Assis très détendu à une table de conférence dans les chics bureaux de l'Association des joueurs de la Ligue nationale de hockey (AJLNH) au 12e étage d'une tour du centre-ville, Donald Fehr n'a pas l'air d'un homme qui se prépare à livrer bataille.

Mais le directeur exécutif du syndicat insiste: ses membres ne sont pas prêts à être bousculés pour une troisième négociation consécutive, indiquant clairement que les nuages sombres d'un autre lock-out pointent à l'horizon.

«Ce n'est pas un secret que les joueurs ont fait d'immenses concessions aux propriétaires dans les deux dernières négociations, a-t-il déclaré au cours d'un entretien avec La Presse canadienne. Nous croyons qu'il serait approprié d'assister à un certain retour du balancier. Nous verrons.»

Bien qu'un éventuel nouvel arrêt de travail n'aurait lieu que dans deux ans, le temps presse et les partisans ont encore frais en mémoire les conflits de 2004-05 et de 2012-13.

La première fois, la LNH a annulé sa saison avant que les joueurs ne cèdent devant les propriétaires et acceptent un plafond salarial et une réduction salariale de 24%.

Sept ans plus tard, les deux parties avaient de nouveau du mal à s'entendre. Les joueurs ont éventuellement cédé, passant de 57% des parts de revenus à 50% et ont dû signer une convention collective de 10 ans en janvier 2013, limitant la campagne à 48 matchs.

Les deux parties se sont donné le droit de mettre fin à l'actuelle entente après huit saisons. Ils doivent toutefois prévenir l'autre partie en septembre 2019, ce qui signifie qu'un potentiel conflit de travail pourrait survenir pendant la saison 2020-21. Les propriétaires et les joueurs pourraient toutefois décider de laisser s'écouler la durée de ce contrat de travail, ce qui reporterait un éventuel conflit à 2022-23.

«La relation est cordiale en ce moment, mais elle pourrait se compliquer si certains dossiers sont contestés, a dit Fehr au sujet des relations entre les propriétaires et l'AJLNH. Vous pouvez détester votre propriétaire et il peut vous détester. Mais si le bail fonctionne pour les deux côtés, personne ne va chercher à le résilier.»

Fehr a une idée générale de l'état d'esprit de ses troupes et il va passer la prochaine année à discuter avec eux de la stratégie à adopter.

«Nous allons leur lancer des idées, tenter d'en savoir plus sur la façon dont ils voient les choses et tenter de créer un consensus à l'interne, a dit celui qui a été à la tête de l'Association des joueurs du Baseball majeur (MLBPA) de 1985 à 2009. Jusqu'à un certain degré, nous pouvons aussi avoir des discussions avec la ligue afin de mettre la table aux négociations. C'est certain que nous allons aussi faire cela.»

Parmi les points clés pour les joueurs: le détesté dépôt fiduciaire, la part de leur salaire versée en fiducie afin d'assurer un partage des revenus égal avec les propriétaires, ainsi que leur participation aux Jeux olympiques de 2022, à Pékin. La LNH a refusé d'envoyer ses joueurs étoiles aux JO 2018, en Corée du Sud, après avoir pris part aux cinq dernières éditions.

Il semble improbable, par contre, que l'AJLNH accepte que le hockey international, qui ne touche qu'une faible part de ses membres, soit utilisé pour faire avaler une couleuvre dans ces négociations. La ligue a suggéré de prolonger l'actuelle entente jusqu'en 2025 afin de permettre à ses joueurs d'aller à PyeongChang. Le syndicat a refusé.

«Est-ce qu'il y a des joueurs qui souhaitent faire quelque chose au sujet des Olympiques ? Absolument qu'ils souhaiteraient en faire plus pour aider au hockey international et à une Coupe du monde, a dit Fehr. Est-ce que certains sont inquiets du dépôt fiduciaire ? Bien sûr. Il y a une longue liste d'inquiétudes qui pourraient s'ajouter à ces deux dossiers. Il faudra voir comment ces éléments se transposeront dans les négociations.»

Les salaires ont augmenté en même temps que le plafond salarial a été relevé au cours des dernières années, mais la conséquence est qu'il reste moins d'argent pour les joueurs de deuxième et troisième tiers. L'expansion possible à 32 équipes à Seattle dès 2020-21 apporte aussi son lot de questions. Une chose est certaine: les joueurs ne verraient pas un sou des 650 millions $ US que cette franchise coûtera.

Les propriétaires ont affirmé être très satisfaits par l'entente actuelle. Le commissaire, Gary Bettman, a d'ailleurs indiqué en décembre que la «ligue n'a jamais été aussi en santé». Si c'est le cas, les joueurs voudront assurément une plus grande part du gâteau.

Fehr a ajouté que bien qu'il reste encore amplement de temps pour entreprendre les négociations, c'est souvent l'imminence d'une date butoir qui fait que les deux parties s'amènent à la table.

«Il y a toujours des exceptions où les deux clans voient des avantages à ne pas attendre à la dernière minute. Voyons voir si c'est le cas ici.»

Fehr nie que des dissensions aient mené aux concessions faites par les joueurs lors des deux dernières négociations. Il ne s'attend d'ailleurs pas à rencontrer d'écueil cette fois-ci.

«Ils s'en sortiront bien, a-t-il des membres de l'AJLNH. Ils étaient suffisamment ligués pour rater une saison complète la première fois. La dernière fois, nous n'avons pas craqué, même si nous avons éventuellement conclu un accord. L'union des joueurs ne m'inquiète pas dans la mesure où moi et tous ceux qui travaillent ici faisons notre boulot.»