On a cru y rester. Prisonniers à jamais du creux d'une montagne enneigée, pendant l'une des journées les plus froides de l'année. Alors que nos mollets et nos cuisses nous imploraient d'arrêter, le soleil descendant nous criait de nous activer. Récit d'une randonnée sportive dans les montagnes du sentier des Caps.

Que ceux qui croient qu'une randonnée en raquette est une balade du dimanche aillent se rhabiller. Sur le sentier des Caps de Charlevoix, on comprend vite la définition de l'expression «raquette de montagne». Ouvert aux marcheurs l'été et aux fondeurs et raquetteurs l'hiver, le sentier des Caps offre plusieurs kilomètres de sentiers serpentant les montagnes qui bordent le fleuve Saint-Laurent, de Cap-Tourmente à Petite-Rivière-Saint-François.

S'il est possible de parcourir l'été le sentier d'une extrémité à l'autre, l'hiver, seule la portion reliant Saint-Tite-des-Caps à Petite-Rivière-Saint-François est ouverte aux raquetteurs pour de longues randonnées de quatre jours avec nuits en refuge. Il est aussi possible de boucler, dans ces deux secteurs, une randonnée en une journée. Ceux qui n'ont pas de raquettes peuvent en louer.

«Nous avons la chance d'avoir le fleuve et les montagnes», observe Linda Paradis, responsable de l'accueil et directrice de l'administration de la corporation qui gère le sentier. Et de la neige en abondance, pourrait-on ajouter. Alors que le sud du Québec pleurait en janvier la disparition de l'amas de neige reçu en décembre, Charlevoix croulait sous la poudreuse. En date du 20 janvier, la région avait reçu 326 cm de neige depuis le début de l'hiver. Rien pour faciliter notre randonnée.

Nous chaussons nos raquettes à Saint-Tite-des-Caps. Après avoir aisément navigué dans la forêt longeant le Petit Lac et traversé cette étendue d'eau qui offre un coup d'oeil féerique, l'exercice physique commence. Malgré un mercure au-dessous de -20 °C, la montée nous donne envie de desserrer notre foulard et d'enlever nos mitaines. On rejoint alors le premier belvédère. La vue est sublime. Le fleuve est à nos pieds, fumant. Les îles de l'archipel de Montmagny semblent voguer au milieu des blocs de glace scintillants.

Avec ses 13 800 visiteurs par année, le sentier des Caps n'est plus le secret bien gardé qu'il était à ses débuts. L'hiver dernier, 7685 amateurs de raquette ont posé les pieds sur ses caps enneigés. En semaine, l'endroit est néanmoins un havre de paix. Certains sentiers ne sont pas tapés. Seul le chant des oiseaux vient briser le silence de la forêt. Et bientôt, quelques jurons poussés par les raquetteurs.

Pour les aguerris

Plutôt que de faire la boucle du cap Rouge, de niveau intermédiaire (9,3 km), nous nous dirigeons vers la Chute, un sentier difficile (8,6 km). Puisqu'en montagne, tout ce qui descend remonte bien souvent, nous nous retrouvons à patauger dans la poudreuse jusqu'aux genoux à tenter de grimper une montagne fortement inclinée au moment où le soleil semble avoir envie de se coucher.

La Chute, l'apprendrons-nous à nos dépens, est l'un des parcours les plus difficiles du sentier des Caps. «Pour les sentiers de niveaux intermédiaire et difficile, il faut être en bonne condition physique», souligne Linda Paradis.

Les familles et les randonneurs moins aguerris peuvent tout de même y trouver leur compte. «Nous suggérons alors le sentier bordant le Petit Lac et peut-être la montée jusqu'aux trois premiers belvédères», conseille-t-elle. Mais, peu importe l'effort que vous y mettrez, vos yeux seront comblés.