BlackBerry et iPhone sont en course pour devenir l'accessoire essentiel des citadins thaïlandais, mais les adeptes de plus en plus nombreux des réseaux sociaux ne peuvent le plus souvent pas profiter de ces téléphones intelligents, handicapés par des connexions trop lentes.

Une bataille de longue haleine autour des licences de téléphonie de troisième génération (3G), qui permet de meilleurs débits et la transmission de données «lourdes» comme l'internet ou la télévision, a empêché un véritable déploiement du service dans le royaume.

«J'ai acheté ce téléphone parce que je pensais pouvoir utiliser le 3G, mais ça m'a en fait pris trois ans» pour pouvoir profiter du service, raconte Tiabtawan Limjittrakorn, 25 ans, qui a fini par trouver quelques endroits où se connecter dans la capitale.

Le système a été lancé au Japon il y a déjà dix ans. Le Cambodge voisin l'a mis en oeuvre en 2006 et le Laos, un des pays les plus pauvres de la planète, prévoit de lancer la 4G d'ici à la fin de l'année.

La Thaïlande est donc le dernier pays d'Asie du Sud-Est, hormis la Birmanie, à n'avoir pas encore de large couverture 3G, après l'échec d'enchères sur les licences l'an dernier. Une nouvelle tentative est prévue en 2012.

En attendant, les trois principaux opérateurs --Advanced Info Service (AIS), Dtac et True-- ont ignoré l'absence de licences et amélioré leur réseau 2G dans certains lieux en construisant leurs propres antennes et en fournissant ainsi gratuitement de la 3G.

Un autre consortium propose quelques poches de couverture haut débit, mais n'offre aucun signal du tout en dehors de ces zones.

Face à cette mosaïque de réseaux, les utilisateurs jonglent toute la journée entre plusieurs téléphones et cartes SIM.

Un «symbole de statut social»

Selon le groupe de recherche Nielsen, la Thaïlande compte 21 millions d'utilisateurs de l'internet sur plus de 65 millions d'habitants, et 17,6 millions d'entre eux surfent depuis leur téléphone.

Et les réseaux sociaux sont en plein boom, avec depuis le début de l'année une augmentation de 75% du nombre de comptes Facebook, à près de 12 millions.

Le royaume connaît «l'un des taux de passage aux téléphones intelligents les plus rapides d'Asie du Sud-Est», avec une augmentation de 8% en 2010, note William Wang, spécialiste des télécoms chez Nielsen Thaïlande.

Une récente promotion sur les iPhone a attiré des milliers de personnes dans un centre commercial de Bangkok, certains n'hésitant pas à camper devant l'entrée pour être sûrs d'être servis.

«Il y a un facteur mode qui entre en jeu, c'est nouveau, c'est branché et c'est un symbole de statut social», commente Laura Acres, de l'agence de notation Moody's.

«Mais si vous payez le prix, vous voulez l'utiliser pour ce pour quoi il est prévu, vous voulez qu'il soit plus qu'un accessoire de mode».

Malgré les obstacles, 3 millions d'appareils ont été vendus cette année, contre 1,6 million en 2009 selon True, qui cite des recherches du fabricant de téléphones HTC.

Le consultant spécialisé Ovum prévoit, lui, près de 30 millions d'utilisateurs 3G d'ici à fin 2016 dans ce pays où la demande est «frustrée», note son analyste Nicole McCormick.

Elle espère maintenant que la nouvelle Commission nationale de radiodiffusion et des télécommunications (NBTC) sera en mesure de sortir de l'impasse des licences, dans une situation compliquée par un cadre juridique complexe et la présence notamment de deux entreprises d'État concurrentes.

Le ministre de l'Information, de la Communication et des Technologies, Anudith Nakornthapa, a admis pour sa part son «inquiétude», comptant sur la NBTC pour régler le problème de façon «urgente».

Mais pour Laura Acres, le problème est d'abord «politique».

«Le paysage réglementaire doit être vraiment révisé (...). Il est assez étonnant qu'une industrie entière ait été étouffée en raison d'un manque de cadre réglementaire global».