« Vous vous croyiez au fond ? Dites-vous qu’il y a toujours plus creux. »

Ça n’avait rien à voir avec le hockey, mais quand le chanteur Mononc’ Serge a prononcé ces paroles en 1998, il lançait sans le savoir les bases d’un résumé critique de la saison 2021-2022 du Canadien après 19 rencontres.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le Tricolore a offert jeudi sa pire performance de la saison en s’offrant en pâture aux Penguins de Pittsburgh, qui sont repartis du Centre Bell repus d’une victoire de 6-0.

(Re)lisez notre couverture en direct Consultez le sommaire de la rencontre

Pas besoin de chercher bien loin pour analyser la rencontre. L’entraîneur-chef Dominique Ducharme l’a fait pour nous : « On a été mauvais. »

Mais encore ? « Dans toutes les situations, autant offensivement que défensivement, en revenant dans notre zone, en contre-attaque, avec et sans la rondelle. […] On n’a pas été bons. »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Teddy Blueger déjoue Samuel Montembeault en troisième période.

Voilà pour ça. Inutile, dans les circonstances, de dresser la liste des coupables, car on pourrait passer à travers la formation au complet. Prenez Cole Caufield, par exemple, probablement le meilleur attaquant de son club dans la défaite. « Avec la rondelle, il a eu quelques flashs et une bonne explosion offensivement », a dit Ducharme.

Si l’entraîneur avait pu souligner au marqueur jaune les mots « avec la rondelle », il l’aurait fait. Car sans la rondelle… c’était moins ça, disons.

En repli, Caufield semblait confus à sa ligne bleue sur le quatrième but des Penguins. Sur le suivant, il n’a jamais dérangé Brock McGinn qui a pu dévier la rondelle derrière Cayden Primeau. Et sur le sixième et dernier, il a joint ses efforts à ceux de Ben Chiarot pour embêter le moins possible le rusé Teddy Blueger.

Or, ce n’est certainement pas à lui de porter seul le poids de cette 13défaite de la saison, une 15e même si l’on inclut les deux revers subis en prolongation.

Car il y a quelque chose de résolument étrange dans le moment auquel elle arrive, cette défaite.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Cayden Primeau

Brendan Gallagher, indéniable meneur de cette équipe, a déjà plusieurs fois évoqué le « trou » que s’est creusé le Canadien depuis le début de la campagne et indiqué à quel point ses coéquipiers et lui sont conscients de la profondeur dudit trou. Chaque fois, il a précisé que le groupe savait ce qu’il avait à faire pour s’en sortir.

Face au test de la vraie vie, cette affirmation vieillit bien mal. Si le CH avait eu une fiche de 11-5-2 avant le match contre les Penguins, on pourrait accepter, peut-être même avec un sourire amusé, la bonne vieille excuse « on oublie et on passe au prochain match ».

Or, dans les circonstances que l’on connaît, c’est au mieux étrange, au pire inquiétant. Alors qu’il s’apprête à boucler le premier quart de sa saison, le Canadien croupit à l’avant-dernier rang de l’Association de l’Est, huit points (avec un match de retard) derrière les Red Wings de Detroit, actuels locataires de la dernière place donnant accès aux séries éliminatoires.

Le match de jeudi, c’était donc le trou au fond du trou. Un coup de pelle de plus dans une fosse qu’on tente supposément de remblayer.

Au cours des matchs précédents, le Canadien avait au moins été compétitif. Pas cette fois. Résultat : pour la huitième fois de la saison, il a accordé cinq buts ou plus. « Où est la solution ? », a demandé un journaliste à Ben Chiarot.

« Si on accorde autant de buts, c’est que beaucoup de choses ne marchent pas », a répondu le défenseur, sans rien ajouter. Tout était dit, de toute façon.

Norlinder, Caufield

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Mattias Norlinder

Afin de nous quitter sur une note un tant soit peu positive, mentionnons qu’en dépit des circonstances, la formation du Canadien faisait une belle place à de jeunes joueurs de son organisation.

