Crise économique ou pas, près de 700 000 Québécois devraient s'envoler vers une destination-soleil, entre le 1er novembre et le 30 avril. Et c'est sans compter ceux qui partiront pour la Floride ou pour des destinations «marginales» comme Las Vegas.

Une poignée de grossistes se disputeront âprement cette clientèle qui dépensera entre 800 et 900 millions de dollars pour acheter ses forfaits «tout inclus». La bataille s'annonce, cette année, plus féroce que d'habitude. Depuis la disparition de Nationair, en 1993, le marché québécois (et plus récemment le marché canadien) est dominé par la multinationale québécoise Transat qui, avec ses deux marques, Vacances Transat et Nolitours, s'adjuge la plus grosse part du gâteau: un peu plus de 250 000 sièges, selon les estimations (dans ce milieu, on parle en sièges d'avion, ce qui est synonyme de clients).

Tours Mont-Royal, qui se classait habituellement au deuxième rang, totalise 160 000 sièges. Pendant plusieurs années, les deux entreprises ont verrouillé le marché, liés par une alliance tacite, sinon effective. Transat a toujours ménagé Tours Mont-Royal, qui fait voyager la majorité de ses clients sur Air Transat et qui, solidement établi au Québec (il célèbre cette année son 40e anniversaire), empêchait Vacances Sunquest et Vacances Signature de s'y établir en force. Filiales des deux géants européens Thomas Cook et TUI, ces deux voyagistes sont très présents au Canada anglais, mais ils n'ont jamais réussi à se positionner comme des acteurs majeurs au Québec où, bon an mal an, ils recrutent chacun environ 35 000 clients, en hiver. Près de cinq fois moins que Tours Mont-Royal et sept fois moins que Transat!

Mais les choses ont changé en 2006, avec l'irruption de Sunwing, une entreprise familiale fondée quatre ans plus tôt et qui, depuis, connaît une ascension fulgurante. Elle est devenue le deuxième acteur au Canada (on parle de 700 000 clients par an, par rapport à 1,4 million pour Transat et 300 000 chacun pour Sunquest et Signature) et, au Québec, elle talonne sérieusement Tours Mont Royal, si elle ne l'a pas dépassé (ses dirigeants affirment qu'ils y mettront en marché 170 000 sièges, cet hiver).

La bataille s'est déplacée en région. Voici deux ans, Sunwing a lancé un vol au départ de Bagotville, au Saguenay. Cette année, c'est trois vols que le nouveau venu offrira au départ du Saguenay. Et il surenchérit en lançant un vol au départ de Val-d'Or vers Varadero. Transat, qui n'a jamais desservi le Saguenay et l'Abitibi, ne pouvait pas rester sans réagir. Question d'image: on est le leader sur le marché québécois ou on ne l'est pas! En août, Denis Codère, vice-président commercialisation de Vacances Transat et Nolitours, a annoncé qu'Air Transat exploiterait un vol entre Bagotville et Punta Cana. Occasion commerciale ou tentative d'écraser le concurrent? «Nous étudions la possibilité d'offrir des vols au départ de Bagotville depuis cinq ans, c'est-à-dire bien avant l'arrivée de Sunwing au Québec, rétorque Denis Codère. C'est une décision d'affaires fondée sur des études de marché.»

Mais au Saguenay, on ne l'entend pas de cette oreille. Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, qui préside Promotion Saguenay, l'organisme gérant l'aéroport de Bagotville, ne voulait pas d'Air Transat, à moins que le transporteur ne desserve une route différente de Sunwing. «Nous ne voulons pas créer des guerres qui affaibliront les compagnies qui viennent dans la région», a-t-il déclaré au Quotidien, principal journal de la région. Transat à cédé. Ses vols ne décolleront pas de Bagotville vers Punta Cana - une destination déjà desservie par Sunwing, avec Puerto Plata et Varadero - mais plutôt vers Cancun.

Le géant québécois n'a certainement pas dit son dernier mot. Après tout, il est le cinquième groupe mondial du voyage et le premier nord-américain! Les vrais gagnants sont les consommateurs qui, malgré les coûts du carburant, ne paieront pas leurs forfaits plus cher, cette année. «Sunwing exerce une forte pression sur les prix», admet le président de Tours Mont-Royal, Yvon Michel.