Les villages perchés de Provence ont inspiré une génération d'artistes qui en sont tombés amoureux. Aujourd'hui, c'est au tour des visiteurs de succomber au charme de leurs calades pentues, de leurs paysages vertigineux et de leurs maisons agrippées à la falaise.

Lourmarin, gardien du Luberon

Pour s'initier aux villages perchés de Provence, pourquoi ne pas commencer tout en bas? À défaut d'être juché sur un éperon rocheux, Lourmarin est une bourgade tout à fait charmante, qui fait d'ailleurs partie du club - pas si sélect! - des 157 plus beaux villages de France.

La localisation de Lourmarin, à l'entrée de la faille du Luberon, est stratégique. Autrefois, il jouait le rôle de gardien de la région, puisque c'est de là que part la seule route qui traverse la combe. «C'est pour ça qu'il n'est pas perché comme d'autres villages», explique Caroline Galina, directrice des affaires culturelles au château de Lourmarin.

«S'il était construit à flanc de colline, il ne pourrait pas bien surveiller le chemin.»

On dit aussi que c'est le village des trois clochers: ceux du temple protestant, de l'église catholique et du beffroi. Ce dernier, où trône l'horloge publique du village, est l'une des plus vieilles constructions de l'endroit. Les rues de Lourmarin se déploient en escargot autour de cet élément central.

En parcourant les rues en colimaçon, on tombe tour à tour sur les places, les cafés, les magasins d'artisanat et les fontaines qui font de Lourmarin un arrêt incontournable sur la route des villages perchés.

Trois charmes de Lourmarin

Le château

Situé un peu à l'écart du centre, le château de Lourmarin domine le village. On dit que c'est le premier château Renaissance de Provence, bien que l'une de ses parties, construite au XVe siècle, soit de style médiéval. Après avoir été abandonnée pendant des siècles, la forteresse a été sauvée des ruines dans les années 20 par un riche industriel français, Robert Laurent-Vibert. Celui-ci a restauré le château en respectant le plus possible son état d'origine. Le château est aujourd'hui devenu un véritable carrefour culturel, qui accueille des artistes en résidence, et où ont lieu de nombreux concerts et expositions. On peut aussi le visiter toute l'année, puisque plusieurs pièces sont meublées.

Les fontaines

Une agréable façon de visiter Lourmarin est de faire le circuit de ses fontaines. On les découvre une à une au détour des rues sinueuses du village, au coeur de petites placettes. Elles sont si anciennes qu'une épaisse couche de mousse les recouvre, mais elles crachent toujours de l'eau!

Vie et mort d'Albert Camus

Albert Camus a vécu à Lourmarin et sa fille Catherine y réside toujours, selon la guide Caroline Galina. Il est enterré au joli cimetière de Lourmarin, situé à un jet de pierre du château. Le célèbre écrivain est mort dans un accident de voiture quelques années seulement après avoir gagné le prix Nobel de littérature, à l'âge de 46 ans. C'est d'ailleurs avec l'argent de ce prix qu'il avait pu s'offrir sa maison de Lourmarin. Le romancier Henri Bosco repose aussi dans le même cimetière.

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* Une partie des frais de ce reportage a été payée par Air France et Provence Alpes Côte d'Azur Tourisme, avec la collaboration d'Atout France.

Photo David Boily, La Presse

Lourmarin est bordé par les montagnes du Luberon.

Rouge et or à Roussillon

ROUSSILLON - Avec ses falaises rougeoyantes, le massif des Ocres est comme une tache colorée dans le paysage autrement blanc calcaire de la Provence.

On peut en admirer toute la palette de couleurs en empruntant le sentier des Ocres, auquel on accède par le petit village perché de Roussillon. Cette randonnée a été forgée dans l'immense gisement ocrier de la région, laissant le visiteur se balader entre les profondes falaises façonnées par la mer, les intempéries et les anciennes carrières d'ocre.

