(Montréal) Le CF Montréal a souvent parlé de son projet de développement dans la MLS, mais voilà qu’il a maintenant l’occasion de le faire avec les jeunes joueuses de soccer féminin de la province.

Au fil des années, le Bleu-blanc-noir a pu développer plusieurs joueurs au sein de l’Académie masculine. De voir un Québécois comme Mathieu Choinière, qui a fait partie des équipes U13, U14, U16, U18 et U19 du club, être sélectionné au match des étoiles de la MLS en 2023 s’avère sans aucun doute la meilleure récompense qui soit.

Maintenant que le CF Montréal a pris les rênes du Programme Excel Féminin (PEF) de Soccer Québec, qui englobe les équipes U15 et U17, ce n’est plus nécessairement la recherche du prochain Mathieu Choinière qui prime, mais aussi la recherche de « LA » prochaine Mathieu Choinière.

L’annonce est certes survenue en mai et la prise en charge a été complétée le mois dernier, mais le désir de s’impliquer dans le volet féminin remonte à un peu plus loin. Lorsque la formation montréalaise a embauché l’ancienne joueuse canadienne Amy Walsh à titre de collaboratrice en matière de soccer féminin, en septembre 2022, la volonté d’en faire un peu plus pour faire briller les jeunes filles était claire.

« Amy était la meilleure ambassadrice pour nous, en tant qu’ex-athlète olympique et très bonne personne. Elle nous donnait de la crédibilité sur le plan du soccer féminin, a fait valoir Samia Chebeir, vice-présidente et chef de la direction du marketing et des communications du CF Montréal. Amy est très généreuse de partager son expérience pour inspirer les filles. C’est pour former les Amy Walsh de demain. »

Vingt-sept joueuses du PEF ont quelque peu goûté à ce que ça représentait de porter le logo du CF Montréal, en avril, lorsqu’elles ont pris la direction de la France pour y disputer quatre matchs amicaux, contre le Grand Paris Seine Ouest, le CA Paris, le Paris FC et le Paris Saint-Germain.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les jeunes filles n’ont pas fait honte au club. Elles ont montré un dossier de 3-0-1 lors de ces duels, signant notamment une victoire de 3-1 aux dépens du prestigieux PSG.

Une série documentaire intitulée Au féminin a été tournée, puis diffusée, pour faire vivre les dessous de ce voyage sous le thème de l’excellence.

« Il y a plusieurs filles qui côtoient les garçons de l’Académie à l’école, alors d’avoir l’occasion de porter le logo du CF Montréal, c’était une fierté. Il y avait un niveau technique qui se comparait très bien à ce qu’on voit en Europe. Les filles voulaient voir si elles étaient de taille, et nous avons vu que c’était le cas. C’était enrichissant comme expérience, tant pour moi que pour les filles et l’équipe technique », a souligné Walsh, qui a accompagné le PEF en France.

La visite du Parc des Princes, le domicile du PSG dans la Ligue 1, et du Centre national du football à Clairefontaine leur a montré des infrastructures de calibre international – et ce qu’il faudra peut-être à Montréal pour passer à un autre niveau.

« Nous le voyons au Québec et au Canada ; il manque la prochaine étape. Nous n’avons pas les infrastructures. Contre le PSG, nous ne jouions pas sur le terrain des professionnels, mais les installations étaient bonnes et les filles peuvent y jouer à temps plein. Il faut avoir cette option-là ici. Les Whitecaps de Vancouver investissent depuis longtemps dans le soccer féminin, et il faut obtenir cet investissement-là pour observer un impact sur l’équipe nationale canadienne », a observé Walsh.

Pour le moment, le PEF poursuivra son utilisation des installations du Centre sportif Bois-de-Boulogne, à Laval, jusqu’en 2025, mais le président et chef de la direction du CF Montréal, Gabriel Gervais, a mentionné que des plans pour agrandir le Centre Nutrilait n’étaient pas exclus.

