Un assureur-vie américain veut inciter ses clients à s'inscrire à des programmes en ligne de remise en forme en leur promettant des cadeaux, moyen de les inciter à avoir une meilleure hygiène de vie, mais qui alarme les défenseurs de la vie privée et des droits numériques.

Désormais, tous les clients détenteurs d'un contrat d'assurance-vie chez John Hancock, l'un des plus gros du secteur aux États-Unis, auront accès à un programme de suivi santé et nutrition, par l'entremise d'une application mobile et d'un site web, qui fixent des objectifs pas-à-pas.

Et, pour les clients les plus investis, l'entreprise promet des « récompenses » : tarifs réduits sur leurs contrats d'assurance, « traqueurs d'activité » (comme le bracelet Fitbit et la montre Apple Watch, qui comptent les pas ou mesurent le rythme cardiaque) gratuits ou à prix réduit, mais aussi ristournes dans des magasins et des hôtels.

Pour John Hancock, le but est « de récompenser les clients pour toutes les étapes qu'ils franchissent chaque jour pour vivre plus longtemps et en meilleure santé », selon un communiqué.

Plutôt que de ne se soucier que « de la protection des familles du défunt », « nous pensons fondamentalement que les assureurs-vie devraient se soucier de la qualité et la durée de la vie de leurs assurés », affirme la patronne du groupe, Marianne Harrison, ajoutant espérer que d'autres assureurs suivront.

L'entreprise, filiale du groupe canadien Manulife, en est persuadée : les personnes inscrites à des programmes d'entraînement ou de suivi de leur activité physique vivront plus vieilles et auront moins de frais médicaux.

Problèmes

Ces programmes ou dispositifs de suivi de la santé, qui reposent sur la collecte de données des utilisateurs, ne sont pas nouveaux, mais les organisations de protection de la vie privée et des droits numériques s'inquiètent de voir une entreprise inciter à ce point ses clients à fournir des données aussi intimes en échange de récompenses.

« Je comprends bien que c'est fait pour encourager des habitudes de vie plus saines, mais je m'inquiète de la quantité excessive de données collectées », explique Nuala O'Connor, à la tête du Center for Democracy & Technology.

« Ces appareils peuvent collecter des tas de données, comme où vous vous trouvez et avec qui vous êtes, bien plus que ce qui est nécessaire pour déterminer si une personne est "assurable" ou non », poursuit-elle, ajoutant qu'on ne sait pas toujours d'où arrivent ces données...

Pour Marc Rotenberg, président de l'Electronic Privacy Information Center, cette idée pose la question de « la transparence des algorithmes » qui analysent les données ; il faut savoir si les décisions [d'assurer quelqu'un ou non, et à quel tarif] sont justes, fiables et transparentes.

L'annonce de John Hancock intervient au moment où de gros employeurs cherchent à obliger les employés à porter des traqueurs d'activité en échange d'une couverture santé, qui aux États-Unis est le plus souvent fournie par l'employeur.

Autre souci, une étude de 2015 a mis en doute la fiabilité des données fournies par les accessoires de ce type.

« Il y a beaucoup de problèmes liés à cette idée de lier ces [technologies] avec l'assurance », estime Kate Crawford, spécialiste des effets sociétaux de l'intelligence artificielle à l'Université de New York et co-auteure de l'étude de 2015.

Les appareils et applications ont « des bogues qui créent des erreurs », et « les données peuvent donner lieu à des erreurs d'interprétation », explique-t-elle. Elle souligne en outre le caractère subjectif de la notion de « bonne » hygiène de vie.

« On demande aux gens d'échanger leurs données [...] 24 heures sur 24 contre un bon cadeau ou une vague promesse que c'est pour leur bien » sans qu'ils pensent aux conséquences, regrette-t-elle.