Une domination sud-américaine, vous dites?

Les choses changent vite au soccer. Pas plus tard que vendredi, on s'interrogeait sur le déclin du foot européen et la possibilité que l'Amérique du Sud s'arroge les quatre places en demi-finales de la Coupe du monde. Voyez le résultat: l'Europe a qualifié trois équipes et seul l'Uruguay a survécu à l'hécatombe sud-américaine.

Le dernier carré va donc comme suit: l'Uruguay affrontera les Pays-Bas demain au Cap, tandis que l'Allemagne et l'Espagne régleront de vieux comptes à Durban le lendemain.

L'Allemagne est LA révélation de cette Coupe du monde. Qui s'attendait à ce que cette (très) jeune équipe soit dominante au point de réussir trois matchs de quatre buts, y compris contre l'Angleterre et l'Argentine, taillées en pièces par l'attaque germanique?

La demi-finale contre l'Espagne est l'occasion de venger la défaite de 1-0 subie en finale de l'Euro 2008. La Mannschaft a toutefois bien changé depuis. Seulement six des 11 partants lors de la victoire de 4-0 contre l'Argentine, samedi, avaient figuré dans la défaite, il y a deux ans. Certains des joueurs ayant joué un rôle crucial en Afrique du Sud, notamment les milieux offensifs Thomas Müller (20 ans) et Mesut Özil (21 ans), ne faisaient même pas partie de l'alignement allemand de l'époque.

«On ne peut pas comparer 2008 et 2010, a dit hier l'attaquant Miroslav Klose à l'AFP. L'Allemagne est maintenant une autre équipe, avec des joueurs jeunes et talentueux qui ont donné un souffle nouveau. Notre effectif est meilleur qu'en 2008.» Avec sa moyenne d'âge d'à peine plus de 24 ans, la sélection allemande est bien placée pour faire des ravages à l'Euro 2012 et à la Coupe du monde de 2014.

Dans l'immédiat, l'entraîneur Joachim Löw ne pourra toutefois pas compter sur Müller, suspendu après avoir reçu un deuxième carton jaune. C'est une lourde perte pour l'Allemagne. Müller a marqué quatre buts dans le tournoi, dont celui qui a sonné les cloches de l'Argentine dès la troisième minute, samedi. Il excelle aussi à mettre la table pour Klose.

Le vétéran de 32 ans a marqué plus de buts (quatre) au cours du Mondial que pendant toute sa saison avec le Bayern Munich (trois). Son total de 14 réalisations en trois Coupes du monde le place à égalité avec son compatriote Gerd Müller, à un seul but du record du Brésilien Ronaldo.

«Ma force, c'est d'arriver toujours à répondre présent le jour J et à me concentrer sur un moment précis, a dit Klose. Je l'ai dit avant le tournoi: mon but, c'est de marquer cinq buts (comme en 2002 et 2006). Six, cela serait très bien. Mais si on me donnait le choix, je préférerais être champion du monde que de dépasser Ronaldo.»

Une énigme

En face, l'Espagne demeure une énigme. Après un début chancelant contre la Suisse (défaite de 1-0), la Furia Roja est montée tranquillement en puissance, se qualifiant première dans le groupe H. Mais après une courte victoire contre le Portugal en huitièmes de finale, le 1-0 arraché à un Paraguay sans grande imagination, il y a deux jours, soulève des interrogations.

Les hommes de l'entraîneur Vicente del Bosque ont maîtrisé le ballon à leur guise et multiplié les jolies passes en milieu de terrain, mais ont eu toutes les misères du monde à mettre la touche finale à leurs jolies broderies. On dirait mon cher Arsenal: à trop chercher la perfection, l'Espagne finit parfois par s'auto-pelure-de-bananiser.

Remplacé rapidement contre le Paraguay, l'attaquant Fernando Torres connaît un Mondial pitoyable. Heureusement pour l'Espagne, David Villa, qui a marqué samedi son cinquième but du tournoi (sur les six de son équipe), compense jusqu'ici pour l'inertie de son partenaire offensif. Si l'Espagne veut passer en finale, la récente acquisition du Barça, auteur de 33 buts à ses 34 derniers matchs internationaux (!), devra impérativement réussir là où Lionel Messi et les autres attaquants argentins ont échoué. Et trouver le moyen de se soustraire à la couverture défensive étanche des arrières et des milieux allemands.

Mais franchement, peu importe ce que fait Villa, il est présentement difficile de miser contre le rouleau compresseur allemand.

Les Pays-Bas favoris

Dans l'autre demi-finale, les Pays-Bas tenteront d'empêcher l'Uruguay, champion du monde en 1930 et 1950, d'accéder à une troisième finale.

La Maison orange n'a pas subi la défaite à ses 24 derniers matchs. Cette série devrait s'allonger d'au moins une partie et les Néerlandais devraient atteindre leur première finale depuis 1978.

L'Uruguay peut compter sur l'extraordinaire Diego Forlan, un poison digne de David Beckham sur les jeux arrêtés et, en prime, l'un des plus dangereux marqueurs de la planète. Mais les succès de la Celeste en Afrique du Sud ont reposé en grande partie sur la complicité entre Forlan et Luis Suarez. Or, l'attaquant de l'Ajax manquera à l'appel, suspendu pour avoir emprunté la main de Dieu à Diego Maradona contre le Ghana.

Contre une équipe qui vient de réussir un exploit peu banal en revenant de l'arrière pour vaincre le Brésil, cette absence risque de faire la différence.

Alors, une finale Allemagne-Pays-Bas, comme en 1974? C'est ce que dicte la logique. Pour ce que vaut la logique au soccer.