«Vous êtes sûre de vouloir y aller seule?» Je regarde mon guide, interloquée. «Bien sûr! Ce n'est tout de même pas la première fois que je fais de la luge.»

J'avais oublié un détail. Je suis dans le Tyrol. La pente devant moi est autrement plus raide que celle du mont Royal.

Une petite poussée et la luge file déjà à une vitesse folle. Un virage - il faut pencher et tirer de quel côté déjà? -, le banc de neige se rapproche très vite, trop vite: collision! La première d'une longue série. Les enfants me regardent en riant. Leurs parents avec des yeux inquiets. Mon guide, avec découragement...

Il faut dire que le toboggan dans les Alpes, ce n'est pas une mince affaire. Il faut d'abord posséder une certaine technique car ici, il est hors de question de dévaler les pentes en se jetant simplement à plat ventre sur des tapis de plastique. À Innsbruck, ville encore solidement attachée à ses traditions, on pratique le sport «à l'ancienne», sur de jolies luges en bois sorties tout droit des aventures de Heidi.

Ceci explique sans doute cela: le toboggan est bien plus qu'un simple passe-temps pour les gamins dans le Tyrol. L'activité est presque aussi populaire que le ski alpin et certainement aussi bien organisée: plusieurs autobus quittent Innsbruck chaque matin pour déposer les lugeurs au pied des plus belles et très nombreuses pentes de la région.

Certaines pistes sont réservées aux experts - on mettra trois heures de marche pour atteindre le sommet -, mais la plupart, comme à Gries Am, sont accessibles à toute la famille. Elles s'enfoncent tout doucement dans une épaisse forêt de pins géants offrant une paroi essentielle contre les forts vents alpins et l'on y trouve presque invariablement une petite hutte en bois servant des spécialités du Tyrol: des beignets de viande fumée, des galettes de fromage ou des saucisses servies avec beaucoup, beaucoup de choucroute et un verre de vin chaud.

À Gries Am, l'endroit est bondé d'enfants aux joues rougies par le froid et l'effort. Sur cette piste «familiale», la montée tout en zigzag prend tout de même près d'une heure, contre une dizaine de minutes pour la descente. La première frousse passée et le premier banc de neige enfoncé, l'orgueil plus endolori que le corps, c'est un pur moment de bonheur. Si bien qu'une fois en bas, on ne cherchera qu'à recommencer encore et encore jusqu'à la nuit tombée, voire plus tard grâce aux lumières qui éclairent plusieurs pistes.