«Abitaziuns da vacanzas», lit-on à la porte d'une auberge de Scuol. On comprend... sans comprendre. Italien? Espagnol? Du romanche plutôt, une langue que ne parlent pas plus que 40 000 personnes dans le monde. Une vraie langue latine, pourtant, mais que les aléas de l'histoire ont confinée à l'extrême sud-est de la Suisse.

N'allez toutefois pas dire à Niculin Meyer que sa langue est en voie de disparition. «Nos quatre premières années d'école se déroulent entièrement en romanche, on en est fiers et on y tient», dit le jeune homme en arpentant les rues de sa petite ville de la vallée de l'Engadine.

Les gens se parlent romanche entre eux grosso modo de Saint-Moritz à Scuol-Tarasp, un héritage des invasions romaines d'antan. Mine de rien, le romanche est quand même la quatrième langue nationale de Suisse, même s'il est essentiellement cantonné dans les Grisons.

L'affichage privé est généralement unilingue romanche, les établissements ajoutent l'allemand. Si Saint-Moritz est exemptée de l'enseignement du romanche à cause de son caractère cosmopolite, ce n'est pas le cas en Basse-Engadine, où la langue fleurit sans complexe.

Plus tranquille, moins jet set et plus traditionnelle, cette région a pourtant énormément à offrir. À commencer par le Parc national suisse, la plus grande réserve naturelle de Suisse et son seul parc national. À Zernez, un centre d'interprétation nous explique que ce «laboratoire en plein air» a pour but d'observer la nature, en aucun cas de la modifier.

On se promènera donc dans les sentiers sans toucher à rien, en regardant de profonds ravins à nos pieds et des monts culminant à plus de 3000 m.

Guarda est la coqueluche du coin. On y tourne des films, des publicités, les Romanches s'y sentent chez eux. Il faut dire que le village n'a guère changé depuis des siècles. Minuscule, il est traversé par une rue qui serpente entre des maisons aux petites fenêtres, aux murs épais et, surtout, bombés, fait remarquer Anna Imobersteg. Cette dentiste n'hésite pas à quitter son cabinet pour faire visiter ce musée vivant dont elle s'est entichée. «La courbe donnée aux murs permet de mieux absorber l'énergie lors des tremblements de terre et de limiter les dégâts», explique-t-elle.

Le centre de la région, toutefois, c'est Scuol. Un gros bourg actif, avec juste assez d'hôtels et de pensions pour être vivant, mais pas trop pour se sentir bousculé. On est ici chez soi, tranquilles au fond de la vallée, avec des pistes de ski et des sentiers de marche à profusion le long de l'Inn.

Un château fortifié

Cette excursion en pays romanche ne serait pas complète sans une visite au château de Tarasp, à un jet de pierre de Scuol. Un impressionnant ouvrage plus que millénaire, qui a vécu son lot d'aventures. Demandez à Fanzun Jon de vous en raconter quelques-unes, lui qui a passé sa vie au château que son père et son grand-père faisaient visiter avant lui.

L'ouvrage domine la vallée, le village, le petit lac. Une authentique carte postale qu'un industriel a résolu de restaurer entièrement en respectant la tradition. La coquille a été impeccablement retapée, l'intérieur est tout aussi intéressant. Hélas pour lui, notre pauvre homme est mort avant d'avoir pu y dormir une seule nuit!