Des tentes et des cases aux villas de luxe: en 60 ans, le Club Med, association à but non lucratif devenue société cotée, s'est embourgeoisé, au risque parfois de dérouter ses inconditionnels, et met désormais le cap sur la Chine.

Car comme l'écrit Jean-Jacques Manceau dans Club Med, réinventer le rêve (éditions Perrin), «le Club Med est une marque mythique du tourisme» sur qui, à l'image de l'équipe de France de football, «tout le monde a une idée sur la stratégie à adopter».

Le Club des débuts n'a en effet plus rien à voir avec celui d'aujourd'hui, rappelle l'auteur.

L'aventure a débuté en 1950 avec «la création du concept de village de vacances tout compris par Gérard Blitz, une période d'après-guerre où l'envie de s'amuser primait», raconte-t-il à l'AFP.

«1965 marque la rupture avec la fin du bénévolat associatif, l'arrivée d'Edmond de Rotschild dans le capital et la construction du premier village en dur à Agadir», note-t-il.

Dans les années 80, le concept sera beaucoup copié, galvaudé.

Avec l'arrivée en 1997 de Philippe Bourguignon à la tête du Club, qui met fin à l'ère Trigano (Gilbert de 1963 à 1993 et Serge 1993-1997), l'heure est à la démocratisation du produit, au plan social et à la première restructuration du club pour sortir les comptes du rouge.

Nommé en 2002, Henri Giscard d'Estaing voit le salut de l'entreprise dans un «luxe convivial», l'exact opposé de l'image de clientèle de «beaufs» que lui a collé le film «Les Bronzés» (1978).

«Il n'avait pas le choix», souligne Guillaume Rascoussier, analyste chez Oddo Securities. «Quand on a une structure de coûts comme le Club Med avec ses villages, ses salaires et beaucoup de services associés au produit comme le sport, la montée en gamme est indispensable».

Pour le Club, l'opération se traduit par «un gros changement de culture» obligatoire «pour assurer la rentabilité du business model, même si cela a pris du temps. Aujourd'hui, le réseau est homogène et cohérent», assure-t-il.

Jean-Baptiste Bacheron, créateur il y a 10 ans du site de fans du Club www.macase.net, est partagé.

D'un côté, il apprécie l'arrêt de la démocratisation du Club, de l'autre, et du haut de ses 30 ans de pratique, il constate que «les GO (gentils organisateurs) se mettent à vouvoyer les vacanciers».

«La clientèle d'aujourd'hui a plus de moyens. Elle est toujours mécontente parce qu'elle ne trouve pas ce qu'il y a dans l'hôtellerie haut de gamme», dit-il avant d'ajouter: «en fait, le Club ne satisfait ni les anciens, ni les nouveaux».

Ce qui se traduit selon Didier Arino, directeur du cabinet Protourisme, par «une perte de 130 00 clients rien que l'an dernier, et 30% de leurs clients en 10 ans» pour un gain de 13 00 en 4 et 5 tridents (haut de gamme et luxe).

M. Arino fustige aussi la vente de murs de villages «pour rassurer les actionnaires». Bref, pour lui, «la montée en gamme se traduit par une montée des prix» parfois sans justification et sans avoir réussi à capter la clientèle en adéquation.

Henri Giscard d'Estaing lui ne dévie pas d'un iota. Programme de productivité, cessions de murs, vente de foyers de pertes et de villages sans avenir, rénovation pour les autres... La montée en gamme, plus rentable, doit assainir les comptes. Après 53 millions de pertes en 2009, le premier semestre 2010 est repassé légèrement au vert.

Prochaine étape, la Chine, dont le marché touristique fait rêver tous les professionnels du tourisme. Le premier club dans l'Empire du milieu ouvrira en novembre.

Pourquoi pas, dit M. Bacheron, «si cela permet au Club de gagner des parts de marchés, renouer avec les bénéfices et surtout de ne pas disparaitre».