Des rumeurs d'acquisition du site de microblogs Twitter relayées jeudi par le Wall Street Journal ont lancé un débat sur l'emballemement des investisseurs pour un site internet aux recettes encore modestes.

À en croire le quotidien américain, des discussions préliminaires entre Twitter d'une part, et Google ou Facebook d'autre part, valorisent le site, qui engrange des recettes publicitaires depuis moins d'un an, entre 8 et 10 milliards de dollars.

Il y a deux mois encore, un tour de table ayant permis à Twitter de glaner 200 millions de dollars le valorisait à 3,7 milliards de dollars.

Cette montée en flèche de la valeur supposée du site en deux mois, cinq ans après sa naissance, laisse certains experts dubitatifs.

Au cabinet Forrester Research, Josh Bernoff fait remarquer que les prix qui circulent sont fondés sur un modèle de rentrée d'argent qui «n'est pas encore visible», alors que le chiffre d'affaires de Twitter attendu cette année ne devrait guère dépasser une centaine de milliers de dollars.

«Tant qu'on ne verra pas d'où vient l'argent (...), c'est de la spéculation», déclare M. Bernoff à l'AFP.

Sur... Twitter, l'investisseur Bob Metcalfe, l'un des pères des réseaux de communication ethernet, met carrément en doute la crédibilité des informations du Wall Street Journal.

«Twitter fait croire au Wall Street Journal qu'il a des discussions» sur une possible fusion-acquisition - «ça c'est du marketing», écrivait-il jeudi. «Twitter à 10 milliards de dollars, ce serait 100 fois son chiffre d'affaires estimé» en 2011.

Mais à en croire Lou Kerner, analyste chez Wedbush Securities, ces chiffres, aussi impressionnants soient-ils, ne sont pas irréalistes: les parts de Twitter qui «s'échangent sur le marché valorisent le groupe à 4 milliards de dollars», explique-t-il à l'AFP. «Et par définition, les transactions officieuses ont une décote par rapport au marché public».

«Si Twitter était coté, il vaudrait sans doute autour de 7,5 milliards de dollars, et si quelqu'un devait l'acquérir, ce serait autour de 10 milliards», compte tenu de la prime habituellement offerte aux actionnaires, calcule-t-il.

Ce n'est pas excessif, estime M. Kerner. «Nous sommes convaincus que Twitter est parti pour être une plateforme mondiale de communications omniprésente, et que les annonceurs vont l'adorer en raison de son immédiateté».

Twitter revendique quelque 175 millions d'utilisateurs actifs, et estime que quelque 25 milliards de messages, dit «tweets», ont été envoyés grâce à son service en 2010.

Le site a lancé l'an dernier un système de messages sponsorisés rapportant des recettes publicitaires qui, selon son directeur général Dick Costolo, marche "fantastiquement bien".

À en croire M. Bernoff, un groupe de cette taille devrait être capable de tripler ou quadrupler ses recettes publicitaire. "Ils ne maximisent pas les possibilités", estime l'expert de Forrester Research.

«J'attends (de Twitter) de nouveaux formats pour les annonceurs, il pourrait aussi y avoir des comptes premium», c'est-à-dire des abonnements payants, explique-t-il. «Il faut que cela arrive en 2011, les six à neuf mois qui viennent seront essentiels pour prouver qu'il peut gagner plus d'argent par les utilisateurs».

Le mois dernier, M. Costolo, qui a vendu deux de ses précédentes sociétés, dont l'une à Google, avait assuré qu'il ne prévoyait pas de vendre Twitter.

En tout état de cause Facebook, et encore plus Google, qui avait proposé 6 milliards de dollars pour le site de commerce «social» Groupon l'an dernier, auraient les moyens de s'offrir le site, même à 10 milliards de dollars, et chacun aurait à y gagner, selon MM. Kerner et Bernoff.