Non, ça n'a pas fonctionné. Devant une Mannschaft qui s'appuyait pourtant davantage sur son moteur diesel que sur son turbocompresseur, les Bleus ont bien pu compter sur quelques occasions, mais pas de but, ni de miracle, ni de qualification pour les demi-finales. Rien de rien, si ce n'est des regrets.

Le sélectionneur Didier Deschamps pourra sans doute extirper quelques points positifs de la campagne de sa jeune équipe après une belle entame de tournoi. Mais il lui faudra trouver le moyen d'enseigner à ses joueurs à se révolter face à une formation dont l'aura et le vécu auront joué un rôle crucial pour faire pencher la balance en sa faveur.

Bien sûr, il faisait chaud au milieu de l'après-midi sur la pelouse du Maracana, et ces conditions ont tempéré le rythme du match. Or, on avait parfois l'impression que les onze Français qui y couraient ne possédaient pas en leur for intérieur la dureté mentale nécessaire pour renverser la célèbre théorie qui veut qu'un match de foot se joue entre 22 personnes jusqu'à ce qu'à la fin, ce soient les Allemands qui gagnent. Et dire que c'est un Anglais qui a dit ça...

Une Allemagne plus rusée

Pour sa part, Joachim Löw avait fait le choix de revenir à la base pour relancer sa Mannschaft, et du même coup faire taire bien des critiques émanant des Länder allemands. Cela étant dit, ni le replacement de Philip Lahm comme arrière droit ni la titularisation de Miroslav Klose n'auront été les éléments qui ont fait basculer le match. Dans cette optique, le retour au jeu de Mats Hummels, qui avait raté le dernier match en raison d'une grippe, fut autrement plus déterminant.

Mais c'est également dans l'attitude du groupe et dans les choix effectués sur le terrain que cette équipe allemande a retrouvé le réalisme auquel elle est traditionnellement associée. Un peu moins du tiki-taka instauré au Bayern Munich par Pep Guardiola, un peu plus du jeu direct typiquement germanique. Le tout sans être stéréotypé. Bref, face à ce débat aux accents dogmatiques, Löw a sagement choisi de garder un profil bas.

Et comme ce quart de finale de Coupe du monde entre dans la catégorie de ce qu'on peut appeler au soccer «les grandes ligues», c'est souvent dans les petits détails que se retrouve la différence. Par exemple, lors de la 12e minute, alors que Tony Kroos obtient un coup franc et que deux de ses partenaires lui offrent des appels pour jouer rapidement une petite passe. Au lieu de se presser, Kroos met la main sur le ballon et signale à ses défenseurs centraux de monter pour qu'il puisse leur centrer le ballon. Vous me voyez venir? Mais oui, c'est sur ce même centre que Hummels se dégage du marquage de Varane pour dévier de la tête ce qui sera l'unique but du match.

Choisir d'interrompre le rythme d'une action pour mettre à profit une occasion de menacer le but adverse, ça ne fonctionne pas à tous les coups. Mais le bon jugement dont a fait preuve Kroos à ce moment-clé du match est sans doute le résultat de l'expérience accumulée dans les grands rendez-vous. Après tout, à 24 ans, il compte déjà deux Coupes du monde et un Euro à son actif.

À l'opposé, l'indomptable Paul Pogba a certes démontré une capacité étonnante à effacer ses adversaires en milieu de terrain. Il a de ces chevauchées au cours desquelles on se demande qui pourrait bien l'arrêter. Seulement, à le voir commettre un nombre sans cesse croissant de fautes et à s'insurger aussi régulièrement contre les décisions de l'arbitre, il semble évident que la courbe d'apprentissage qu'il lui reste à suivre se situe avant tout sur le plan mental.

Mais ça, je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de le rappeler à Didier Deschamps. Et les regrets que provoque cette occasion manquée, Deschamps pourra les utiliser la prochaine fois pour allumer le feu de la révolte... Surtout s'il fait moins chaud qu'à Rio!