Deux sentiers sont proposés, le court - d'une durée de 30 minutes - et le long, qui prend environ une heure à parcourir. La randonnée est ponctuée de promontoires, d'escaliers, ainsi que de panneaux expliquant la morphologie du lieu.

En effet, cette teinte si particulière ne date pas d'hier: ses origines remontent à plus de 100 millions d'années, lorsque la Provence était ensevelie sous la mer.

Après le retrait des eaux, au contact de l'air, le fer que contenaient ces minéraux s'est oxydé, leur donnant ces couleurs ocre.

Selon l'heure du jour et l'éclairage, les falaises prennent des teintes allant du rouge au jaune en passant par l'orangé, le cuivré et même le violet. Le contraste avec le vert des arbres et le bleu du ciel n'en est que plus saisissant.

De la carrière au village

Recouvert de cette poussière ocre aussi, le village est situé à deux pas du sentier. Il vaut le détour pour ses façades rouges et ses petites rues en pente liées par des escaliers.

Classé lui aussi parmi les plus beaux villages de France, on y trouve le traditionnel bureau de poste, l'église, les cafés, les glaciers ainsi qu'un petit marché. La différence avec les autres villages, c'est que tout baigne dans cette lumière orangée conférée à Roussillon par l'un des plus grands gisements ocriers du monde.

D'autres sites semblables peuvent être visités dans le massif des Ocres, qui s'étend dans le Luberon. Mentionnons entre autres le Colorado provençal près de Rustrel, ou encore les mines d'ocre de Bruoux.

Photo David Boily, La Presse

Roussillon, c'est le village de l'ocre du Luberon, avec ses falaises rougeoyantes et son sentier pour les admirer.

Le secret de Gordes

GORDES - Il fait partie du regroupement des 157 plus beaux villages de France, mais certains poussent l'audace jusqu'à dire qu'il est «le plus beau des plus beaux».

Avec un orgueil aussi fort, difficile d'imaginer qu'il a été vidé de ses habitants pendant de longues périodes. Il a fallu que des peintres connus viennent s'y établir après la guerre, dont Marc Chagall, Victor Vasarely ou encore Pol Mara, pour que soit ravivé l'intérêt envers Gordes et que ses ruines soient progressivement rachetées.

Perché à plus de 300 m d'altitude, Gordes est une toute petite agglomération. Historiquement, à cause du manque d'espace, beaucoup d'activités y avaient lieu sous terre. Par exemple, des artisans y tenaient leur échoppe, mais on y trouvait aussi des cafés, des apothicaires, des cordonniers...

«Dans ces villages perchés, il n'y avait pas beaucoup de place. Donc les maisons étaient à la lumière, mais toute l'activité économique se trouvait en dessous», explique Anne Morand, propriétaire des caves du Palais Saint-Firmin, l'attraction souterraine du village que nous avons visitée (voir ci-dessous).

Comme beaucoup de petits villages provençaux, Gordes possède son château en nid d'aigle perché au sommet, son église, sa place centrale... Autour de ces monuments serpentent des calades, ces chemins de pierre pentus bordés de maisons en calcaire blanc agrippées à la falaise. La montée est raide et laborieuse, mais largement récompensée par la vue dégagée qu'on obtient, une fois arrivé en haut, sur les oliviers et la vallée du Calavon.

À ne pas manquer

Les caves du Palais Saint-Firmin

C'est en 1956 que la famille Morand a acheté cette maison de Gordes, au moment où le village était encore en ruines, sans soupçonner toute l'histoire qui se cachait dans ses entrailles.

Le fils de la famille, Jean-Louis Morand, a un jour aperçu un trou dans le sol au hasard d'une promenade. «Comme il était très curieux, il a commencé à gratter. Et à force de gratter, il a vu des voûtes. C'était le début d'une histoire de 40 ans», raconte celle qui est devenue la femme de ce jeune homme, puis sa veuve. Après la mort de son mari, Anne Morand a en effet repris les rênes de l'entreprise qu'il avait démarrée dans la maison de ses parents, où il a ensuite vécu et élevé sa famille.

