(El Segundo, Californie) Les pointes de pizza, l’accolade à Cole Caufield en plein point de presse, le fameux « Bonne Saint-Hean tout le monde ! »…

Quatre mois après cette soirée magique du 24 juin 2021, on comprend mieux ce que Phillip Danault pouvait vivre. Il venait de préparer le but gagnant d’Artturi Lehkonen, qui permettrait au Canadien de retourner en finale de la Coupe Stanley pour la première fois depuis 1993.

À sa première rencontre en personne avec les médias de Montréal, vendredi, il nous a même confié que ce jour-là fut aussi le jour où la famille s’est agrandie ! Sa conjointe, Marie-Pierre, est aujourd’hui enceinte de leur deuxième enfant, et puis, bon, on devine que tous ceux impliqués dans cette histoire ont fait leurs calculs pour savoir quand la cigogne était passée…

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Artturi Lehkonen et Phillip Danault célèbrent le but qui va conduire le Canadien en finale.

Danault vivait donc tout cela en sachant très bien que c’était la fin pour lui à Montréal. Que son expérience de Québécois jouant pour son équipe d’enfance achevait. « À un moment donné, tu peux lire entre les lignes », a-t-il rappelé, vendredi, en point de presse après l’entraînement des Kings de Los Angeles.

« On ne reviendra pas là-dessus. Mais on m’avait fait une offre, on avait fait une contre-offre et on ne m’était pas revenu. Ça nous laissait entendre… Mon agent n’est pas fou. Don Meehan fait ça depuis longtemps. Je sentais aussi qu’ils voulaient laisser la place aux jeunes. C’était correct, je n’avais pas de problème avec ça. »

Et c’est comme un gars qui n’avait « pas de problème avec ça » qu’il a parlé, vendredi. Pendant une bonne quinzaine de minutes, d’abord en anglais, puis en français, dans une salle de presse bondée comme en 2019, Danault est revenu sur son séjour de cinq saisons et 360 matchs à Montréal. Séjour pendant lequel il s’est développé comme un des très bons centres défensifs de la LNH.

« Montréal m’a amené que du positif, de la force mentale et j’ai travaillé des choses. Montréal, ç’a été comme un tremplin pour moi, a lancé le numéro 24. J’ai gagné énormément d’expérience dans tous les aspects de ma vie, sur la glace ou à l’extérieur. J’ai aimé la chance qu’on m’a donnée avec le Canadien. »

Des liens durables

Danault a aussi tissé des amitiés, dont celle, que l’on n’attendait pas nécessairement, avec Brett Kulak. Les deux comptaient casser la croûte ensemble vendredi.

Et avec Tomas Tatar et Brendan Gallagher, Danault a piloté un des trios les plus stables de la LNH dans les trois dernières saisons. Curieusement, cette unité a été séparée lors des deux parcours du Tricolore en séries. Mais en saison, cette combinaison du 90, du 24 et du 11 faisait partie des meubles.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Phillip Danault, Tomas Tatar et Brendan Gallagher

« Je vais commencer par la personne. Je m’ennuie de son gros sourire loufoque [goofy smile], a lancé Gallagher. C’était agréable de le côtoyer à l’aréna. Il rit tout le temps. Il a ce petit côté unique à sa personnalité. On s’ennuie de lui. »

« Je dirais la même chose, a rétorqué Danault, informé des propos de son ancien ailier droit. Il a du cœur, il allait à la guerre pour ses coéquipiers. Je m’ennuie aussi de son style goofy all around. C’est un être humain dont je m’ennuie. »

Danault était pris dans un drôle de rôle à Montréal. Son trio avait comme mission de contrer les meilleurs éléments adverses, même si, à la base, Tatar et Gallagher n’étaient pas étiquetés comme des spécialistes de la défense. D’ailleurs, ni l’un ni l’autre ne jouaient en désavantage numérique.

En raison de ce rôle, Danault avait des occasions limitées en avantage numérique, notamment parce que ses entraîneurs souhaitaient le déléguer sur la patinoire quand l’adversaire finissait d’écouler un désavantage numérique.

Malgré ces mandats peu propices à une production offensive, ses léthargies faisaient jaser. La saison dernière, il avait dû attendre son 25match pour inscrire son premier but de l’année.

« On comprenait le travail qu’il accomplissait. Par moments, c’était un travail un peu ingrat, mais dans le vestiaire, on avait énormément de respect pour ce qu’il faisait, a rappelé Gallagher. Les gars comprenaient sa valeur. »

Un paradoxe

Les Kings aussi comprenaient sa valeur. C’est pourquoi, malgré sa production offensive pas toujours optimale, ils lui ont offert une entente de 6 ans et 33 millions de dollars l’été dernier.

Qu’ont-ils reçu jusqu’ici ?

  • Un but, une passe en sept matchs
  • 57,7 % d’efficacité aux mises en jeu, ce qui ui vaut le 19rang dans la LNH
  • 17 minutes de jeu par match
  • 60,6 % des tentatives de tirs contrôlées par les Kings quand il est sur la patinoire, un chiffre dopé par une performance sublime de son trio jeudi.

« Tout ce que les gens de Montréal ont connu, on l’obtient, a résumé son entraîneur-chef, Todd McLellan. Et une fois qu’il sera vraiment à son aise, on en obtiendra plus offensivement. [Jeudi] soir, son trio a été notre meilleur. »

Mais il y a plus, a rappelé McLellan.

« Ça fait gagner du temps à nos jeunes centres. Quinton Byfield est blessé, mais ça donne du temps à Alex Turcotte, Rasmus Kupari et Gabriel Vilardi pour se développer à la bonne vitesse. On n’est pas obligés de les placer dans un rôle et espérer que ça fonctionne. »

Des propos qui font sourciller quand ils sont prononcés devant des gens de Montréal, qui ont vu ce qui s’est produit avec Jesperi Kotkaniemi, gardé à Montréal à 18 ans afin de piloter le troisième trio. Kotkaniemi avait connu un fort camp, mais il avait fini par manquer d’essence en deuxième moitié de saison et n’a jamais véritablement retrouvé son rythme. Lors des dernières séries, le Finlandais a même été laissé de côté au premier tour et en finale. Les négociations de contrat sont tombées dans une impasse et le voici membre des Hurricanes de la Caroline.

Un dénouement encore plus rocambolesque quand on relit ce bout de phrase de Danault : « Je sentais aussi qu’ils voulaient laisser la place aux jeunes. » Un de ces jeunes n’y est plus.