Matthieu Proulx était présent lundi dans cette petite salle du Stade olympique. Il y avait les caméras, les journalistes, les chefs de fédérations sportives, les attachés politiques, et il y avait François Blais. Le ministre de l'Éducation, du Loisir et du Sport présentait le tout nouveau plan d'action québécois en matière de commotions cérébrales.

Proulx, ancien joueur des Alouettes diplômé en droit, se sentait concerné. Il a été l'un des cinq membres du groupe de travail sur les commotions cérébrales présidé par le neuropsychologue Dave Ellemberg.

Pendant des mois, il a réfléchi aux enjeux liés au sport et aux commotions cérébrales. À la fin, le groupe a remis au ministre Blais un rapport d'une quarantaine de recommandations. «Parmi toutes celles-là, l'une d'elles me tenait particulièrement à coeur», explique Matthieu Proulx en entrevue.

Alors lundi, il était bien sûr ravi de voir Québec se doter d'un premier plan pour lutter contre les commotions. D'autant qu'il sait de quoi il parle: il croit en avoir subi cinq au cours de sa carrière.

Or, cette recommandation, celle qui lui tenait vraiment à coeur, n'a pas été retenue par Québec dans son plan. Cette mesure était simple et tout à fait raisonnable, juge Proulx. Elle consistait à interdire les plaquages au football avant l'âge de 14 ans, mesure déjà appliquée dans plusieurs écoles de la région de Sherbrooke

Le ministre Blais a choisi de ne pas l'inscrire dans le plan d'action, une décision que déplore Proulx, mais que salue Football Québec.

«Il y a eu énormément de discussions à ce sujet parce qu'on savait que les gens voulaient notre opinion sur l'âge approprié des contacts, explique Proulx, qui est maintenant analyste football à RDS. On a rencontré plusieurs groupes, des organisations sportives et médicales, et on leur a posé la question. La recommandation qu'on a faite nous semblait tout à fait raisonnable.»

Le football est aux prises avec un problème d'image depuis que les effets à long terme des commotions cérébrales sont mieux compris. Les inscriptions à Football Québec auraient chuté de 15% en 2014 seulement.

Dans ce contexte, Matthieu Proulx et le groupe de travail ont estimé que le sport gagnerait à retarder l'âge des premiers contacts - tout comme le hockey d'ailleurs. Selon eux, cette simple mesure pourrait éviter des commotions chez les jeunes et rassurer les parents sans dénaturer le sport.

«Ce qu'on comprend grâce à la science, c'est que le cerveau est plus fragile jusqu'à l'âge de 25 ans, explique Proulx. Parce qu'il se développe encore. Techniquement, donc, on devrait éviter le contact avant 26 ans. Mais en pratique, ça ne marche pas, évidemment. On ne veut pas éliminer le sport. Le but reste de favoriser l'activité physique, dans un cadre le plus sécuritaire possible.»

Des contacts dès 8 ans

Au Québec en ce moment, les contacts au football commencent à 8 ans. Le rapport Ellemberg proposait d'attendre l'âge de 14 ans et de permettre aux jeunes de jouer au football sans contact avant. Cet âge représente pour Proulx un compromis équitable entre le sport et la sécurité.

«Avant 14 ans, on peut développer plein d'autres choses à part le contact. Il y a les aspects stratégiques, techniques, tactiques, les aspects fondamentaux du sport», croit celui qui a joué six saisons avec les Alouettes et remporté deux fois la Coupe Grey.

«Moi, j'ai commencé le football à 18 ans. Oui, j'ai commencé tard, tout comme Bruno Heppell ou Luc Brodeur-Jourdain. Mais dans un sport comme le football, des qualités athlétiques assez primaires sont sollicitées: courir vite, être coordonné, être capable d'attraper un ballon, de se positionner... Ce sont tous des aspects qu'on peut apprendre dans d'autres sports avant de commencer le football.»

Matthieu Proulx aurait donc aimé que le plan d'action du gouvernement aille plus loin sur ce point, tout comme l'aurait souhaité l'Association des neurologues du Québec.

Décision bien accueillie par Football Québec

À Football Québec, en revanche, la décision de Québec est bien accueillie. La fédération veut pouvoir mener ses propres consultations auprès de ses membres avant de prendre une décision. Ce qui est certain, c'est que des changements s'en viennent.

«On est en train de regarder comment on peut cheminer dans le modèle du développement de l'athlète pour qu'il y ait gradation vers le contact sans dénaturer le sport», fait valoir le directeur général de Football Québec, Jean-Charles Meffe.

M. Meffe dit suivre de près le projet-pilote de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke, qui a choisi d'éliminer les plaquages avant 14 ans, comme le souhaite Proulx. Mais ce projet «a beaucoup de bon et aussi un peu de moins bon», croit M. Meffe, qui admet que son sport a un certain problème d'image.

«Il y a quelques années, le discours sur notre discipline, c'était: "C'est incroyable comme le football peut aider les jeunes à se développer", dit-il. Et là tout à coup, on ne parle que du négatif.»

Matthieu Proulx pense quant à lui que le temps est venu d'agir. Il se rappelle une commotion non diagnostiquée qu'il pense avoir subie à l'époque où il était chez les Alouettes. «Je me souviens, j'étais sur la ligne de côté, j'avais mal à la tête, je voyais mal et on m'a renvoyé sur le jeu», raconte-t-il.

Proulx aime à croire que ce type d'évènements se produit de moins en moins «parce que les choses ont changé». L'ancien joueur croit simplement qu'il n'y a pas de mal à ce qu'elles changent un peu plus vite.