Depuis l'annonce de sa mort, la semaine dernière, Jean Béliveau est décrit comme le capitaine par excellence, un modèle pour quiconque porte le «C».

Et les témoignages recueillis hier laissent croire que ces qualités de meneur, il les déployait tant à l'extérieur que sur la patinoire. Il fallait d'ailleurs lire l'émotion sur les visages de ses anciens patrons, collègues et coéquipiers pour comprendre l'ampleur du personnage.

«Il m'a vraiment aidé à passer la première journée, parce que c'était un peu énervant d'être nommé président du Canadien à 45 ans, raconte l'ancien président du Tricolore Pierre Boivin, très ému lors de sa rencontre avec les médias. Il était d'un tel calme qu'il m'a fait sentir que j'étais le bienvenu et venant de lui, c'était la plus grande bénédiction possible. Il m'a dit qu'il avait entièrement confiance en mon travail. Il s'assurait que quiconque entrait dans l'organisation était à l'aise.»

Officiellement à la retraite depuis 1993, M. Béliveau était donc simplement ambassadeur du Canadien dans les années 2000, quand M. Boivin et le propriétaire George Gillett étaient aux commandes de l'équipe. Malgré tout, l'influence de «Gros Bill» restait présente. M. Gillett a d'ailleurs éclaté en sanglots quand est venu le temps de parler de M. Béliveau.

«J'ai seulement rencontré deux personnes dans ma vie qui avaient autant de dignité et de classe, et il était l'une d'elles. Pas une fois, l'ai-je entendu parler de ses succès personnels et de sa grande carrière. Il voulait toujours nous aider. Tu lui posais des questions, il te répondait, mais il ne cherchait pas l'attention. C'était l'homme le plus humble et le plus magnifique du sport.

«On a fait plusieurs erreurs et il nous a sortis de l'embarras», a ajouté M. Gillett.

Le «Grand Jean»

Réjean Houle en est un autre qui a eu du mal à contenir ses émotions lorsqu'est venu le temps de rencontrer les membres des médias. Il a dû l'appeler une vingtaine de fois «le Grand Jean», témoignage limpide de la fascination que suscitait l'ancien numéro 4.

«Pour moi, c'était un mentor, un exemple à suivre, raconte M. Houle, coéquipier de Jean Béliveau lors de la dernière saison de ce dernier, en 1970-1971. J'ai eu la chance de jouer avec lui une saison et de gagner une Coupe Stanley même si on n'était pas la meilleure équipe.

«J'étais jeune, un peu intimidé par sa prestance. C'était très difficile pour moi de l'appeler Jean, même dans le vestiaire. Il est venu me voir, il m'a dit: "Réjean, on est coéquipiers. Mon nom, c'est Jean, pas monsieur Béliveau!" Mais j'avais joué avec le Canadien junior, je le voyais avec la grande organisation. C'était difficile de passer de monsieur Béliveau à Jean. Mais avec le temps, on s'est habitués, on a appris à mieux le connaître.»