Denis Shapovalov redoutait un peu ce premier tour à Roland-Garros, d'autant plus que les conditions n'étaient pas idéales, avec un court rendu lourd par des averses fréquentes et un adversaire tenace.

Il y a quelques semaines à peine, le joueur de 19 ans se serait énervé en voyant son rival John Millman prendre l'avantage avant une interruption du jeu, mais Shapovalov ne s'est pas démonté, triomphant aisément, 7-5, 6-4 et 6-2. Le Canadien a ainsi montré que la terre battue n'était décidément plus son « ennemie ».

« Disons que j'ai une relation amour/haine avec cette surface, a-t-il expliqué après sa victoire. Ce n'est pas naturel pour moi, même si je sais que j'ai les outils pour bien faire. Et j'avoue que j'aimerais bien gagner ce tournoi... un jour.

« C'est la raison pour laquelle j'ai voulu jouer tous ces tournois cette année sur la terre battue. Je veux y être compétitif, pas cette année, pas même la prochaine, mais dans quelques années. »

« Mes résultats ont été un peu inattendus, et c'est fou de me retrouver tête de série, mais il y a beaucoup de travail derrière tout ça. »

Demi-finaliste à Madrid, Shapovalov a effectivement progressé bien plus vite qu'il l'avait prévu et il est le 24e favori cette semaine à Roland-Garros. « C'est vraiment remarquable », a convenu son entraîneur Martin Laurendeau, après le match, dans les coulisses du stade Suzanne-Lenglen.

« Il a fallu le convaincre un peu qu'il pouvait bien faire sur cette surface, mais sa capacité d'adaptation est extraordinaire. Aujourd'hui, les conditions ne lui étaient pas favorables avec ces balles très lourdes. Il a su attendre les nouvelles balles pour mettre la pression sur son adversaire et, chaque fois, en profiter pour creuser l'écart.

« Ce qui est aussi remarquable, c'est qu'il n'a pas joué son meilleur tennis et qu'il a quand même gagné en trois manches. Cela va lui donner encore plus de confiance pour la suite du tournoi. »

Tout à améliorer !

Déjà traité comme une vedette - son match avait été programmé dans le deuxième stade de Roland-Garros, alors que les anciennes championnes Garbine Muguruza et Svetlana Kuznetsova jouaient sur le court 1 -, Shapovalov a gardé la modestie d'un débutant devant les journalistes.

« C'était un honneur pour moi de jouer sur ce court célèbre et c'est toujours excitant de sentir qu'on a la faveur de la foule. Je suis vraiment choyé d'être ici, je n'ai pas d'objectif précis et je considère chaque match comme un boni. »

Le Canadien entend visiblement prendre le temps de bien faire les choses. « Mon intention est d'avoir une longue carrière, a-t-il assuré. Des joueurs comme Roger [Federer] ou Rafa [Nadal] continuent de progresser. Moi, j'ai 19 ans !

« Ils ont accompli des exploits qui ne seront probablement jamais répétés ou pas avant très longtemps. L'un a gagné 20 titres majeurs, l'autre en a gagné un quand il n'avait que 19 ans. Pour l'instant, je ne pense qu'à m'améliorer chaque fois que je vais sur un court, que ce soit pour un match ou un entraînement. »

Quand un journaliste lui a demandé ce qu'il devait améliorer, Shapovalov a répondu : « Beaucoup de choses ! Je peux certainement améliorer mes retours de service, mon jeu au filet, même mes meilleurs coups, mes services, mes coups droits, mes revers... Ma gestion psychologique des matchs aussi, quand il y a des changements de rythme, par exemple. Je travaille beaucoup là-dessus avec Marty [Laurendeau]. »

L'entraîneur a justement rappelé comment son protégé avait bien géré la pause d'une heure survenue pendant le match. « On en a profité pour revenir sur quelques points du plan de match, s'assurer qu'il restait en contrôle de ses émotions.

« Son adversaire [Millman] n'avait pas vraiment les coups pour lui faire mal et il ne faisait que retourner chaque balle. Denis a parfois tendance à s'impatienter dans ces situations. Il doit encore apprendre à choisir le bon moment pour attaquer, accepter de frapper un coup de plus quand il le faut. »

À 19 ans, Shapovalov est donc encore en apprentissage, même s'il jouera demain au deuxième tour du tournoi de Roland-Garros, où il affrontera l'Allemand Maximilian Marterer, 70e mondial, qui a surpris l'Américain Ryan Harrison (56e) au premier tour.

En attendant, il pourra perfectionner un peu son français. Hier, quand un collègue parisien lui a demandé où il en était, le Torontois a fait sourire en répondant : « Je peux parler un peu, but I'm more confortable in English, specially in a press room [mais je suis plus à l'aise en anglais, surtout dans une salle de presse]. »

Même là, pourtant, il est déjà très bon !

PHOTO THOMAS SAMSON, AGENCE FRANCE-PRESSE

John Millman