Google a obtenu vendredi de la justice américaine la confirmation que son projet de bibliothèque numérique géante Google Books n'enfreignait pas les droits d'auteur, une décision que des écrivains entendent contester devant la Cour suprême.

Le projet Google Books, lancé en 2004, revient à constituer la plus grande bibliothèque numérique jamais vue. Plus de vingt millions d'ouvrages ont déjà été scannés, dont une partie seulement est libre de droits.

Dès 2005, trois auteurs américains, Jim Bouton, Betty Miles et Joseph Goulden avaient assigné Google en justice pour contester la numérisation d'un de leurs ouvrages sans leur consentement.

Déboutés une première fois en novembre 2013, les trois écrivains avaient fait appel, accompagnés dans leur action par le syndicat américain des auteurs (Authors Guild).

Google Books est présenté comme un outil de recherche, qui permet de balayer le contenu de millions de livres. Google ne propose que des extraits des ouvrages aux internautes, pas leur totalité, et renvoie vers des liens permettant de les acheter.

Pour une cour d'appel fédérale de New York, la copie numérique d'un livre à des fins de recherche est un usage «transformant», qui «met à disposition des informations sur les livres» sans fournir «un substitut véritable» à ces ouvrages protégés par le droit d'auteur, a écrit l'un des trois magistrats ayant pris la décision, Pierre Leval, dans un arrêt consulté par l'AFP.

Les auteurs contestaient également le fait que Google mette les ouvrages numérisés à disposition de bibliothèques avec lesquelles il a passé des accords.

«La seule éventualité que les bibliothèques ne respectent pas ces droits (d'auteur, NDLR) ne rend pas Google complice de cette pratique», a écrit Pierre Leval.

Pour les trois magistrats de la cour, Google Books relève d'un «juste usage» de contenu protégé par les droits d'auteur, selon la définition du code américain (US Code).

Le groupe de Mountain View (Californie) s'est félicité de cette interprétation, qui montre que le projet «fonctionne comme un catalogue de l'âge numérique», dans un texte transmis à l'AFP.

Bientôt devant la Cour suprême?

«Nous sommes navrés que la cour n'ait pas compris le grave impact qu'aura cette décision, si elle devient définitive, sur les revenus liés aux droits d'auteur et, à plus long terme, sur notre patrimoine littéraire», a commenté à l'inverse le syndicat américain des auteurs dans un communiqué.

Il a indiqué son intention de se tourner vers la Cour suprême, qui peut se saisir ou non de l'affaire.

Le syndicat rappelle que «la plupart des auteurs à temps plein sont à la limite de ne plus pouvoir continuer» et à devoir trouver une source de revenus complémentaire.

Il cite une étude récente qui montre que le revenu moyen d'un auteur à temps plein aux États-Unis a fondu de 30% entre 2009 et 2015.

«La décision de ce jour souligne ce que nous disent les utilisateurs de ce service: Google Books leur offre un moyen pratique et facile de trouver des livres qu'ils veulent acheter et lire, ce qui bénéficie aux détenteurs des droits», a commenté Google.

La décision est importante pour Google qui est un habitué des contentieux sur la question des droits d'auteur, pour Google Books mais aussi d'autres services.

En France, le groupe a conclu début 2013 un accord qui a mis fin à son contentieux avec les éditeurs de la presse française. Il prévoit notamment que Google aide les éditeurs à accroître leurs revenus publicitaires en ligne.

En Allemagne, le Parlement a voté, également en 2013, une «loi Google» destinée à mieux protéger les contenus des éditeurs allemands de presse.

Début 2015, une «taxe Google» est entrée en vigueur en Espagne et assure une compensation financière aux éditeurs de presse en cas d'utilisation de leurs contenus éditoriaux, mais ses résultats sont mitigés.

La Commission européenne a engagé une réflexion sur le droit d'auteur et doit formuler prochainement des propositions.