Louis Borfiga est l'un des entraîneurs de tennis junior les plus prolifiques au monde. Partenaire d'entraînement de Bjorn Borg et du prince de Monaco, il s'est donné un nouveau défi à la mesure de sa réputation: produire des champions de tennis au royaume du hockey.

Les ados surdoués de l'INSEP adoraient tous leur école, la meilleure académie de tennis en France. Sauf peut-être le lundi matin.

Ce n'était pas le retour en classe qui tracassait les Monfils, Simon et Benneteau, tous pensionnaires à l'Institut national du sport et de l'éducation physique durant les années 1990 et 2000. C'était la réunion hebdomadaire du directeur Louis Borfiga - Luigi pour les intimes, un clin d'oeil à ses origines italiennes.

«C'était marrant, les réunions du lundi, se rappelle Gaël Monfils, qui a remporté trois titres juniors du Grand Chelem avec Borfiga à titre d'entraîneur en 2004. Si on avait fait des conneries durant le week-end, Luigi ne riait pas avec ça. Il ne laissait pas passer grand-chose, mais il nous a forcés très tôt à être plus professionnels.»

«On ne savait jamais vraiment ce qui allait arriver», confirme Gilles Simon avec un sourire espiègle.

Seuls les souvenirs de Jo-Wilfried Tsonga diffèrent. «Mais j'étais plutôt bon élève et je ne contestais pas trop», convient-il.

Ancien champion junior de France, Louis Borfiga n'a pas connu les succès de ses élèves chez les pros. Sa carrière se résume à deux qualifications à Roland-Garros (deux défaites en première ronde), cinq ans de Coupe Davis pour Monaco et des centaines de matchs d'entraînement avec Bjorn Borg. Son jeu - qu'il évalue autour de celui d'un 200e mondial - révélera néanmoins ses futures valeurs en tant qu'entraîneur.

«On ne peut pas dire que Luigi était un joueur extrêmement doué, mais il était infatigable sur le terrain. Il aimait user ses adversaires et il jouait très bien tactiquement», dit Patrice Hagelauer, le légendaire entraîneur français de Yannick Noah qui s'est lui-même frotté plusieurs fois à Borfiga chez les pros.

À 22 ans, Borfiga a pris une retraite prématurée du circuit professionnel pour devenir entraîneur au Monte Carlo Country Club, où il a troqué les frappes de Borg pour celles du prince Albert. Huit ans plus tard, il est revenu au tennis de haut niveau à titre d'entraîneur à la Fédération française de tennis. Sa mission: former des futurs champions.

Former des champions

En 1990, Borfiga a pris les commandes du programme de tennis junior de l'INSEP, qu'il a transformé en la plus grande pépinière à top 100 au monde. Di Pascale, Escudé, Grosjean, Mahut, Benneteau, Mathieu, Tsonga, Monfils et Simon. Entre 16 et 18 ans, ces futurs pros ont tous appris leur métier à la dure au club Borfiga. «Au tennis, il faut se livrer à fond, dit l'entraîneur. Je voulais faire d'eux des combattants.»

Souriant et amical, Borfiga parle peu et observe beaucoup sur un terrain de tennis. «Contrairement aux entraîneurs qui donnent des conseils aux cinq minutes, Luigi ne disait pas grand-chose, dit Gilles Simon. Alors quand il parlait, valait mieux l'écouter. Il m'a appris à me débrouiller seul au lieu de toujours compter sur quelqu'un d'autre.»

S'il est un homme de peu de mots, ses colères sont toutefois légendaires entre les murs de l'INSEP. «Mais Luigi avait toujours une honnêteté morale dans ses coups de gueule, dit Patrice Hagelauer. C'est pourquoi ses joueurs l'appréciaient tellement.»

Borfiga démontre aussi du caractère face à ses patrons. Deux fois, il a convaincu la Fédération française de tennis de garder un joueur de 19 ans dans son club réservé aux juniors. Julien Benneteau est aujourd'hui 58e joueur mondial et Gilles Simon, dans le top 10. Deux autres exemples de son flair tennistique.

C'est ce flair qui a séduit Tennis Canada, qui l'a engagé en 2006 à titre de grand patron de l'élite et responsable du futur centre national d'entraînement de Montréal, qui verra le jour un an plus tard. Au Canada, Borfiga a moins de talent à sa disposition qu'en France, mais il a les pleins pouvoirs sur le tennis junior et professionnel - un défi impensable en France en raison de la structure de la fédération de tennis.

Après trois ans, Tennis Canada ne regrette pas son pari. «Nous sommes très contents du travail de Louis et des résultats du centre de Montréal, dit Michael Downey, président et chef de la direction de Tennis Canada. Nos joueurs professionnels comme Peter Polansky et Rebecca Marino se sont établis à Montréal pour s'entraîner quand ils sont au Canada.»

Louis Borfiga se donne entre sept et dix ans pour former ses champions canadiens, mais il a déjà quelques résultats tangibles à son palmarès. Le plus grand ennemi de Borfiga reste sa réputation. Avec trois de ses anciens protégés français dans le top 15 mondial, la barre est haute. Surtout dans un pays qui ne compte qu'un seul top 50 sur le circuit masculin dans son histoire.

«Le public canadien doit être patient avec Luigi, exhorte Julien Benneteau. En France, le tennis est le troisième sport le plus populaire. Une chose est certaine: s'il y a un joueur au Canada qui a le même potentiel que ses anciens joueurs en France, son potentiel sera développé.»

 

Des élèves doués

Quelques-uns des protégés de Louis Borfiga qui ont atteint le top 100 mondial.

Jo-Wilfried Tsonga: 7e au monde

Gilles Simon: 9e au monde

Gaël Monfils: 13e au monde

Paul-Henri Mathieu: 27e au monde

Fabrice Santoro: 44e au monde

Julien Benneteau: 58e au monde

Sébastien Grosjean: ancien 4e

Nicolas Escudé: ancien 15e

Guillaume Raoux: ancien 35e

Arnaud Di Pasquale: ancien 39e