Jardin des Tuileries, place des Vosges, Champ-de-Mars... Selon la mairie de Paris, la Ville lumière est dotée de rien de moins que 2 bois, 16 parcs, 137 jardins et 274 squares, la plupart érigés à la fin du XIXe siècle, à l'époque de la transformation de Paris sous le Second Empire par le baron Haussmann, sous les ordres de Napoléon III. Découvrir Paris d'un jardin à l'autre, c'est retracer toute une constellation d'histoires, au coeur de quartiers qui ont la mémoire longue.

Les jardins marqués d'un astérisque (*) sont dotés d'un accès à l'internet sans fil à haut débit, offert dans les limites des horaires d'ouverture au public.

(1) Square Saint-Gilles Grand-Veneur

9, rue du Grand-Veneur (3e)

Un pique-nique sur l'herbe, à l'abri du tumulte parisien, entouré de rosiers grimpants dont une variété a été baptisée du nom de l'actrice Catherine Deneuve, ça vous dit? Si oui, il faudra vous armer d'une bonne carte de la ville pour franchir le labyrinthe de porches, de ruelles et de passages qui mène à ce petit jardin à la française situé en plein coeur du Marais, tout près de l'église Saint-Denys-du-Saint-Sacrement (dont la pietà a été peinte par Delacroix). Mais le dédale en vaut la peine: assis sur un banc de pierre, sous les tonnelles, on a l'impression extraordinaire que Paris se laisse apprivoiser, que la ville consent à nous livrer (l'un de) ses secrets, enfin.

(2) Le Jardin botanique de l'Université Descartes

4, rue de l'Observatoire (6e)

Un vrai de vrai secret bien gardé. Surtout qu'il a un concurrent de taille à deux pas: le jardin du Luxembourg. Destiné au cours de reconnaissance des plantes du programme de la Faculté des sciences pharmaceutiques de Paris 5, ce petit jardin botanique est ouvert aux curieux, bien que l'on se garde de le crier sur les toits. La preuve: le chemin n'est indiqué nulle part! Entrez au 4, rue de l'Observatoire, suivez l'allée, tout droit; le jardin est au fond, à gauche. Autrefois jardin d'apothicaire, il en subsiste aujourd'hui 3400 m2 de plates-bandes et de serres à l'ancienne (tropicale, à orchidées, à fougères). Elles regroupent près de 400 espèces observables différentes de plantes médicinales et toxiques utilisées en cosmétologie et en parfumerie. L'harmonie relative des lieux, où règne un cafouillis plus ou moins ordonné, n'est pas dépourvue de charme.

(3) Square Eugène-Varlin

159, quai de Jemmapes (10e)

Elles sont légion, les jolies places qui longent l'allée piétonne du canal Saint-Martin... Le minuscule square Eugène-Varlin a attiré notre attention parce qu'il est situé à cheval sur les deux rives du canal, en face de la double écluse des Morts, qui doit son nom à un lieu un tantinet sinistre autrefois situé à proximité. Il s'agit du célèbre gibet de Montfaucon, principale potence des rois de France, détruite en 1760. Celui-là même décrit par François Villon dans sa Ballade des pendus. Rassurez-vous, ce lieu, s'il est chargé d'histoire, n'a aujourd'hui rien de glauque et l'on peut y accorder notre cadence, les jours de chance, à celle des bateaux qui naviguent devant nous, très, très lentement...

(4) Parc des Buttes-Chaumont*

1, rue Botzaris (19e)

«Le ciel bas et lourd [pesait] comme un couvercle» sur les Buttes-Chaumont lors de notre passage, pour une rare fois désertes. Et cette grisaille baudelairienne a eu pour effet de renforcer l'étrangeté et le romantisme de cet immense parc d'inspiration anglo-orientale, tout droit sorti de la fin du XIXe siècle, dont l'esprit a été gardé intact. Le lieu a été tour à tour une carrière d'exploitation de gypse, un bassin d'épuration et une décharge. Avant que Napoléon III décide de métamorphoser ce «chauve mont» en un poumon de verdure, inauguré lors de l'Exposition universelle de 1867. Aujourd'hui, grottes artificielles, chemins sinueux, cascades, ponts suspendus (dont celui dit «des suicidés») se partagent l'espace, dominé par un temple gréco-romain juché sur une falaise d'où la perspective sur Montmartre est éblouissante. À découvrir aussi: la butte Bergeyre. Ce microquartier résidentiel, hors du temps, est accessible par trois escaliers escarpés, au bout desquels on découvre de jolies ruelles pavées en escargot, des façades recouvertes de vigne et une vue en hauteur, imprenable, sur la ville.

 

(5) Square Alberto-Giacometti

36, rue Didot (14e)

Une jolie aire de repos, si d'aventure vos pas vous mènent dans le 14e arrondissement après un détour par le cimetière du Montparnasse, peut-être, ou par le marché Daguerre. Mais c'est aussi un prétexte pour vous attirer du côté de la rue des Thermopyles, qui commence là où se termine le square Alberto-Giacometti. Passage qui menait autrefois à l'ancien château du Maine, cette rue étroite est restée figée dans le temps jusqu'à conserver des allures méridionales: pavés irréguliers, maisons ouvrières, glycines, lierres et autres plantes grimpantes sur les façades, volets aux teintes pastel...

