Chaque fois que joueurs et entraîneurs sont interrogés à propos des commotions cérébrales, on constate à quel point ceux qui sont dans la game voient les choses sous une loupe bien différente de celle du monde extérieur. Alors que les préoccupations de santé sociale, de bien-être à long terme et d'exemple pour les enfants sont des enjeux pour bien des gens, le regard des joueurs actifs est tout autre. Il est bien plus ancré dans l'immédiat.

«C'est fou, commente Nathan Beaulieu en hochant la tête. Ça ne m'a même pas traversé l'esprit qu'il puisse y avoir quoi que ce soit qui n'aille pas mercredi. Or, les médias disent à quel point j'aurais dû être soustrait du match.

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«Tout le monde s'énerve et prend pour acquis qu'à chaque fois qu'un joueur est frappé à la tête, il a nécessairement une commotion cérébrale. Or, cette saison, j'ai été frappé plus solidement sur des mises en échec, et personne ne s'en est offusqué. Ça m'a dérangé davantage que de recevoir un coup de poing au visage...

«Je pense que les gens sont trop sensibles sur ce sujet-là.»

Quand on lui fait remarquer que d'anciens joueurs cherchaient eux aussi à dédramatiser quand ils étaient actifs et que certains d'entre eux participent aujourd'hui à la poursuite engagée contre la Ligue nationale, le défenseur qui aura 23 ans samedi rappelle que les protocoles de commotion cérébrale n'existaient pas autrefois.

«J'ai passé des tests entre deux périodes et ensuite après le match, et je les ai réussis haut la main. Je sais qu'à l'époque, des joueurs mentaient sur leur état parce qu'ils avaient peur de perdre leur place dans la formation. Mais de nos jours, il n'y a pas moyen de contourner ces tests et de mentir.»

Quand les cloches sonnent

Certains joueurs s'amusent du ton parfois bien-pensant des médias lorsqu'on évoque ces enjeux. Comme un père préoccupé pourrait être accueilli par un roulement d'yeux par son ado qui semble lui dire «laisse donc faire, 'pa, je sais ce que je fais».

«C'est pas mal ça, oui», sourit Devante Smith-Pelly.

Les joueurs partagent une même culture, celle du sacrifice. Celle de la conscience des risques que l'on prend en sautant sur la glace. Pour eux, le hockey n'est surtout pas un sport de prudence; il faut être prêt à en faire davantage que l'adversaire si l'on veut gagner. Et surtout, ne jamais reculer.

Les valeurs de courage, de dépassement et d'honneur sont véhiculées tous les jours. Et c'est ce qui a guidé Nathan Beaulieu lorsqu'il s'est porté à la défense de Tomas Fleischmann.

«Ce n'était probablement pas le meilleur moment, compte tenu du fait qu'on jouait à cinq défenseurs, mais j'ai agi dans le feu de l'action et je crois que je l'aurais regretté si je ne l'avais pas fait», admet-il.

«C'est comme ça que je suis et c'est ainsi que j'ai été élevé. On m'a enseigné à un jeune âge à protéger mes coéquipiers autant que moi-même. Je ne sais pas exactement où s'en va le hockey sur la question des bagarres, mais ça ne changerait rien à ma façon de réagir.»

Beaulieu, qui dit ne pas avoir perdu conscience au terme du combat, aurait préféré éviter les tests entre la deuxième et la troisième période. L'équipe les a réclamés par mesure préventive.

«Je me suis juste fait sonner les cloches, dit-il sans broncher. Ces choses-là arrivent et ça va se produire de nouveau. Ça fait partie du jeu.»

Tiens donc. Pendant des années, une expression comme «se faire sonner les cloches» a été banalisée. Les expériences des dernières années ne la rendent plus aussi anodine qu'avant.

Mais il reste encore du chemin à faire.

Photo André Pichette, La Presse

Nathan Beaulieu a reçu une solide droite de Nick Foligno qui lui a fait plier les deux genoux, mardi.