Ça prend environ 30 secondes pour réaliser à quel point Joël Bouchard en mène large dans le joli complexe de l'Armada, à Boisbriand.

Dans les corridors, tout le monde semble le connaître, de près ou de loin. Des joueurs du club, assis à une petite table pour le lunch, se redressent en le voyant arriver («Sur la glace à 14 h!», leur rappelle-t-il en passant). Et puis sur la glace de l'équipe, justement, de jeunes joueurs patinent en portant des chandails frappés du logo de sa célèbre école de hockey.

Alors on regarde tout ça, et la question vient toute seule, telle une évidence qu'on ne saurait ignorer: pourquoi diable Joël Bouchard voudrait-il partir d'ici?

«Ce que les gens disent ou pensent de moi, ça ne m'appartient pas, répond-il d'emblée. Mes joueurs ont un travail à faire, et moi aussi.»

«L'Armada, c'est mon bébé; je suis dirigeant, directeur général, coach. J'aime mes joueurs, et pour moi, ce qui se dit dans les médias, ça ne veut rien dire. Je ne suis pas un gars qui envie les autres et qui regarde ailleurs.»

Non, Joël Bouchard n'est pas dupe, et il sait très bien de quoi on parle. Même pas besoin de dire le mot «Canadien» en tant que tel. Il le sait. Il sait que l'équipe montréalaise est en pleine métamorphose, il sait aussi qu'il y a des sondages, un peu partout, où son nom apparaît avantageusement vers le haut, tout comme celui de Dominique Ducharme.

Ça ne semble guère l'importuner. Ni le flatter.

«Dom, c'est un chum. Je sais qu'il a dit qu'il est prêt [à faire le saut chez les professionnels], mais on a des situations différentes, on a des attaches différentes. Avec Dom, lui et moi, on n'a même pas besoin de se parler. Pas de niaisage, on parle le même langage.»

On lui demande ensuite s'il se voit sortir de Boisbriand un de ces jours, quitter l'Armada malgré tous ces chapeaux qu'il aime porter.

«Il n'y a personne d'indispensable, d'irremplaçable... S'il m'arrive quelque chose demain matin, l'Armada va continuer quand même. Je fais confiance à la vie.»

Ne pas regarder trop loin

Il ne reste plus que quatre équipes dans le tableau des éliminatoires du hockey junior québécois. Ce groupe sélect comprend bien sûr l'Armada, qui amorce ce soir à Boisbriand sa série face aux Islanders de Charlottetown.

Ce n'est plus si loin de la Coupe du Président, mais Joël Bouchard ne pense pas trop à ça.

«Je vais être bien franc : on est tous privilégiés d'être ici. Les récents événements [la tragédie des Broncos de Humboldt en Saskatchewan] nous font réaliser que tout le monde qui travaille dans le hockey, toi y compris, on est tous très chanceux. Je le dis souvent à mes joueurs: la vie est un septième match tous les jours. Je ne veux pas aller trop loin avec ça, mais c'est vrai pareil.»

Au cours de notre entretien, le grand manitou de l'Armada insistera souvent sur le concept de famille, concept qu'il s'est affairé à implanter dès l'instant où il s'est installé dans cette chaise, depuis la saison 2011-2012. Sa vision du hockey, elle va bien au-delà des victoires et des défaites.

«C'est sûr que je veux gagner! Depuis le mois d'août, les joueurs ont fait des sacrifices pour en arriver là. Mais ma priorité, c'est les jeunes. Parce que les parents nous confient leurs enfants. On a une responsabilité envers les parents, envers les jeunes.»

«C'est ma job de les coacher, mais il y a aussi leur sécurité, l'environnement qu'on va créer pour eux, sur la route, dans les hôtels. La nourriture qu'on va leur donner, les ressources, les traitements médicaux.

«On est au hockey junior, ce n'est pas la Ligue nationale, mais on a une responsabilité envers les parents qui nous confient ces enfants-là. Ils vont grandir et ils vont devenir des hommes. À la fin, les gars nous quittent avec de la barbe, je ne les reconnais pas...»

Ce qui nous ramène aux rumeurs. Après toutes ces années dans le hockey junior, cet ancien défenseur est-il lui aussi prêt à faire le saut, comme son pote Ducharme? Joël Bouchard admet avoir déjà eu des offres par le passé. Il a toujours dit non.

Dans la foulée, il avoue avoir bien des amis un peu partout dans la Ligue nationale. Il a des amis dans les corridors du Centre Bell aussi...

«C'est sûr, j'ai des amis un peu partout; Marc [Bergevin], j'ai joué avec lui à Pittsburgh. Mais je l'ai dit: je ne pense pas à ça. Ce n'est pas parce que je suis un gars sans ambition. Mais j'ai pas d'attentes. Si tu fais ton travail, les choses finissent toujours par arriver...»