Au fil d'années de recherches, Jean-Louis Morand a découvert 61 caves réparties sous sept étages. Selon ses conclusions, diverses activités se seraient déroulées dans la cave principale qu'il a creusée, qui aurait abrité un moulin à huile, une tannerie et une étable. Le moulin à huile est l'utilisation qui a laissé le plus de traces.

Au fil des fouilles dans les autres caves, il a aussi déterré un four banal, où les gens du village pouvaient venir faire cuire leur pain. Sous les décombres se trouvaient également une chapelle romane et une cuve à vin, ainsi qu'une citerne, qui garantissait une source d'eau aux habitants avant l'apparition de l'eau courante dans le village.

Lorsqu'elles ont été découvertes, les caves étaient remplies jusqu'au plafond par les ruines des maisons environnantes: détritus, poussière, plâtre... Tout a dû être déblayé à la main, avec des pioches et des brouettes, car aucune machine ne pouvait se faufiler jusque-là. Le lieu a été déclaré monument historique en 1998 et les caves sont ouvertes au public depuis ce temps.

Sur demande, les groupes peuvent aussi visiter les superbes jardins de la propriété.

Deux autres attractions à proximité de Gordes 

Le village des Bories

Un petit hameau historique, constitué d'une vingtaine de cabanes agricoles construites en pierre sèche.

L'abbaye de Sénanque

On s'y rend pour admirer l'architecture romane de ce monastère cistercien toujours en activité, mais aussi les champs de lavande qui s'étendent à ses pieds pendant la période de floraison estivale.

Photo David Boily, La Presse

Vue sur la vallée du village de Gordes

D'autres petits villages perchés

Ansouis, Bonnieux, Lacoste... Cucuron, Cadenet, Vaugines... La liste des villages perchés de Provence est pratiquement infinie. À défaut de tous les visiter, en voici quelques-uns qui méritent qu'on s'y attarde.

Ansouis

À proximité de Lourmarin, Ansouis est protégé du mistral, ce vent parfois glacial. C'est un tout petit village dont les rues se parcourent paisiblement. À ne pas manquer: le château et ses jardins, ainsi que son église fortifiée. On y trouve également deux musées.

Bonnieux

Le petit village de Bonnieux est situé à l'autre extrémité de la combe qui traverse le Luberon et qui part de Lourmarin. Perché particulièrement haut, ses rues en pente font travailler les muscles des jambes, mais son sommet offre un panorama unique sur les monts de Vaucluse.

Lacoste

En face de Bonnieux se dresse Lacoste avec ses petites rues sinueuses. Les ruines de son château ont déjà abrité la résidence du marquis de Sade, avant d'être rachetées et restaurées par Pierre Cardin. Chaque été, le célèbre couturier français organise d'ailleurs un festival d'art lyrique et de théâtre dans les carrières du château.

Ménerbes

Autre bourg provençal très ancien, Ménerbes fait aussi partie des plus beaux villages de France. Plusieurs artistes célèbres y ont déjà vécu, dont les peintres Nicolas de Staël et même Picasso! Aujourd'hui, le village a gardé son identité artistique. Dans le rayon des attractions champ gauche, on y trouve aussi un musée du tire-bouchon...

Oppède-le-Vieux

Il a presque des allures de village hanté tant ses rues sont tranquilles. Le vieux village d'Oppède a été progressivement abandonné au siècle dernier, les habitants ayant préféré s'établir dans la plaine. Du vieux village, il reste maintenant la place principale dans la partie basse, puis des sentiers remplis de végétation qui montent vers l'église Notre-Dame-d'Alidon et les ruines d'un château médiéval.

Photo David Boily, La Presse

Le village d'Ansouis