Alors que le sud du Québec a des airs de printemps, une trentaine de jeunes du Nunavik se préparent à une expédition de ski de fond hors de l'ordinaire à travers le territoire de l'ours polaire.

Dans le cadre d'un projet visant à acquérir l'amour du plein air et la persévérance, les jeunes de quatre communautés - Kuujjuaq, Tasiujaq, Kangirsuk et Kuujjuarapik - parcourront 90 km en cinq jours, à partir de deux points de départ différents, pour tous se retrouver dans une cinquième communauté, Aupaluk.

Le petit village aura fort à faire pour accueillir tout ce beau monde, soit près de 50 personnes avec les guides et les accompagnateurs. Selon le recensement de 2011, Aupaluk ne compte que 195 habitants.

Le projet Jeunes Karibus en est à sa deuxième édition. L'année dernière, au mois de mars, une demi-douzaine de jeunes avaient parcouru 141 km entre Kuujjuaq et Tasiujaq. L'expédition s'était déroulée sans pépin majeur.

Les réalités du Grand Nord

«Les jeunes ont été bons, autant physiquement que mentalement, se souvient Marie-Andrée Fortin, qui agit comme conseillère dans le cadre du projet Jeunes Karibus. Il y avait du gros vent du nord-ouest.»

Il y a toutefois eu un peu d'incompréhension dans la communauté de Kuujjuaq. Certains membres des familles considéraient que les jeunes n'étaient pas habillés assez chaudement pour une telle aventure.

«Ils ne comprenaient pas pourquoi on traversait le territoire sans porter de parka, de pualuks, de kamiks et de nassak», indique Mme Fortin.

Les jeunes s'habillaient légèrement pendant l'exigeant exercice de ski de fond, notamment avec de l'équipement Black Diamond, grâce à une commandite du manufacturier. Par contre, ils revêtaient rapidement leur parka, leurs pualuks (grosses mitaines de fourrure), leurs kamiks (bottes très chaudes) et leur nassak (tuque épaisse) une fois rendus au camp.

Comme l'année dernière, des guides inuits accompagneront les jeunes en motoneige pour notamment transporter le matériel de groupe lourd, comme les tentes, les mâts, les poêles à bois et les armes à feu.

«Il y a une portion du parcours où il serait possible de rencontrer des ours polaires, explique Mme Fortin. C'est plus au nord que l'année dernière et c'est plus près de la banquise.»

Les jeunes pourront aller chasser la lagopède avec les guides inuits.

«Nous voulons promouvoir les valeurs locales», indique Mme Fortin.

Les jeunes pourront ainsi manger de la viande bien fraîche.

«L'année dernière, la nourriture déshydratée n'avait pas très bien passé, dit Marie-Andrée Fortin en rigolant. Un guide nous avait alors sorti un super ragoût de boeuf musqué. Ça s'est fait manger dans le temps de le dire!»

La grande expédition de 2013

Le projet Jeunes Karibus tire son origine d'une grande expédition à laquelle avait participé Mme Fortin au cours de l'hiver 2013-2014, le Projet Karibu. Quatre jeunes guides d'aventure (Bruno-Pierre Couture, Sébastien Dugas, Jacob Racine et Marie-Andrée Fortin) avaient alors skié de Montréal à Kuujjuaq, un périple de 2200 km qu'ils avaient accompli en 130 jours.

Les élèves de l'école Jaanimmarik de Kuujjuaq avaient accueilli les aventuriers. Certains avaient même chaussé des skis de fond pour les accompagner dans les derniers kilomètres.

Deux professeurs de l'école, Valérie Raymond et Maxime Saunier, ont alors élaboré un projet d'expédition de ski de fond pour les jeunes de Jaanimmarik et ont demandé conseil à Marie-Andrée Fortin.

«Il y avait un poste disponible au club de ski de fond de la municipalité de Kuujjuaq, se rappelle cette dernière. Tous les astres étaient alignés. Ça me permettait de monter à Kuujjuaq pour cet emploi et mettre du temps pour aider à lancer Jeunes Karibus.»

La première édition était en quelque sorte un projet-pilote. «Il y avait beaucoup de choses à mettre en place. Cette année, nous mettons davantage l'accent sur la démarche avant l'expédition, sur la formation de l'équipe», raconte Marie-Andrée Fortin.

Les jeunes des quatre villages se préparent et se lancent mutuellement des défis. Les communautés inuites participent au financement du projet dans le cadre de leurs programmes visant à susciter de saines habitudes de vie chez les jeunes. «C'est un des objectifs que nous avons élaborés», note Marie-Andrée Fortin.

Le projet pourrait faire l'objet d'un programme éducatif partout au Nunavik.

«Nous travaillons fort pour mettre des assises qui seront solides, indique Mme Fortin. Je travaille sur un plan de mesures d'urgence, sur l'acceptation des risques et sur les antécédents médicaux.»

Les accompagnateurs ont suivi des cours de premiers soins en milieu éloigné et les participants ont appris à se servir de l'équipement, notamment les traîneaux dans lesquels ils placeront leurs effets personnels.

Il leur reste maintenant à finaliser l'entraînement avant le grand départ, le 14 avril.