L’apport du CF Montréal

Pour permettre aux jeunes filles du PEF de continuer leur progression et d’un jour représenter le pays lors des compétitions internationales, Walsh estime que la troupe montréalaise devra peut-être s’arrêter un peu plus loin que les moins de 17 ans.

L’équipe canadienne qui a disputé la dernière Coupe du monde, cet été, ne comptait que trois Québécoises, soit Évelyne Viens, Gabrielle Carle et Lysianne Proulx.

« Nous allons tenter de profiter des installations, de l’administration, des ressources humaines du club pour mettre les projecteurs sur ces filles-là. Éventuellement, je pense qu’il faut aller plus loin. Il faut leur donner un tremplin, a insisté Walsh. Pas simplement les former et ensuite les laisser aller. Il faut rêver plus grand que ça, pour permettre aux filles elles-mêmes de rêver. Avec toute l’importance que nous pouvons accorder au développement du soccer international, nous ne pouvons pas ignorer l’influence des clubs. »

Walsh fait notamment référence à la tentative de sa bonne amie et ancienne joueuse du Canada Diana Matheson d’implanter une ligue professionnelle canadienne de soccer féminin, sous le nom de Project 8. Matheson aimerait lancer les activités de cette nouvelle ligue en 2025.

Walsh s’interroge également à savoir si le CF Montréal ne devrait pas retenir les jeunes filles de l’Académie un peu plus longtemps à l’intérieur de son organisation. Pour continuer à les développer comme joueuses, mais pour également leur permettre de rester dans un environnement professionnel, un peu comme c’est le cas en Europe.

« Dans mon temps, la seule option était dans les rangs universitaires américains, a raconté Walsh. Si tu es une fille de 18 ou 19 ans et que tu évolues dans un environnement professionnel, ça ne se compare pas. Le club a dit qu’il n’ajouterait pas une équipe dans le Project 8, mais il peut peut-être créer quelque chose qui lui appartient pour développer des joueuses comme ç’a été le cas avec Mathieu Choinière. Tu les gardes ici, tu les formes et tu les développes. Ce qui va les faire ressortir sur la scène internationale, c’est l’environnement de club professionnel. Ce sont des saisons de trois ou quatre mois (dans les rangs universitaires américains), et ce n’est peut-être pas le meilleur modèle si l’on compare avec l’Europe. »

Gervais, qui a lui-même joué à l’Université Syracuse, souligne toutefois que l’objectif de l’Académie n’est pas uniquement de développer des joueurs professionnels, tant féminins que masculins.

Le président et chef de la direction du CF Montréal a d’ailleurs constaté que les jeunes filles caressaient un peu plus le désir de poursuivre leurs études comparativement aux garçons, qui tentent un peu plus de se tailler une place chez les professionnels.

On ne sait pas si les rares débouchés dans les rangs professionnels féminins découragent les jeunes filles d’emprunter cette voie. Mais qu’à cela ne tienne, le Bleu-blanc-noir souhaite donner le plus d’outils possible à ses Académiciennes pour qu’elles fassent le meilleur choix.

« Je sens que les filles poussent beaucoup vers les études et les académies américaines. C’est sûr que nous n’avons pas encore la plateforme au Canada pour le cheminement professionnel. Les parents des jeunes filles me posent des questions à propos des universités américaines. Comment je m’y suis pris, comment j’ai fait mon choix. Nous voulons les aider avec les tests d’admission ou en leur fournissant un tuteur pour les aider avec l’anglais, par exemple. À la base, l’Académie sert à développer de bons citoyens », a exprimé Gervais.

Pour l’année scolaire qui a débuté en septembre, 39 joueuses font partie du PEF – incluant les gardiennes. Lors de la dernière saison, il y avait également eu environ une quarantaine de joueuses, dont certaines ont poursuivi leurs études dans une université américaine.