La Ligue professionnelle de hockey féminin a récemment lancé ses activités et l’espoir de voir une ligue de soccer semblable est bien réel. Mais ce sera sans le CF Montréal.

Du moins, pour le moment.

Lorsqu’elle s’est avancée au lutrin pour partager le huitième choix au total du repêchage de la LPHF, celui d’Ottawa, l’ancienne joueuse canadienne de soccer Diana Matheson était aux premières loges pour constater à quel point les efforts de longue haleine peuvent rapporter.

L’instigatrice de Project 8, une ligue professionnelle canadienne de soccer féminin qui vise à lancer ses activités en 2025, espère probablement que les efforts de son groupe obtiendront les mêmes résultats.

En avril, l’AFC Toronto City est devenue la troisième équipe fondatrice de cette nouvelle ligue, rejoignant les Whitecaps de Vancouver et les Foothills de Calgary. L’objectif de Matheson est de compter huit formations réparties en deux associations.

Pour le moment, personne ne s’est manifesté au Québec et le CF Montréal a plus l’intention de jouer un rôle d’observateur qu’un rôle d’acteur en ce qui concerne le soccer professionnel féminin.

Ça ne veut toutefois pas dire qu’il ne souhaite pas s’impliquer d’une certaine façon.

Ayant récemment pris les rênes du Programme Excel Féminin (PEF) de Soccer Québec, le Bleu-blanc-noir veut se concentrer sur le développement des jeunes filles pour les diriger vers les rangs universitaires, l’équipe nationale canadienne et, qui sait, une future équipe montréalaise de Project 8 menée par des investisseurs locaux.

« Nous souhaitons rester dans ces tranches d’âge, les U15 et U17, pour le court terme. Nous voulons être l’académie d’une future équipe, mais aussi une académie pour que les filles se rendent au niveau universitaire. Nous voulons que les filles puissent rêver à l’équipe nationale, à jouer de façon professionnelle au pays et peut-être même à passer à une grande équipe en Europe. Nous voulons qu’elles puissent continuer de pratiquer leur sport le plus longtemps possible », a déclaré le président et chef de la direction du CF Montréal, Gabriel Gervais.

« Le désir en ce moment, c’est d’augmenter l’empreinte des femmes au sein de l’organisation et sur le terrain, à différents niveaux. Les efforts se font davantage vers l’Académie et pour faire grandir ce programme-là », a ajouté Samia Chebeir, vice-présidente et chef de la direction du marketing et des communications de l’équipe.

Cette ambition de développement est louable de la part du club, mais est-elle suffisante pour mettre à l’avant-plan le soccer féminin dans la province ? Peut-être.

L’ancienne joueuse canadienne et collaboratrice de l’Académie du CF Montréal Amy Walsh estime que pour donner toutes les options aux jeunes filles du Québec, l’équipe devra en faire un peu plus sur le plan professionnel.

« Quand Project 8 a été mentionné, Gabriel (Gervais) m’a dit que le club investirait dans le développement et que l’option professionnelle n’était pas envisagée. Je l’accepte, mais je vais continuer de pousser pour ça, parce que je pense que c’est important d’avoir une présence là-dedans. Si tu veux te prononcer sur le développement, tu ne peux pas simplement mettre des œillères et ignorer ce qui se passe au-dessus. Tu dois créer un lien », a lancé Walsh.

« S’il y a une équipe au Québec, alors Gabriel m’a dit que l’équipe tenterait de créer un lien pour faciliter le développement des jeunes filles et pour les diriger vers les rangs professionnels », a-t-elle poursuivi.

La couleur de l’argent

Personne n’en a parlé explicitement au sein de la troupe montréalaise, mais le nerf de la guerre en ce qui a trait au sport féminin est souvent d’ordre monétaire.

Le co-propriétaire des Dodgers de Los Angeles, Mark Walter, et son épouse Kimbra, qui soutiennent financièrement la LPHF, ont affirmé lors du lancement de la ligue que beaucoup d’argent serait investi, et qu’ils étaient prêts à absorber les coûts pour assurer sa pérennité.

Les propriétaires de la LNH n’ont pas voulu s’impliquer lors du conflit opposant la Fédération première de hockey (PHF) et la Ligue nationale de hockey féminin (LCHF). Ils ont laissé une porte ouverte concernant la LPHF.

En basketball féminin, la NBA a injecté plusieurs millions de dollars pour maintenir la WNBA à flot – la ligue féminine a mis du temps avant de voir ses équipes devenir profitables.

En ce qui concerne Project 8, les partenaires corporatifs déjà impliqués sont Air Canada, Canadian Tire, CIBC et DoorDash Canada.

Les frais pour l’obtention d’une équipe de la nouvelle ligue féminine sont présentement établis à 1 million CAN, et on estime qu’il faudra entre 8 et 10 millions en capital total investi au cours des cinq premières saisons – en plus des autres dépenses nécessaires, dont celles de location des infrastructures. Les propriétaires deviennent actionnaires de la ligue, ainsi que de leur propre équipe.

Walsh aimerait bien sûr voir plus d’investissements nord-américains en soccer féminin. Elle estime que la récente Coupe du monde de soccer féminin a démontré la qualité du jeu, mais aussi qu’il y a quelque chose à gagner en y montrant de l’intérêt.

« Je pense que les investisseurs considèrent le sport féminin comme un organisme de bienfaisance, et ils croient qu’ils ne verront aucun retour financier. S’il y a des investissements, c’est sûr qu’il y aura des partisans. Pas seulement des familles et des jeunes filles. Nous avons vu de la qualité, des tactiques, des équipes organisées à la Coupe du monde. C’était excitant. Là, nous allons manquer le bateau. Nous sommes en retard là-dessus. Ces jeunes filles peuvent être des modèles pour tout le monde », a dit Walsh.

L’apport d’une ligue professionnelle se fait aussi ressentir au niveau international. Treize des 23 Canadiennes à la Coupe du monde jouaient en Europe au moment du coup d’envoi du tournoi, dont neuf en Angleterre. La capitaine Christine Sinclair était pour sa part l’une des huit joueuses à jouer dans la Ligue nationale de soccer féminin (NWSL). Les deux autres joueuses portaient les couleurs d’une université américaine.

À défaut de s’impliquer professionnellement dans Project 8, le CF Montréal espère que la nouvelle ligue permettra aux Canadiennes de rentrer au bercail, à l’instar de la NWSL aux États-Unis, et de développer les joueuses au pays.

« Je souhaite vraiment que Project 8 puisse le faire. Nous voulons être un incubateur à talent pour l’équipe nationale canadienne ou pour une équipe professionnelle ici. C’est primordial pour le développement ; il faut qu’il y ait plus de plateformes en place. Nous voyons ça d’un très bon œil », a exprimé Gervais.

Le président et chef de la direction du CF Montréal croit aussi qu’il y a assez de place dans le monde du sport professionnel pour l’arrivée d’une autre ligue, comme le Project 8.

« Si je fais le parallèle avec la Première Ligue canadienne, c’est une entité indépendante de la MLS qui a sa propre ligue au pays. Je ne vois pas pourquoi Project 8 ne pourrait pas le faire. Un peu comme la NWSL. Je crois qu’il y a de la place pour ça », a conclu Gervais.