Le plus célèbre blogueur chinois, le jeune Han Han, à la fois écrivain à succès, coureur automobile amateur et Don Juan torturé, a appris à se jouer de la censure de son pays, tout à fait conscient des limites de ses critiques.

Il se souvient avoir été surpris par le refus d'un de ses articles car il y était question d'une personne commandant au restaurant un plat avec de l'agneau.

«Je n'ai pas compris. Qu'est-ce qu'il y a de mal à manger de l'agneau?», a-t-il demandé.

Son interlocuteur lui a expliqué qu'il pouvait s'agir d'un musulman, un sujet sensible en Chine après les émeutes meurtrières de l'année dernière au Xinjiang (nord-ouest), à majorité musulmane.

À 27 ans, Han Han se désespère de voir que l'autocensure des éditeurs et de certains responsables des médias en Chine va souvent au-delà des attentes des autorités.

«J'aimerais qu'il y ait une loi qui dise clairement ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas l'être. J'aimerais qu'on mette tout sur la table et qu'on en discute franchement», dit-il, lors d'une rencontre avec la presse à la Foire des livres de Hong Kong.

Han, né à Shanghai en 1982, s'est rendu célèbre par son esprit acerbe, ridiculisant les fonctionnaires corrompus, ou désireux de couvrir les crises ou évoquant les questions sociales, voire l'Exposition universelle de Shanghai.

Il est devenu la star de l'internet chinois, sa réputation allant désormais bien au-delà des frontières.

Son blog a attiré plus de 300 millions de visites et le magazine américain Time l'a placé parmi les 100 personnes les plus influentes au monde, au côté de Barack Obama et de Lady Gaga.

«Certains bénéficient d'un système judiciaire vicié, d'autres d'une société en plein chaos. Moi, j'ai juste eu la chance de dire la vérité», affirme-t-il.

Il a surtout la chance de vivre en plein ère de l'internet, un de ces «Digital Natives» nourris au multimédia et numérique.

À l'ère d'internet, une fois que l'article est publié en ligne, on ne peut rien faire pour en nier l'existence», juge-t-il.

Avant que la censure, la «Grande Muraille virtuelle», ne le fasse disparaître, des millions d'internautes l'auront transmis.

Il s'essaie aussi désormais à la presse traditionnelle, avec le lancement récent de son magazine, consacré à la littérature, «Party», publié tous les deux mois.

Le premier numéro s'est écoulé à 500 000 exemplaires en quelques heures, sans aucune publicité d'envergure.

Pour beaucoup, il est la voix non-officielle de la génération «post-80», comme on surnomme ceux qui sont nés après le lancement des réformes économiques.

Han Han est devenu célèbre après la publication en 2000 de son roman Triple Porte, basé sur son expérience d'étudiant et son échec à l'université, une critique du système éducatif chinois très rigide.

Il sait cependant les limites à ne pas dépasser.

Interrogé sur la répression sanglante de Tiananmen, il préfère changer de sujet et parler de sa nouvelle petite amie.

«Je suis tombé amoureux d'une fille sur le continent il y a quelques jours. Elle s'inquiète de ce que je dise quelque chose contre le gouvernement et que je ne puisse plus revenir en Chine», dit-il.

Mais, confesse-t-il, ses relations avec les femmes sont aussi compliquées que celles avec le pouvoir chinois.

«Je peux avoir une amie très bien, mais je vais tomber amoureux d'une autre au même moment. Je vais vouloir me marier avec l'une, mais aussi avec l'autre», a-t-il expliqué. «C'est comme si mon destin était entre les mains des femmes».