Vincent Paris a fondé la confiturerie Tiguidou l'année dernière, avec sa conjointe. L'entreprise vend des petits pots de confiture où la fraise de l'île se mélange au basilic, dans une ancienne grange qui ne se trouve même pas sur le chemin Royal. Il fallait croire à l'avenir du tourisme à l'île d'Orléans pour se lancer dans un tel projet.

De l'aveu même du propriétaire, les produits de Tiguidou ne sont pas destinés au touriste-type qui fait son pèlerinage annuel à l'île et aime bien les produits du terroir à l'emballage traditionnel. Vincent Paris mise sur le touriste hipster.

Ce qui veut dire?

Une clientèle plus jeune, souvent familiale, plus exigeante et prête à faire des découvertes, explique le jeune entrepreneur. «Tu ne leur passeras pas de la confiture avec de la pectine!»

Il n'est pas le seul à miser gros sur ce vent nouveau qui souffle sur l'île. Trois filles ont converti un magnifique poulailler blanc et rouge en boutique d'objets de déco. Les 3 Poules à l'île amorce sa première saison touristique cet été.

Auriez-vous ouvert cette même boutique il y a 10 ans?

«Ah non!», répond sans hésiter Isabelle Beaulieu, l'une des fondatrices des 3 Poules. «On sait qu'il y a un renouveau à l'île et on veut y contribuer.» Isabelle Beaulieu a un chalet dans l'île depuis quelques années. Elle voit une clientèle plus jeune s'y promener, souvent attirée par de l'agrotourisme de niche. «Ce sont des foodies», dit-elle. Et c'est exactement la clientèle cible de son commerce qui donne dans le rustique-chic, un style qui compte encore peu d'adresses à l'île d'Orléans. Les 3 Poules à l'île possède un espace réception, où sera célébré un premier mariage cet été et veut éventuellement installer un petit bistro dans cet endroit magnifique.

De l'autre côté de l'île, à Saint-Pierre, Cassis Monna&filles a aménagé l'année dernière un joli coin-repas, la Monnaguette. La réputation de cette petite entreprise n'est plus à faire chez les gourmands du Québec. Monna&filles est précurseur de l'agrotourisme de niche de l'île d'Orléans. Bernard Monna a acheté une terre agricole dans les années 70 et est devenu producteur de cassis. Ses deux filles ont pris la relève en donnant une image très soignée aux produits et en élargissant la gamme.

Sur la bonne piste

Les projets des Monna ne s'arrêtent pas là. Anne Monna rêve d'un festival d'envergure dans l'île qui regrouperait plusieurs acteurs de l'industrie touristique. «Il faut qu'on se prenne en main, lance-t-elle. Il manque de projets rassembleurs à l'île.»

Parmi les autres manques, cité par à peu près tout le monde qui connaît bien l'île: il n'y a toujours pas de piste cyclable, alors qu'on en parle depuis des années.

Malgré ces bémols, Anne Monna est très optimiste quant à l'avenir touristique de l'île d'Orléans. La base d'agrotourisme est solide, dit-elle. «Mais il faut faire vivre une expérience différente et authentique aux visiteurs, poursuit la jeune femme. Surtout pour la génération Y, qui est à la recherche d'expériences uniques en voyage.»

Cassis Monna&filles travaille présentement à un projet d'agrandissement dans la grange patrimoniale avec une firme d'architecture qui a le mandat de donner un aspect contemporain au bâtiment construit en 1900. La nouvelle grange pourrait accueillir des petits spectacles de chanson.

Réinventer le mythe

Les jeunes sont en train de redynamiser l'offre touristique de l'île, estime le photographe Pierre Lahoud qui habite à Saint-Jean depuis 40 ans.

Ce n'est pas une mince affaire, dit-il. Car selon lui, le mythe de l'île d'Orléans est très fort et parfois lourd à porter, avec l'histoire «du berceau de l'Amérique française». On remarque qui se passe quelque chose, dit-il, lorsqu'on voit des bâtiments issus d'une nouvelle architecture, mais inspirés des formes traditionnelles, se faufiler parmi les maisons historiques. Ça commence à se voir.

Ce qui est fascinant est de voir une nouvelle génération d'entrepreneurs tabler sur les forces de l'île, l'agrotourisme notamment, pour renouveler l'offre, poursuit Pierre Lahoud. «Les jeunes producteurs sont en train de réinventer le mythe», dit le photographe.

On a aussi assisté à la création d'une nouvelle variété de fraises. L'Authentique Orléans est cultivée en juillet par Les Fraises de l'île d'Orléans, sur le chemin Royal à Saint-Laurent. C'est une fraise très rouge, ferme, pas très sucrée, mais très savoureuse, explique son créateur, le producteur Louis Gauthier. Il y a des nouveautés dans l'agrotourisme, confirme Natacha Bouchard, présidente du comité tourisme du Centre local de développement (CLD) de l'île d'Orléans. On peut maintenant faire de l'autocueillette des bleuets et même de la célèbre pomme de terre de l'île.

Et l'hébergement?

«Le tourisme va bien à l'île», dit Mme Bouchard qui a racheté le camping Orléans de ses parents en 2008.

Pour l'instant, à part le camping et les résidences de tourisme, si vous désirez passer la nuit à l'île et que vous n'aimez pas les petits gîtes au décor champêtre, vous avez peu de choix. «C'est certain que vous ne trouverez pas d'établissements au design urbain, lance Natacha Bouchard. À l'île, vous êtes en campagne!»

Le nombre de gîtes y est toutefois en baisse. Certains propriétaires prennent leur retraite et ne sont pas remplacés.

«L'offre de Québec en hébergement est difficile à battre», dit Vincent Paris qui croit que l'île est encore perçue comme un complément à une visite à Québec.

Il y a environ 1 million de «touristes» qui passent par l'île chaque année, selon le plan stratégique de développement touristique du CLD. De ce nombre, un impressionnant 85% ne fait que passer. «Les gens viennent pique-niquer dans l'île, dit Natacha Bouchard. Ils achètent ici ce qu'il leur faut et passent la journée.»

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Trois filles ont converti ce poulailler en boutique d'objets de décoration. Le nom de l'endroit: Les 3 Poules à l'île.

Photo Yannick Doublet, Le Soleil

La confiturie Tiguidou fondée par Vincent Paris et sa conjointe l'an dernier.