Élizabeth Giguère a marqué un but d'anthologie en prolongation qui a permis aux Golden Knights de l'Université Clarkson de remporter le championnat universitaire américain pour la deuxième année de suite, dimanche soir à Minneapolis. Deux jours plus tard, la recrue québécoise n'était pas encore descendue de son nuage.

Le but

Après avoir volé la rondelle à la défenseure de l'Université Colgate Shelby Wood, en zone centrale, Giguère s'est débarrassée de son adversaire avec son bras droit. En trébuchant, cette dernière a accroché le patin droit de l'ailière québécoise, qui a mis un genou sur la glace tout en gardant le contrôle du disque. En se relevant, Giguère a feinté vers la droite avant de revenir sur son revers pour déjouer la gardienne Julia Vandyk en une fraction de seconde. La recrue de 20 ans a ainsi procuré une victoire de 2-1 à l'Université Clarkson en finale du Frozen Four.



La réaction

En conférence de presse après le match, Giguère a raconté qu'elle ne se souvenait plus du tout de sa manoeuvre devant la gardienne, invoquant un «black-out». «Geez! J'aimerais pouvoir faire des jeux comme ça quand je fais un black-out!» a plaisanté son entraîneur Matt Desrosiers, assis à la même table. «Même quand je le revois, je me dis: voyons, je ne me souviens pas que j'ai fait ça», a relaté la joueuse, hier, de sa ville natale de Québec, où elle passe sa semaine de relâche. «Mais je me souviens exactement quand j'ai vu la défenseure partir pour aller vers le centre. Je me suis dit : "C'est sûr qu'il faut que je mette de la pression." [...] Après, ça s'est passé tellement vite. Quand j'ai vu la puck dans le net, je ne me souvenais de rien. C'était juste: "Wow, c'est fini, on a gagné!"»

La propagation

Le but de Giguère, seule Québécoise au Frozen Four, a rapidement fait le tour de la planète hockey, dimanche soir. En moins de 48 heures, la séquence a été visionnée plus de 200 000 fois sur le site de la NCAA. L'attaquante de Québec a reçu les félicitations d'un peu tout le monde, dont la quadruple championne olympique Caroline Ouellette, qui a vanté «les mains bien meilleures» que les siennes de la jeune joueuse. Son idole Marie-Philip Poulin, avec qui elle a déjà partagé une chambre lors d'un camp de l'équipe canadienne, lui a aussi envoyé un message sur Facebook. «Je ne m'attendais tellement pas à ça, a dit Giguère. Ce sont des gros noms, des personnes que je suis tout le temps. Ce sont mes idoles. Marie-Philip Poulin, c'est la meilleure joueuse au monde. Juste le fait qu'elle m'écrive m'a vraiment touchée. Pour vrai, je ne m'attendais pas que ça ait un si gros impact.»

Mme prolongation

Giguère n'en était pas à ses premiers exploits en prolongation pour Clarkson, petite université de 3000 étudiants sise à Potsdam, dans le nord de l'État de New York. En demi-finale du Frozen Four, contre Ohio State, l'étudiante en business a servi une passe soulevée parfaite à sa partenaire de trio ontarienne Loren Gabel, qui a marqué le seul but du match par un tir sur réception. Sur les réseaux sociaux, elle a remercié son cousin Guillaume Asselin, un ancien des Saguenéens de Chicoutimi qui joue maintenant en Slovaquie, de lui avoir enseigné cet art. Une semaine plus tôt, en quart de finale, Giguère a inscrit un autre superbe but du revers en prolongation pour permettre à Clarkson de vaincre Mercyhurst, 2-1.



Filiation

Le hockey est une affaire de famille chez les Giguère. «Mon père a joué, mes deux jeunes frères jouent, j'ai aussi deux cousines qui jouent», a expliqué Élizabeth, qui a commencé à 6 ans. En conférence de presse, elle a dû réitérer que malgré son prénom Jean-Sébastien, son père n'était pas l'ancien gardien gagnant du trophée Conn-Smythe en 2003. Plus jeune, elle se souvient d'avoir vu Marie-Philip Poulin affronter son cousin dans le midget AAA. Au secondaire, elle est passée par le programme sports-études de l'école Cardinal-Roy, où elle a aussi joué au baseball et au soccer, et le collège Stanstead, en Estrie. L'attaquante de 1,78 m (5 pi 10 po) a ensuite disputé trois saisons avec le Titan du cégep Limoilou, où elle a été capitaine.

Vision

L'entraîneur de l'Université Clarkson, l'Ontarien Matt Desrosiers, a fait des pieds et des mains pour l'attirer dans l'État de New York. «C'est une joueuse spéciale, a-t-il souligné en conférence de presse dimanche. Sa vision est l'un de ses plus grands atouts. Elle réussit des jeux que peu de joueuses peuvent accomplir. C'est une personne décontractée, mais honnête envers elle-même. Elle se pousse et elle sait qu'elle doit continuer à s'améliorer.» Desrosiers est en train d'établir une véritable filière québécoise. La saison prochaine, Marie-Pier Coulombe, gardienne de Limoilou, doit rallier les rangs des Golden Knights, qui perdent leur gardienne titulaire Shea Tiley, choisie joueuse du tournoi au Frozen Four. Trois autres joueuses québécoises se sont aussi entendues avec Clarkson jusqu'en 2021.

Exclusion

Malgré ses succès à sa première saison dans la NCAA, Giguère n'a pas été invitée par Hockey Canada à se joindre à son équipe de développement pour prendre part au tournoi de la Coupe des nations cet hiver. Elle n'avait pas réussi à atteindre un standard exigé par la fédération lors d'un test physique hors glace auquel elle s'était soumise à deux reprises dans les années précédentes. «Les gens sur les réseaux sociaux en ont fait une grosse affaire, mais pour moi, ce ne l'est pas pantoute, a précisé la joueuse. C'était une année olympique et ils voulaient donner la chance à plein de joueuses différentes de participer à ce tournoi-là. Je le savais, ils me l'avaient dit. Ça m'a juste permis de me concentrer sur mon équipe et de m'améliorer dans le niveau NCAA.» Giguère garde cependant un «rêve» en tête: les Jeux de Pékin, en 2022.

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La fiche d'Élizabeth Giguère en 2017-2018

41 matchs: 27 buts, 44 aides *, 71 points, +51

- 2e équipe d'étoiles «All American» dans la NCAA

- Recrue de l'année de la conférence ECAC

(* 2e dans la NCAA)