On n’écrira pas que le flambeau est en train d’être passé à la prochaine génération, car ce n’est pas vrai. Du moins pas encore. Mattias Norlinder est à un coup de téléphone de terminer la saison en Suède, Ryan Poehling et le quatrième trio ont peu – et mal – joué, et Cole Caufield était encore un membre du Rocket mercredi soir.

Il n’empêche que Norlinder a connu un match franchement encourageant. Son coup de patin n’a pas été surévalué, son instinct offensif non plus. Ce sont là deux de ses atouts évidents.

Alors que son expérience professionnelle nord-américaine se résumait à trois petits matchs à Laval, on se demandait de quoi il aurait l’air contre des joueurs de la LNH. Il n’a pas mal paru du tout. Avec David Savard, il a privilégié la simplicité en défense, ce qui l’a bien servi pendant les quelque 18 minutes qu’il a disputées. On l’attendait surtout en avantage numérique, mais les visiteurs ont écopé d’une seule pénalité.

« Pour un premier match, ç’a été correct, il y a eu du bon et du mauvais », a simplement dit Norlinder. Son entraîneur a été plus loquace en soulignant que le défenseur avait « montré de belles choses », et que malgré l’échantillon limité, il avait affiché « une bonne vision et une bonne confiance avec la rondelle ».

Quant à Caufield, on a déjà exposé combien il avait peiné en défense, mais il serait injuste de ne pas souligner à quel point il est apparu transformé par rapport au début de saison boiteux qui lui avait valu un renvoi dans la Ligue américaine.

La feuille de match officielle ne lui accorde que deux tentatives de tir, mais, en réalité, on aurait dû lui en donner au moins quatre. La violence du tir du revers qu’il a décoché tôt en deuxième période a rappelé à quel point il pouvait punir les gardiens de but de partout en zone adverse. La séquence qui a suivi aurait certainement pu (dû ?) se conclure par un but de Tyler Toffoli.

Le reste du match de Caufield n’a peut-être pas été celui dont il rêvait, mais personne ne dira non à une étincelle offensive pendant la longue traversée du désert qui se dessine d’ici à la fin du calendrier. Pas son entraîneur, en tout cas. Et surtout pas les partisans.

Dans le détail

Ça va mal, raison no 246

La bonne nouvelle pour le Canadien : l’avantage numérique n’a pas trop souffert dans cette défaite. La mauvaise nouvelle : il a eu une seule occasion. En fait, dans les trois derniers matchs, le Tricolore a bénéficié de seulement quatre supériorités numériques, soit une jeudi, deux mardi à New York et une à Boston dimanche. De plus, celle de jeudi est survenue à la suite d’un jeu bien banal de récupération de la rondelle dans le coin, en zone défensive. Ce n’était donc pas le type de pénalité où un joueur, par son intensité ou en créant une chance de marquer, « force » l’adversaire à commettre un geste irrégulier. Il faudra donc remettre ça samedi si on veut mieux analyser ce que Mattias Norlinder a à offrir dans ces circonstances.

La victoire des employés de soutien

C’est peut-être Sidney Crosby qui a ouvert la marque, mais le reste de la soirée a été l’affaire des employés de soutien des Penguins. Le quatrième trio, piloté par l’insoupçonné Letton Teddy Blueger, a généré trois buts, tandis que le troisième, dont le centre est l’ancienne gloire des Sabres Evan Rodrigues, a été responsable de près de 80 % des tentatives de tir. C’est une fleur de plus pour ces joueurs, qui forment le gros des unités de désavantage numérique, une catégorie où les Penguins sont deuxièmes dans la LNH cette saison (88 %). Après le match, les membres des trios 3 et 4 ont eu droit à un bel hommage de Sidney Crosby. « Ils ont été solides toute l’année. Plusieurs de ces joueurs jouent en désavantage numérique et ils font du bon travail là aussi. En plus d’être durs à affronter, ils écoulent des pénalités et marquent des buts. Ils nous aident de nombreuses façons. »

