Francis Bouillon ne va pas jusqu'à dire qu'il a été traité comme du bétail. Reste qu'il est longtemps resté amer après avoir réalisé que le Canadien ne voulait plus de lui malgré ce qu'il avait fait pour l'organisation.

«J'ai peut-être pris ça un peu trop personnel quand on m'a annoncé qu'on me laissait aller», a dit Bouillon de la décision du Canadien de ne pas lui donner de nouveau contrat, à l'issue de la saison 2008-09, malgré le fait qu'il avait accepté d'affronter les Bruins de Boston en séries en dépit de blessures à l'abdomen et à l'aine.

 

Sauf que maintenant, vous pouvez ajouter Bouillon à la liste des joueurs qui avaient le CH tatoué sur le coeur et qui ont ensuite découvert qu'il y a une vie après la vie bleu-blanc-rouge.

«Avec le recul, je regarde tout ça et ça fait mon affaire d'être à Nashville maintenant», a indiqué le défenseur de 35 ans, jeudi, avant de disputer son premier match au Centre Bell depuis qu'il a troqué le maillot du Canadien pour celui des Predators de Nashville.

«Dans le fond, il n'y a pas juste le Canadien de Montréal dans la Ligue nationale. J'ai adoré jouer ici, c'est toujours spécial de jouer chez soi devant ses amis et sa famille, sauf qu'aujourd'hui je me suis fait une niche ailleurs, et je suis vraiment content.»

Bouillon est aujourd'hui serein. L'ancien du Titan de Laval dans la LHJMQ a toutefois tenu à relever un phénomène qui, selon lui, n'est pas assez souvent souligné: les joueurs québécois qui veulent jouer à Montréal mais ne sont pas retenus malgré le fait qu'ils sont prêts à suer sang et eau pour leur employeur.

«Ce que je trouve dommage, c'est qu'on dit souvent les Québécois sont gourmands, que (le Canadien) essaie de les avoir et ils choisissent d'aller ailleurs pour empocher plus d'argent, pour payer moins de taxes et ces choses-là... Mais souvent, on voit aussi le contraire. Il y a des gars qui veulent rester ici.

«Marc-André Bergeron, l'an passé par exemple, je pense qu'il a fait un travail incroyable pour le Canadien. Sa situation est un peu différente de la mienne, mais elle se ressemble aussi un peu, en ce sens qu'il s'est blessé et on l'a laissé aller.

«Je ne lui ai pas parlé mais je le connais personnellement, et je suis sûr qu'il serait prêt demain matin à signer un contrat modeste. Je suis sûr qu'il aiderait le Canadien comme il l'a fait la saison dernière.»

En même temps, comme bien d'autres joueurs l'ont fait avant lui, Bouillon a réalisé qu'il y a du bon à vivre l'envers de la médaille.

«Pour moi, Nashville, c'est l'idéal. Je joue mon match et, le soir, je peux mettre la tête sur l'oreiller en pensant à autre chose que le hockey, a noté celui qui a disputé neuf saisons à Montréal. J'adore ça, ma famille adore ça - pour mes enfants c'est super de vivre dans les deux langues.»

Bouillon a d'autant plus pansé ses plaies qu'il a connu une excellente première saison avec les Predators en 2009-2010, au cours de laquelle il a disputé 81 matchs et a fait sa place au sein du deuxième duo de défenseurs du club. L'organisation l'a remercié en lui accordant un nouveau contrat de deux ans dès le début de la saison morte.

«À la fin de la saison, ils m'avaient laissé savoir qu'ils voulaient me ravoir. Quand on s'est entendu très vite au début de l'été, ç'a fait mon affaire.»

Bouillon est tellement apprécié par l'entraîneur Barry Trotz que celui-ci a l'a utilisé à profusion quand Ryan Suter s'est blessé au début de la campagne.

«Je dirais que j'avais même un peu trop de temps de glace!, a lancé Bouillon. Je n'ai plus 20 ans et je jouais des matchs de 24, 25, 26 minutes... Ce n'est pas vraiment mon rôle de jouer autant que ça. À un moment donné il a fallu que j'arrête de frapper parce que ça me demandait trop d'énergie.

«Mais Ryan est revenu et j'ai retrouvé ma place dans le deuxième duo de défenseurs (avec Kevin Klein), et je joue entre 22 et 23 minutes par match. Je suis vraiment content de mon temps d'utilisation.»

«Il s'imbrique vraiment bien au sein de notre groupe, a affirmé Trotz. C'est un vétéran qu'il fait bon avoir dans l'entourage de nos jeunes.»

Bégin tout près

Bouillon communique souvent avec son ancien coéquipier du Canadien, Steve Bégin, qui reprend présentement la forme avec le club-école des Predators dans la Ligue américaine, les Admirals de Milwaukee.

«Il va super bien, a dit Bouillon de celui qui a un but et une aide en neuf matchs avec un différentiel de plus-1. Il est le premier centre, il joue sur le jeu de puissance et le désavantage numérique.»

Trotz a assuré que ce n'est qu'une question de temps avant que Bégin ne revienne au niveau de la LNH.

«À la suite des discussions régulières que nous avons eu avec les gens là-bas à son sujet, je croyais bien que ça se dessinait pour qu'il nous accompagne au cours du présent voyage, a fait savoir l'entraîneur des Predators. Il s'est blessé légèrement et ç'a probablement retardé un peu le processus (de remise en forme).

«Ce que j'adore de lui, c'est qu'il a beaucoup de caractère. Et il est dur à affronter, ce qui est exactement dans le moule du type de joueur que nous cherchons. Il y a certes une place dans l'équipe pour un gars comme ça.»