Charlottesville est à 1130 km de Montréal. Certes, c'est loin, pour une escapade d'un week-end. Mais c'est aussi sur le chemin des vacances de milliers de Québécois qui iront profiter des jolies plages de la Virginie cet été. On vous propose un petit détour qui risque fort de se transformer en gros coup de coeur.

CHARLOTTESVILLE HISTORIQUE

La Virginie aime la politique. Lors des dernières élections, 66 % de la population y a exprimé son droit de vote (majoritairement en faveur d'Hillary Clinton), alors que le taux de participation n'était que de 54,2 % ailleurs au pays. Son passé y est certainement pour quelque chose: l'État a vu naître cinq présidents américains. Les maisons-musées de trois d'entre eux sont ouvertes au public. Visite.

La maison des merveilles: Monticello

Charlottesville a un héros. Un superhéros, même: Thomas Jefferson, troisième président américain et probablement l'un des plus importants de l'histoire du pays, enfant chéri de la région, et dont on ne manque pas de saluer la moindre réalisation, ici. Un hyperprésident, quoi, 200 ans après sa mort.

Son domaine, Monticello (classé au patrimoine de l'UNESCO), dont il a d'ailleurs dessiné les plans, est l'endroit tout désigné pour découvrir toute la complexité de l'homme. Car Jefferson s'intéressait à tout, ou presque: l'architecture, l'astronomie, la botanique, les langues - il en connaissait au moins sept - la cartographie, la littérature, alouette.

On le devine dès l'entrée de sa demeure, surplombée par une horloge de son cru, marquant le passage des jours de la semaine au gré d'un jeu de poids et leviers; sur son bureau: un dispositif permettant de recopier simultanément tous ses écrits en deux exemplaires; dans le salon: un système de tubulures pour que soient livrées ses bouteilles de vin directement de la cave - c'était aussi un bon vivant qui aimait bien boire, bien manger et beaucoup recevoir - ou dans son jardin, florissant d'espèces qu'il a contribué à améliorer au gré de croisements. 

Mais au fil de la visite, on découvre aussi certains aspects plus controversés de cet homme dit des Lumières, ce défenseur de l'égalité des droits des hommes qui possédait pourtant des dizaines d'esclaves sur sa plantation et aurait eu plusieurs enfants illégitimes avec l'une d'elles après la mort de sa femme. On évoque tout cela dans un tour guidé thématique - inclus dans le prix d'entrée - mené plusieurs fois par jour: à faire.

Thomas Jefferson s'est éteint à 83 ans, chez lui, sans le sou. Il a été enterré sur sa propriété: son épitaphe témoigne de l'ampleur de son legs: «Ici repose Thomas Jefferson, auteur de la déclaration d'Indépendance des États-Unis, auteur de la loi sur la liberté religieuse en Virginie, fondateur de l'Université de Virginie.» Et cela n'inclut même pas ses deux mandats à la présidence américaine.

Prévoyez une demi-journée, et un pique-nique s'il fait beau pour profiter du jardin.

Photo François Roy, La Presse

Monticello, domaine de Thomas Jefferson, est classé au patrimoine de l'UNESCO.

La maison mystère: Highland

Thomas Jefferson avait un illustre voisin: James Monroe, dont la demeure, Highland, a aussi été transformée en musée. Cette dernière est toutefois beaucoup moins opulente que Monticello et les installations muséales y sont moins bien développées: on peut être déçu lorsqu'on visite les deux coup sur coup. 

Cette relative modestie s'explique de deux manières: si Monroe admirait Jefferson et son mode de vie, il ne comptait pas sur la même fortune familiale que son mentor; et Highland fut presque entièrement réduite en cendres au milieu du XIXe siècle (et rebaptisée à propos, jusqu'à tout récemment, Ashlands).

Les archéologues y font d'ailleurs encore des recherches et viennent de découvrir que l'un des rares bâtiments d'époque n'était pas une aile de la maison principale, mais bien une maison isolée, pour les invités. On visite donc une reconstitution de la maison d'origine, chargée d'objets ayant appartenu aux Monroe.

James Monroe a vécu 33 ans ici, avec femme et enfants. Il a été élu cinquième président américain le 4 décembre 1816. La visite est toutefois moins portée sur la carrière politique de l'homme, que sur l'homme en soi, sa famille, son mode de vie, ses intérêts. C'est une fenêtre intéressante sur le style de vie des notables de l'époque. Comptez une heure trente pour la visite.

