Le 13 avril 1996, lors de leur tout dernier match de la saison régulière, les Devils du New Jersey ont été évincés des séries éliminatoires en s'inclinant bêtement 5-2 devant les Sénateurs d'Ottawa.

Les Devils étaient pourtant champions en titre de la Coupe Stanley. Quant aux misérables Sénateurs, ils remportaient une 18e victoire seulement en 82 matchs.

«C'est ça qui arrive quand ils n'écoutent pas», avait lancé un Jacques Lemaire dépité après la rencontre qui mettait un terme brutal à une saison au cours de laquelle le gourou de la trappe avait été contesté dans son vestiaire et dans les journaux de New York.

Près de 15 ans plus tard, Jacques Lemaire hoche la tête en souriant lorsqu'on lui demande s'il se souvient de ce match. Son sourire s'élargit lorsqu'on lui demande si cette exclusion était vraiment le résultat d'un bras de fer entre l'entraîneur et ses joueurs, s'il reflétait le fait qu'il avait «perdu» son vestiaire. Au fait, qu'est-ce que ça veut dire au juste, «perdre» son vestiaire?

«Ça ne veut rien dire, perdre son vestiaire. C'est le respect des joueurs qu'il ne faut pas perdre. Et ils ne doivent pas perdre le nôtre non plus», a répliqué l'entraîneur-chef qui achève son troisième séjour derrière le banc des Devils.

Contestations normales

Comme Jacques Martin chaque fois que son équipe perd et que le système qu'il impose semble connaître des ratés, comme tous les autres entraineurs-chefs de la LNH qui essuient les foudres de leurs joueurs, des journalistes et des partisans, Lemaire a déjà été contesté.

«Souvent, à part ça. Mais je ne crois pas avoir déjà perdu mon vestiaire, comme vous dites. Coacher, c'est donner des directives et les répéter tous les jours. Des fois, je peux répéter 20 fois la même chose durant un match. Ça vient que ça tombe sur les nerfs des gars. Et je peux dire que je suis tombé sur les nerfs de plusieurs des gars qui ont joué pour moi depuis que je suis dans le hockey. Mais tomber sur les nerfs des gars vient avec le travail», a expliqué Lemaire qui, comme Jacques Martin, impose un système défensif très rigide.

Les joueurs qui le suivent sont récompensés. Ceux qui ne le respectent pas s'exposent à des problèmes. Et avec Lemaire, ils sont sûrs d'en subir...

«Il y a un gars dans mon équipe qui n'en peut plus de m'entendre tellement je suis sur son dos. Je suis arrivé ici le 23 décembre. Depuis le premier jour, je lui dis de jouer d'une façon. Il est capable. Mais des fois, sans raison valable, il oublie. Il n'est pas différent des autres. Ils finissent tous par oublier. Par croire que ce sera facile. Qu'ils sont meilleurs qu'ils ne le sont en réalité. C'est là qu'on doit serrer la vis. L'autre soir, il était clairement à bout. Je lui ai dit que s'il voulait la paix, il n'avait qu'à jouer comme je lui demandais de jouer. Quand les gars sont tannés, ils se plaignent. C'est correct. Ça peut donner l'impression qu'on a «perdu» notre vestiaire ou que notre message ne passe plus, mais dans le fond, c'est seulement une question d'équilibre. Quand on ramène les gars dans les rangs et l'équipe à la victoire, on passe à travers. Quand on n'y arrive pas, on recommence ailleurs et on a du succès», a expliqué Lemaire avec le fatalisme qui le caractérise.

Messages directs, francs et clairs

Contrairement à Jacques Martin, Jacques Lemaire affectionne les interventions directes avec ses joueurs. Et il ne se gêne pas pour les rabrouer publiquement.

«Quand j'ai quelque chose à dire, je rentre dans le vestiaire et je le dis. Je le dis clairement et fermement. Après, c'est Larry (Robinson) ou Adam (Oates) qui s'occupent des suivis. Si je dois intervenir de nouveau, ça brasse pas mal parce que ça veut dire que le gars n'a rien compris. Ou qu'il ne veut pas comprendre», a lancé Lemaire en appuyant ses propos en soulevant un index menaçant.

Samedi, face au Canadien, Jacques Lemaire et ses Devils ont vu s'évanouir leur rêve d'accéder aux séries en dépit d'une première moitié de saison catastrophique.

Après cette défaite, l'entraîneur-chef des Devils était en furie. Exactement comme il l'avait fait il y a 15 ans, Lemaire a fustigé ses joueurs: «Ils sont capables de jouer bien mieux que ça. Mais ce soir, ils n'ont pas écouté!» Comme quoi, les messages se perdent ou sont laissés de côté dans tous les vestiaires de la LNH de temps en temps...