Comment les Lions de Detroit sont-ils passés de risée à potentiels finalistes du Super Bowl en l’espace d’une saison ? La question est aussi simple que sa réponse : en suivant le fameux processus.

Devenu célèbre de la bouche d’athlètes ayant été défaits ou dont les contre-performances se sont accumulées, le proverbial processus, que les sportifs se doivent de suivre continuellement pour garder le cap, est devenu un élément passe-partout. Qu’on utilise à toutes les sauces pour habituellement agrémenter une recette sans saveur.

Dans les faits, le processus peut parfois être cruel, comme il peut être salvateur. Les Lions ont enregistré une fiche de 3-13-1 lors de la première année de leur reconstruction, en 2021. Ils ont suivi leur plan, envers et contre tous. Ils ont placé leurs pions, fait des choix judicieux et priorisé l’avenir par rapport au présent.

Deux ans plus tard, ils sont à une victoire d’atteindre le match auquel toutes les équipes rêvent de participer.

L’art de bien choisir

Il ne sera pas question du quart-arrière Jared Goff dans cette analyse. Car même s’il est le catalyseur offensif de cette formation aux mille aspirations, il est l’exception à la règle. Il est le seul joueur d’impact dans l’alignement ayant été amené par voie de transaction.

D’ailleurs, les compensations au repêchage ayant été impliquées dans la venue de Goff à Detroit en retour de Matthew Stafford sont devenues Jameson Williams, Jahmyr Gibbs, Sam LaPorta, Josh Paschal, Brodric Martin et Ifeatu Melifonwu. Un coup de maître du directeur général Brad Holmes, arrivé en poste le 14 janvier 2021. Holmes avait été derrière le choix de Goff chez les Rams à l’époque où il était responsable du recrutement. La transaction a eu lieu le 18 mars 2021.

Toutefois, le 20 janvier de cette même année, six jours après son embauche, Holmes a fait sa meilleure acquisition : l’entraîneur-chef Dan Campbell.

PHOTO RICK OSENTOSKI, ASSOCIATED PRESS

L’entraîneur-chef des Lions de Detroit, Dan Campbell

Campbell, ailier rapproché ayant évolué 10 saisons dans la NFL, a insufflé à cette équipe fierté, courage et passion. À un moment où, en 2021, la lumière au bout du tunnel semblait de plus en plus tamisée pour cette organisation moribonde.

On n’a qu’à examiner ses discours d’après-match ou son entrain sur le terrain pour constater à quel point il impose le respect. Mais ce dur à cuire de 6 pi 5 po et 265 lb a aussi montré vulnérabilité, émotion et fragilité. Trois choses qui étaient proscrites et jugées à une époque pas si lointaine. Dorénavant, ces trois facteurs font en sorte que toute la planète football retient son souffle en espérant voir les petits lions rugir contre les 49ers de San Francisco.

S’ils y sont presque, c’est surtout grâce au travail de Holmes, qui insiste pour mettre tout le monde en valeur.

L’art de repêcher

Depuis son entrée en poste, le directeur général n’a pas chômé. Il a surtout montré à quel point il avait du flair.

À son arrivée, le quart-arrière était Matthew Stafford, son meilleur porteur de ballon était Adrian Peterson, son meilleur receveur était Marvin Jones, son meilleur ailier rapproché était T.J. Hockenson et son meilleur joueur défensif était l’ailier défensif Romeo Okawara.

Traduction : une formation sans avenir et sans cohésion.

PHOTO DUANE BURLESON, ASSOCIATED PRESS

En poste depuis le 14 janvier 2021, Brad Holmes (à droite) a multiplié les changements pour faire des Lions une équipe compétitive et inspirée.

À son premier repêchage comme tête dirigeante des Lions, Holmes a choisi dans l’ordre Penei Sewell, Levi Onwuzurike, Alim McNeill, Ifeatu Melifonwu, Amon-Ra St. Brown, Derrick Barnes et Jermar Jefferson. Les six premiers étaient toujours avec l’équipe lors du match de la semaine dernière face aux Buccaneers.

Après avoir comblé des brèches en attaque, Holmes a solidifié sa défense au repêchage de 2022. Aidan Hutchinson, Josh Paschal et Kerby Joseph, entre autres, sont montés sur la scène avec le commissaire Roger Goodell avec une casquette bleu poudre sur la tête. Les trois sont devenus des intouchables dans la formation.

Puis, après avoir sorti la tête de l’eau, les Lions ont tout cassé au plus récent repêchage en sélectionnant Jahmyr Gibbs, Jack Campbell, Sam LaPorta, Brian Branch et Colby Sorsdal.

Trois ans après son entrée dans les bureaux de l’organisation, Holmes a bâti une équipe compétitive et inspirée. Hutchinson, le petit gars de la place, qui a joué pour l’Université du Michigan et qui a grandi avec des affiches des joueurs des Lions dans sa chambre. Amon Ra St. Brown, choisi au 112e rang, capable de nommer tous les receveurs repêchés avant lui. Sam LaPorta, que peu d’observateurs voyaient dans les trois premières rondes.

Comme la ville de Detroit, l’identité de cette équipe s’appuie d’abord sur elle-même pour surmonter les obstacles et, à force de travail et d’acharnement, elle finit par se relever.

L’art de gagner

Après des années de vaches maigres, les Lions ont finalement offert à leurs partisans une raison de célébrer en terminant au sommet de leur division pour la première fois depuis 1993. Et une première en plus de 30 ans, ils ont remporté un match éliminatoire à domicile.

Ces Lions dociles sont devenus furieusement dangereux. Et ils le seront encore longtemps.

Le génie de Brad Holmes est aussi dans l’attribution de ses contrats. Le seul joueur d’impact qui deviendra joueur autonome à la fin de la saison est le receveur Josh Reynolds. Sinon, parmi les 20 joueurs les mieux payés de l’équipe, donc les plus importants, 5 sont sous contrat jusqu’en 2025, 6 jusqu’en 2026, 7 jusqu’en 2027 et 2 jusqu’en 2028.

Attendez que Gibbs, LaPorta et compagnie prennent encore plus de galon. Detroit pourrait être la nouvelle référence dans l’Association nationale.

Néanmoins, le passé nous a prouvé qu’une bonne saison ne fait pas une dynastie.

Il reste à savoir si les Lions rejoindront les Bills de Buffalo, les Cowboys de Dallas et les Vikings du Minnesota dans le camp des meilleures équipes aux réputations peu enviables. Ne pensant qu’au présent et en étant incapable de colmater les brèches, prises dans un destin redondant de déception.

Ou s’ils se rangeront dans le camp des 49ers de San Francisco, des Eagles de Philadelphie et des Bengals de Cincinnati, des équipes pour lesquelles reconstruire du tout au tout en faisant fi de l’appât du gain aura été le meilleur plan pour arriver le plus près possible de la vérité.