Photo François Roy, La Presse

Le cinquième président des États-Unis a vécu 33 ans dans cette maison de Charlottesville.

La maison école: Montpelier

Quatrième président des États-Unis, James Madison est l'un des pères fondateurs du pays et l'un des principaux auteurs de la Constitution américaine: c'est dire son influence sur la destinée du pays. 

Des trois résidences de présidents à visiter près de Charlottesville, celle de Madison est probablement la plus indiquée pour les amateurs de politique américaine: les visites guidées et les expositions y sont très enrichissantes, bien documentées et présentées. Et, fait rare, on a aussi fait une place à Dolly, sa femme, première première dame des États-Unis.

Ami proche de Thomas Jefferson, James Madison a conçu une maison qui n'est pas sans rappeler Monticello (où il avait d'ailleurs aussi ses quartiers). C'est en partie de son amour pour la France que viendrait le nom de Montpelier - une mauvaise orthographe de Montpellier, la ville du sud de l'Hexagone -. «C'était une expression, pour lui. Faire Montpelier, c'était prendre du bon temps», a expliqué la guide pendant la visite. Comme on en prend en Provence, l'été, à se reposer au soleil, un imaginaire que James Madison aurait voulu recréer ici.

La maison a été parfaitement restaurée et des copies de baraquements d'esclaves ont été construites le printemps dernier, pour parfaire la visite de ce volet le plus sombre du domaine. Car Madison aussi, bien que militant contre la traite des Noirs, possédait son lot d'esclaves travaillant pour lui sur sa plantation. Le plus célèbre d'entre eux est Paul Jennings, qui a accompagné le président presque tout au long de sa vie - et jusqu'à son dernier souffle, pour être précis. Il écrira plus tard ses mémoires, document précieux sur cette époque: le musée parle abondamment de l'homme. Un autre de ses points forts.

Photo François Roy, La Presse

C'est en hommage à la ville du sud de la France que James Madison aurait baptisé son domaine Montpelier.

CHARLOTTESVILLE CÔTÉ PLAISIRS

Charlottesville est, à l'image du président Jefferson, une ville qui apprécie la bonne chère. On y mange bien, on y boit bien - du café comme du vin - et on y passe de doux moments dans le centre-ville piétonnier où l'on aime se promener à la tombée de la nuit d'un pas paresseux.

Se balader

The Mall

Un centre-ville sans voiture? C'est l'idée géniale qu'ont eue les dirigeants de Charlottesville en 1959 pour en dynamiser le coeur, proposant de créer une artère commerciale où seuls les piétons auraient droit de cité. Un choc, en cette époque où l'on découvrait encore tout juste les joies de l'automobile. Mais un franc succès, aujourd'hui, alors qu'une centaine de boutiques, de galeries d'art, de bars et de restaurants y ont pignon sur rue. Des spectacles gratuits y sont organisés chaque semaine, et on s'y promène nombreux jusque tard le soir, tous les soirs. Charlottesville fait preuve d'une énergie rare pour une ville de si petite taille. Il faut croire que, sans voiture, elle a conservé un coeur plus jeune.

Red Pump Kitchen

C'est en Toscane que le Red Pump Kitchen est allé puiser l'inspiration de son menu. Les pizzas, cuites sur feu de bois, sont très bien, et le cadre est agréable. La carte contient quelques vins de Virginie, mais elle est plutôt européenne. Un bel arrêt pour profiter du centre-ville piéton et casser la croûte en terrasse. On est loin de la Toscane, mais pas tout à fait aux États-Unis non plus...

Photo François Roy, La Presse

Le centre-ville piéton de Charlottesville est très animé, de la mi-journée jusque tard le soir.

Bien manger

C&O

Le restaurant C&O est une institution à Charlottesville, avec plus de 40 années de services appréciés. Il fut l'un des précurseurs, ici, du mouvement de la ferme à la table, et on y retrouve encore un souci de promouvoir les producteurs locaux. Il est divisé en six salles de caractères distincts: plus chic à l'étage, plus rustique au sous-sol. La cour intérieure est la plus agréable.

515, Water Street

Bien boire

Mudhouse

Ici, on ne fait pas que du café: on l'achète directement auprès des producteurs choisis pour leurs pratiques environnementales respectables - et rémunérés adéquatement, nous assure-t-on - et on le torréfie sur place. Bref, on s'y connaît fort bien, et cela paraît dans la tasse. Le local, assez vaste, n'est pas le plus joli, mais l'été on peut s'installer en terrasse jusque tard le soir.