(6) Square du Temple*

64, rue de Bretagne (3e)

Imaginé par Jean-Charles Alphand en 1857, le square du Temple, dans son état actuel, est une commande du baron Haussmann. Entourées de portes grillagées, les allées de cette place se déroulent à l'anglaise autour d'arbres, d'un kiosque à musique et d'une cascade artificielle. Le lieu est un fascinant palimpseste. Élevée à la place de l'enclos qui abritait les chevaliers de l'Ordre des Templiers au XIIIe siècle, la forteresse, devenue bien national à la Révolution et transformée en prison, fut la dernière demeure de Louis XVI et de son fils, Louis XVII. À deux pas, rue de Bretagne, un arrêt s'impose au marché des Enfants-Rouges, le plus vieux de Paris, heureux mélange de souk, d'estaminets et de maraîchers. La charmante Rose Bakery a aussi un petit comptoir dans le quartier, rue Debelleyne.

(7) Square du musée de Cluny

24, rue du Sommerard (5e)

Ce jardin contemporain (2000), attenant à l'hôtel des abbés de Cluny, évoque, dit-on, la quintessence du jardin médiéval sans en être une reproduction à l'identique. Les architectes paysagistes se sont notamment inspirés des végétaux et plantes médicinales qui figurent sur La dame à la licorne, une tapisserie datée du XVe siècle conservée au Musée national du Moyen Âge, dont on trouve des spécimens dans le jardin. Forêt de la licorne, clairière des enfants, préau, jardin d'amour, et jardin céleste et ménagier complètent ce voyage dans le temps, qui débute à l'angle des boulevards Saint-Germain et Saint-Michel. L'endroit est généralement bondé.

(8) Parc Montsouris*

4, rue Gazan (14e)

Le parc Montsouris est situé à deux pas de la Cité universitaire, au sud de Paris. Inauguré en 1875, dans le cadre des grands travaux haussmanniens, il a été pensé comme l'équivalent des Buttes-Chaumont, qui s'élèvent à l'autre extrémité de la ville. Son nom renvoie aux nombreux rongeurs qui s'étaient multipliés le long des moulins sur les quais de la Bièvre, qui se jetait autrefois dans la Seine... Comme son homologue, le parc a été aménagé à l'image des parcs londoniens. On y trouve donc, dans le désordre, lac artificiel, cascades, grottes, bosquets et statues, mais aussi les vestiges de la ligne de Petite Ceinture, une voie ferrée désaffectée depuis 1934. Le lieu est fréquenté par les étudiants, joggeurs et flâneurs du dimanche, mais aussi par les ornithologues amateurs, puisqu'il est le repaire d'une grande variété d'espèces d'oiseaux.

(9) Les arènes de Lutèce*

47, rue Monge (5e)

Les ruines de cet amphithéâtre gallo-romain, construites au Ier siècle en plein coeur de l'actuel Quartier Latin, se cachent au détour de la rue Monge, derrière l'immeuble numéroté 47. Un passage obligé, et étonnamment méconnu des touristes, sur le chemin qui remonte vers la rue Mouffetard et la place de la Contrescarpe. Derniers vestiges visibles, avec les thermes de Cluny, du passage des Romains à Lutèce (Paris), les arènes ont été redécouvertes «par hasard», à l'époque des travaux d'Haussmann. Et grâce à la mobilisation du peuple, elles ont échappé à la démolition, mais de justesse. Assis sur ce qu'il reste des gradins, on laisse nos pensées se perdre vers la scène, exactement là où autrefois on assistait tantôt à un combat entre gladiateurs, tantôt à la représentation d'une pièce d'Aristophane...

(10) La promenade plantée*

Allée Vivaldi (12e)

Aménagée le long d'une ligne de chemin de fer désaffectée, la «Coulée verte», comme la surnomment les Parisiens, traverse tout le 12e arrondissement, de la place de la Bastille jusqu'au bois de Vincennes. Il s'agit du premier espace vert bâti en hauteur, la version française, inaugurée en 1988, du High Line new-yorkais, traversée de jardins, de viaducs et de tunnels. On a intégré à la promenade, qui s'étend sur 4,5 kilomètres, la plupart des infrastructures ferroviaires d'origine, en plus d'avoir laissé à l'état sauvage la végétation qui bordait la voie ferrée et qui contraste avec des aménagements paysagers plus récents. La partie aérienne, située au-dessus du Viaduc des Arts, dont les voûtes abritent boutiques et galeries d'art, offre un point de vue original sur les toits de la ville: d'un côté défilent les immeubles de type haussmannien, de l'autre, les reconstructions populaires typiques de l'après-guerre. L'une des plus jolies pistes de jogging de Paris.

 

Photo Mélanie Roy, collaboration spéciale

Square du musée de Cluny

Photo Mélanie Roy, collaboration spéciale

La promenade plantée