Le gouvernement français a présenté mercredi un projet de loi visant à renforcer les sanctions contre le piratage sur internet qui prévoit des avertissements, puis la suspension temporaire des abonnements, un dispositif jugé trop répressif par certains.

En 2006, un milliard de fichiers piratés d'oeuvres musicales et audiovisuelles ont été échangés en France.

«Il n'y a aucune raison qu'internet soit une zone de non-droit», a déclaré lors du Conseil des ministres le président Nicolas Sarkozy, cité par le porte-parole du gouvernement Luc Chatel.

Si rien n'est fait, «un jour ou l'autre il n'y aura plus de création», a estimé M. Sarkozy.

Le projet de loi «Création et internet» répond à une «situation d'urgence», a considéré la ministre de la Culture Christine Albanel. L'industrie musicale a vu son chiffre d'affaires fondre de 50% en cinq ans et le cinéma et la télévision commencent à leur tour à ressentir les effets de la crise, a-t-elle relevé.

«Nous savons que nous n'allons pas éradiquer le problème du piratage à 100% mais nous pensons que nous pouvons le réduire significativement», a déclaré Mme Albanel.

«Si nous arrivons à faire baisser de 70% à 80% les actes de piratage, ce sera déjà considérable. C'est l'objectif», a poursuivi la ministre en assurant que la France était «numéro un dans le monde» en matière de téléchargement illégal.

Actuellement, le téléchargement illégal se règle uniquement au pénal. Le contrevenant risque jusqu'à 300.000 euros d'amende et trois ans de prison.

Le projet de loi, qui entend apporter une «réponse graduée», crée une Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l'internet (Hadopi), que les ayants droit pourront saisir s'ils constatent que leurs oeuvres font l'objet d'un téléchargement illicite.

L'Hadopi enverra alors un premier avertissement par courriel puis un second par lettre recommandée pour demander à l'internaute de cesser. «Cela sera massif. Des milliers de mails seront envoyés chaque semaine» par l'Hadopi, via les fournisseurs d'accès, a averti Mme Albanel.

Après cette phase préventive et pédagogique, l'autorité administrative pourra passer aux sanctions si le téléchargement illégal persiste. L'internaute risquera une suspension de trois mois à un an de son accès à internet. Sauf s'il accepte une transaction et s'engage par écrit à ne pas recommencer, auquel cas la coupure ne sera plus que de un à trois mois.

Pour les entreprises, le texte prévoit une mesure alternative. L'Hadopi demandera à l'employeur d'installer des «pare-feux» pour empêcher les salariés de faire du téléchargement illégal depuis leur poste de travail.

Le projet de loi devrait être présenté au Sénat à l'automne. La ministre voudrait que la loi entre en application au 1er janvier 2009.

D'ores et déjà des critiques se sont élevées contre ce texte. Le quotidien Libération fait sa une mercredi sur «les flics du clic».

L'association de consommateurs UFC-Que Choisir évoque dans un communiqué «un projet monstrueux conçu par les marchands de disques pour leur intérêt exclusif». Le magazine spécialisé SVM a lancé une pétition qui a recueilli 23.000 signatures, dont celles de députés européens, comme Daniel Cohn-Bendit (Verts).

Cette loi «va traquer les petits utilisateurs, ceux qui aiment la culture», déplorent les signataires qui jugent «disporportionnée» la mesure de coupure de l'accès à internet.

Le Parlement européen a remis en cause mi-avril l'approche coercitive de la France jugée disproportionnée dans un rapport voté par les députés européens mais qui n'est pas contraignant pour les pays membres.