213, Main Street

Grit Coffee

De l'autre côté du Mudhouse, le Grit Coffee ne manque pas non plus de clients. Même si cette succursale est particulièrement petite - les autres sont nettement plus agréables -, on y vient pour l'excellent café de troisième vague, les parfaits au granola et au yaourt, le matin, et les gros cafés que l'on dit santé, mais qui ne le sont pas vraiment (voire vraiment pas, mais tout de même très bons).

112, Main Street

Photo fournie par le restaurant

Le restaurant C&O fut l'un des précurseurs, à Charlottesville, du mouvement de la ferme à la table, et on y retrouve encore un souci de promouvoir les producteurs locaux.

Bien dormir

Oakhurst Inn

Quatre résidences historiques près de l'Université de Virginie ont été transformées pour accueillir les 27 chambres de l'Oakhurst Inn. Le résultat est très réussi: la décoration est sobre et de bon goût, on a conservé le cachet historique des lieux tout en modernisant les installations. On adore les salles de lecture prévues dans chacun des pavillons, bien garnies en livres. Les chambres situées vers l'arrière peuvent toutefois être bruyantes. Bon petit-déjeuner dans le café du même nom, charmant.

À partir de 129 $ US

The Townsman

Le Townsman se décrit comme «le concept le plus nouveau» de Charlottesville... une formule un peu pompeuse pour indiquer qu'en fait, on a décidé d'exploiter l'hôtel sans réception ni conciergerie, bref, en réduisant certaines dépenses.

Au moment de la réservation, on vous enverra un code qui permet d'ouvrir la porte d'entrée qui donne sur la rue, puis celle de votre chambre. Un réfrigérateur et une machine à café à l'étage vous souhaitent la bienvenue. Cela dit, les chambres sont spacieuses, jolies et surtout bien situées, donnant sur l'artère piétonne (attention, les chambres qui donnent de ce côté peuvent être bruyantes). C'est une belle option pour les couples qui souhaitent loger au centre-ville. Les autres préféreront goûter à un service attentionné ailleurs (petit-déjeuner? piscine? sourire à l'arrivée?). Notez qu'il n'y a pas d'ascenseur.

À partir de 115 $US

211, W. Main Street

The Graduate

Maillon virginien d'une nouvelle chaîne d'hôtels américains, le Graduate est un excellent choix pour les familles qui veulent se loger près du campus, à très bon rapport qualité-prix. Les chambres sont simples, propres et bien insonorisées, on y prête des vélos gratuitement, et l'endroit propose aussi une agréable terrasse avec vue sur la ville. Son principal défaut: il n'y a pas de piscine, et avec les températures estivales observées à Charlottesville, ce n'est pas à négliger.

À partir de 109 $US

Photo François Roy, La Presse

Les chambres du Oakhurst sont spacieuses et confortables.

Bien boire, bis

Vignoble Jefferson

Cela est surprenant, puisqu'on ne vend pas ou peu de vins de la Virginie au Québec, mais cet État est le cinquième producteur du pays et son industrie est en pleine croissance (+ 34 % entre 2010 et 2016), et l'oenotourisme s'y porte encore mieux. On compte plus de 250 vignobles dont la majorité sont ouverts au public, y compris celui de Jefferson, celui-là même que le président américain avait initié avec un expert italien, Philip Mazzei. Sans grand succès, il faut le dire.

Or, le vignoble n'a maintenant plus de Jefferson que le nom, propriété depuis 35 ans d'une famille à cheval entre l'Europe et l'Amérique qui a entrepris d'accomplir le rêve de Jefferson et de Mazzei.

On y produit bien sûr du viognier, le cépage emblématique de l'État, mais aussi du cabernet, du merlot et du petit verdot. Rien de renversant, mais l'endroit est fort joli et à quelques kilomètres de Monticello: on y fera un bel arrêt après la visite du site historique. C'est aussi l'occasion rêvée de goûter aux vins de la Virginie, quasi introuvables en dehors de l'État.

Dégustation: 12 $US

Y aller

L'aéroport de Charlottesville n'est pas desservi par des vols directs depuis Montréal, mais Washington l'est. On peut, de là, louer une voiture pour y faire une escapade, visitant au passage le magnifique parc de Shenandoah. Autrement, on peut également s'y arrêter au gré d'un voyage vers les plages de la Virginie, un petit détour qu'on ne regrette pas.

Photo François Roy, La Presse

Le vignoble Jefferson propose des dégustations tous les jours. On prendra plaisir à se prélasser sur la terrasse ensuite.