Le héros obscur

Il est assez rare qu’un gardien auteur d’un blanchissage ne figure pas parmi les trois étoiles, mais tel est la réalité d’un portier qui gagne son match par six buts ! Tristan Jarry a tout de même eu son mot à dire dans ce triomphe, pas tellement sur le plan de la quantité (seulement 24 tirs dirigés vers lui), mais sur celui de la qualité. En deuxième période, avec une marque de 3-0 Penguins, le Tricolore offrait encore une certaine forme d’opposition et connaissait de bons moments offensivement. Cole Caufield a sorti Chad Ruhwedel de ses culottes deux fois plutôt qu’une, Jake Evans a obtenu un tir du haut de l’enclave, Josh Anderson et Jonathan Drouin ont frappé à la porte… Bref, à plus d’une reprise, le CH aurait pu porter le score à 3-1 et faire croire aux spectateurs qu’ils en avaient pour leur argent. Mais Jarry s’est dressé chaque fois. « Le match à Washington m’a laissé un goût amer. Tu ne veux pas accorder six buts et j’en ai fait une affaire personnelle, a admis Jarry. J’ai voulu m’améliorer. Contre Buffalo et ce soir, c’était mieux, j’ai gardé la rondelle devant le milieu de mon corps, et les gars ont bloqué des tirs. »

En hausse : David Savard

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

David Savard

À l’instar de son équipe, il n’a pas connu un grand match, mais il est l’un des deux seuls joueurs réguliers de son camp à n’avoir été sur la glace pour aucun but des Penguins, et ce, alors qu’il jouait en compagnie de la recrue Mattias Norlinder.

En baisse : Jonathan Drouin

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Jonathan Drouin

Il n’a pas vraiment été pire que le reste de son club. Or, le 92 n’a rien cassé du tout en attaque. Son club a besoin de lui.

Le chiffre du match

7

C’est déjà la septième fois, en seulement 19 rencontres, que le Tricolore marque un but ou moins. Rien d’étranger au fait que l’équipe pointe désormais au 31e et avant-dernier rang du circuit pour la moyenne de buts par matchs.

Ils ont dit

C’est difficile. Il n’a pas eu de matchs préparatoires, pas de camp, puis la COVID. C’est dur de rester à la maison 10 jours sans rien faire. Oui, tu peux faire du vélo stationnaire, mais c’est un conditionnement différent. Ça prend du temps, ça prend des matchs pour retrouver le rythme.

Kristopher Letang, à propos du retour au jeu de Sidney Crosby

C’est de mieux en mieux. Je ne me sentais pas bien à Washington, je m’y attendais. Contre Buffalo, c’était mieux. Ce soir, ça a bien commencé. C’est dur d’être patient, mais quand tu gagnes, c’est moins pire.

Sidney Crosby

Des fois, au hockey, les bonnes équipes sont celles que tu n’attendais pas. On savait qu’il nous manquerait des marqueurs pour commencer la saison. Mais si on arrive avec une bonne défense, un bon système, on peut battre n’importe quelle équipe.

Kristopher Letang, au sujet du début de saison sans Crosby ni Evgeni Malkin

Je suis fier de Cole [Caufield]. Ce n’est pas facile quand tout le monde parle de toi comme de la recrue de l’année et que tu es cédé aux mineures. Il est revenu avec beaucoup de confiance. Il bouge bien, il joue bien.

Ben Chiarot

Personne ne se présente au bureau en espérant avoir une mauvaise journée, et personne n’arrive à l’aréna en espérant avoir un mauvais match. Ce soir, on a juste été mauvais. Je peux essayer de trouver, de décortiquer toutes les facettes du jeu. On a été mauvais.

Dominique Ducharme

J’avais des jambes, j’avais de l’explosion. Mais on doit trouver une manière de bien jouer pendant 60 minutes. On a vu ce qui arrive quand on ne le fait pas.

Cole Caufield

Je pense que je peux faire plus de jeux, prendre plus de responsabilités avec la rondelle. C’était un premier match, je voulais garder les choses simples.

Mattias Norlinder