Un directeur général avec une fiche de 4 victoires et 19 défaites depuis qu'il est en poste doit tenter le coup d'éclat à un moment donné. Il l'a fait dimanche en allant chercher le quart-arrière Johnny Manziel.

Manziel rejoint donc l'entraîneur-chef des Alouettes, Mike Sherman, qui l'avait recruté en 2012 dans la NCAA avec les Aggies de l'Université Texas A&M.

La transaction a surpris par sa magnitude, mais on ne s'attend pas à moins quand Johnny Football est impliqué. En plus de Manziel, les Alouettes reçoivent deux joueurs de ligne offensive, Tony Washington et Landon Rice. En revanche, les Alouettes donnent beaucoup : le joueur de ligne défensive Jamaal Westerman, le receveur Chris Williams et les choix de premier tour en 2020 et en 2022.

Ces choix de premier tour ont une très une grande valeur à une époque où le talent canadien est difficile à trouver et à développer.

Cela dit, l'arrivée de Washington et de Rice est une bonne nouvelle pour la ligne offensive des Alouettes, puisque les besoins étaient criants à cette position. Manziel ne gagnera pas s'il est constamment sous pression, malgré sa grande mobilité et son bras canon. Les Alouettes sont les pires de la LCF cette saison, et de loin, avec 17 sacs accordés.

Tout de même, Reed joue gros. Manziel n'a jamais caché son intention de retourner dans la NFL dès que possible. Le coût d'acquisition, dans ces circonstances, peut paraître élevé, surtout que les Alouettes cèdent d'excellents athlètes. Westerman comptait 19 plaqués et 3 sacs du quart cette saison. De son côté, Williams a fait ses preuves par le passé, avec quatre campagnes de plus de 1000 verges, dont deux à Hamilton. Il était le meneur cette saison chez les Alouettes pour les verges obtenues par les airs.

Mais il semble que c'était le prix à payer pour un quart comme Manziel.

Selon Drew Edwards, un journaliste de Hamilton, les Alouettes pourchassaient Manziel depuis presque 18 mois. Les négociations sont passées à la vitesse supérieure il y a trois ou quatre jours. Reed s'est rendu en personne à Toronto dimanche pour conclure la transaction avec son homologue Eric Tillman et le président et chef des opérations des Tiger-Cats, Scott Mitchell.

«Nous venons d'acquérir un quart d'exception possédant un talent indéniable, a dit Kavis Reed, directeur général des Alouettes, dans un communiqué. Nous avons confiance que ses qualités athlétiques, sa grande mobilité et son instinct auront un impact positif sur les performances de notre attaque.

«Landon Rice et Tony Washington viennent quant à eux considérablement solidifier notre ligne à l'attaque».

Les Alouettes n'ont pas répondu à une demande de La Presse de recueillir une réaction de joueurs de l'équipe. Manziel sera présenté aux médias lundi vers 17h30, après l'entraînement de l'équipe.

Le risque

À Hamilton, Manziel était coincé derrière Jeremiah Masoli. À Montréal, il se retrouve en situation idéale pour se refaire un nom. Il vient de sauter par-dessus les Drew Willy, Jeff Mathews et Matt Shiltz, qui n'ont rien cassé. À preuve, les Alouettes sont bons derniers pour les points marqués cette saison.

En tout cas, les Alouettes ont eux-mêmes créé des attentes en tweetant «ne ratez pas le tout premier match [de Manziel] le jeudi 26 juillet au stade de McGill».

Le pari reste audacieux. Manziel n'a pas encore disputé un match dans la LCF. En plus, sa carrière dans la NFL a surtout été marquée par ses frasques hors des terrains, et un symbole d'argent fait avec les doigts qui s'est trop souvent retourné contre lui. Il a montré une fiche de 2-6 comme partant avec les Browns de Cleveland, et sa réputation était pas mal plus solide dans les soirées arrosées.

Mais laissons la chance au coureur. Manziel s'est repris en main, selon toute vraisemblance, et il a fait le choix de la sobriété pour relancer sa carrière. Il a également connu un stage universitaire enviable, avec à la clé le trophée Heisman remis au meilleur joueur de football universitaire américain en 2012, et une sélection au premier tour du repêchage de la NFL en 2014. Il sait jouer au football et il a la confiance en soi nécessaire pour mener une équipe vers la victoire.

En deux rencontres préparatoires avec les Tiger-Cats cette année, il a bien paru. Il a complété 21 de ses 31 passes (67,7%), dont une passe de touché.

Pour les autres nouveaux venus, Washington en est à sa neuvième année dans la LCF. Il a porté les couleurs des Stampeders de Calgary, des Argonauts de Toronto et des Eskimos d'Eskimos avant de se joindre aux Tiger-Cats. L'Américain de 32 ans a soulevé la coupe Grey en 2012 (Toronto) et en 2015 (Edmonton). Rice, lui, porte l'uniforme des Tiger-Cats depuis 2014. Le Canadien a joué avec les Bisons de l'Université du Manitoba de 2007 à 2012 et a remporté la Coupe Vanier à sa première année.

Les Alouettes n'ont pas toujours eu la main heureuse en allant chercher de gros noms de la NFL. On peut penser à Dominic Rhodes, Michael Sam ou Chad Ochocinco, qui n'auront pas marqué les esprits à Montréal. Mais un nouveau chapitre s'amorce aujourd'hui avec Manziel, et Reed doit espérer qu'il sera beaucoup plus convaincant.

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Johnny Manziel lors du repêchage de la NFL en 2014.