux petites bouteilles de Coke, c'est beaucoup trop.»

Elle savait néanmoins que cet agréable moment sur la place Saint-Marc avait fait plaisir à sa mère. Et ça, ça n'a pas de prix!

> Prochain voyage: Costa Rica avec le reste de la famille.