De l'austère côte des Méchins aux riantes fermes de la Matapédia en passant par les plages de galets rouges, de sable fin ou d'agates multicolores qui émaillent son littoral, la Gaspésie n'a jamais fini d'étonner et de séduire. Entre ses atouts bien connus, elle cache encore bien des secrets. Petit tour tout en douceur.

Une région riche

Là où le fleuve et la mer se confondent, où les noms des villages - Grosse-Roche, Les Méchins, L'Anse-Pleureuse, Pointe-à-la-Frégate, L'Échouerie - sonnent comme des poèmes, c'est là. C'est là que commence la Gaspésie. Quant à savoir où elle finit, on serait bien embêté. On voudrait surtout qu'elle ne finisse jamais.

Car il se trouve régulièrement des gens de la ville pour dire qu'il faudrait « en finir » avec la Gaspésie. On la traite de région dévitalisée ou éloignée (mais de quoi ?). Des villages y ont été rasés, des familles, déracinées, des routes, abandonnées. Mais les Gaspésiens résistent, persistent et ne se résignent pas : ils n'ont pas dit leur dernier mot. Quant à leur premier, il est toujours le même pour quiconque vient en ami : « Bienvenue ! »

C'est ce qui frappe ici, outre ces paysages à la fois doux et rugueux, si changeants qu'on n'a pas assez d'yeux pour tout embrasser : l'affabilité des gens, leur bonne humeur, leur vivacité. Cette gouaille qui fait dire à une dame à laquelle le photojournaliste se présente, légèrement hors saison : « Coudon, qu'est-ce tu fais icitte, t'es-tu pardu ? » avec un accent inimitable.

Qu'on se le dise, la Gaspésie n'est pas pauvre. Elle est riche de ses habitants, de sa beauté, de cette mer qui continue, malgré tout, de nous nourrir le corps et l'âme. Certains voyageurs se donnent une semaine pour en « faire le tour » : Matane, Métis, Forillon, Percé, l'île Bonaventure, Miguasha, pif, paf, on rentre à la maison. On peut le faire comme ça, bien sûr. Mais c'est se priver d'un chapelet de découvertes à savourer au gré de la route, du beau temps, de l'inspiration du moment. La Gaspésie est une amante timide qu'il faut prendre le temps d'apprivoiser. Au risque d'en tomber amoureux à jamais.

Six trésors cachés

Outre les emblèmes célébrissimes de la Gaspésie, qui certes valent tous les détours du monde, voici quelques trésors cachés qui méritent qu'on s'y arrête.

LE BOURG DE PABOS (CHANDLER)

Un très beau camping, trois plages de sable fin, le golfe d'un côté, la baie du Grand-Pabos de l'autre, un univers peuplé d'eiders à duvet et de hérons... Si on ne trouvait que ça dans ce parc, ce serait déjà fameux. Mais il appert que le bourg de Pabos a été un important poste de pêche au début de la colonie. Des fouilles archéologiques ont permis de découvrir quelque 16 000 objets ou fragments d'objets qui racontent l'âpre vie des pêcheurs de morue au XVIIIe siècle. Un centre d'interprétation, un sentier archéologique et une salle d'exposition présentent tout cela avec intelligence et créativité. Si vous avez de la chance, la guide Chantal Giroux aura mitonné sa célèbre « tiaude », une soupe de têtes de morue dont tout le monde raffole.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Visite du centre d'interprétation de Pabos Mills.

PARC DE LA POINTE-TAYLOR (NEW RICHMOND)

On dirait bien que seuls les gens du coin fréquentent ce paisible parc municipal au bord de la baie des Chaleurs, parmi lesquels de nombreux férus de pêche à la truite. C'est simple : on n'a qu'à s'installer tout bonnement sur la rive de la Petite-Cascapédia et à lancer sa ligne à l'eau. Bel endroit aussi pour une saucette ou un pique-nique, ou les deux (voire les trois !). 

Le samedi, du 4 juillet au 5 septembre, un marché public accueille une quinzaine d'artisans, artistes et producteurs agroalimentaires de la région.

LE PARC ÉOLIEN DE CAP-CHAT



On aperçoit de loin leurs grandes ailes blanches qui tournoient dans les hauteurs de Cap-Chat. Vus de près, ces 132 géants qui se dressent dans un paysage tout en rondeurs sont encore plus spectaculaires. Peu de gens savent que s'y ajoute une éolienne à axe vertical, la plus haute du monde, dans laquelle on peut monter accompagné d'un guide. Avec des pauses à 35 et 90 m, l'ascension par une échelle culmine à 100 m, sur une plateforme d'où l'on voit l'autre rive du golfe par temps clair. On peut même y grimper hors les heures normales pour observer le coucher du soleil, voire les perséides en août : il suffit de demander un peu à l'avance. Sujets au vertige s'abstenir... mais amateurs d'expériences inédites, c'est pour vous !

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Paysage d'éoliennes près de Cap-Chat.

VALLÉE DE LA MATAPÉDIA

La rivière Matapédia serpente, paresseusement enlacée à la route (ou est-ce l'inverse ?), dans un doux paysage de collines veloutées, de fermes florissantes, de villages bien peignés. La seule chose à faire : ouvrir les yeux et les remplir de beauté en roulant vers Amqui, toute coquette avec ses deux ponts couverts et sa jolie gare. Là, on pourra faire une pause pique-nique avant de continuer vers les hauteurs de Rimouski, où l'arrière-pays - on tend à l'oublier - est au moins aussi beau que le littoral.

LIEU HISTORIQUE NATIONAL DE LA BATAILLE-DE-LA-RISTIGOUCHE



Discrètement annoncé en bordure de la route, à Pointe-à-la-Croix, ce lieu historique est une véritable surprise : ici a eu lieu, en 1760, une bataille décisive dans la guerre que se sont livrée la France et l'Angleterre pour le contrôle de l'Amérique du Nord. Le musée présente les vestiges de l'épave de la Machault, une frégate de 26 canons coulée par la marine anglaise dans la baie des Chaleurs, où elle a séjourné pendant 200 ans avant qu'on ne la retire des eaux avec tous ses secrets. L'exposition présente également une reconstitution de l'intérieur du navire, des objets trouvés lors des fouilles sous-marines et des panneaux qui relatent le déroulement de cette bataille aussi historique que méconnue. De quoi se coucher moins ignorant le soir venu !

PHOTO FOURNIE PAR PARCS CANADA

Le lieu historique de la Bataille-de-la-Ristigouche rappelle un moment décisif de l'histoire de la Conquête. Sur la photo: de la porcelaine trouvée dans l'épave de la Machaut.

LE PHARE DE LA MARTRE

Quand on arrive de l'ouest, c'est d'abord la chute du Voile de la mariée qui, au bord de la route, signale le village. Puis on aperçoit ce joli phare, rouge comme un coup de soleil, au garde-à-vous sur la falaise. C'est le seul phare de bois en Amérique qui ait conservé sa structure d'origine. 

La visite guidée, instructive et amusante, vaut certainement un arrêt, ne serait-ce que pour voir le formidable mécanisme d'horlogerie qui assure toujours la rotation de la lanterne. 

Dans l'ancienne maison du gardien, une boutique propose de jolis objets faits dans la région (il est loin, le temps des homards de plastique Made in China !), et un petit musée aménagé dans le bâtiment de la corne de brume (ou du criard, comme on dit joliment par ici) raconte l'histoire des phares, de leur apparition à nos jours.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Visite du phare de La Martre en Gaspésie.