La journée avant que les Chiefs de Kansas City fassent de Laurent Duvernay-Tardif leur plus récent membre, le Québécois tenait dans ses énormes mains le premier de deux jumeaux nés prématurément.

Ça met le stress d'être repêché dans la NFL en perspective.

Deux ans plus tard, l'étudiant en médecine à l'Université McGill est garde partant au sein de la ligne offensive des Chiefs. Sa tâche n'est plus d'aider à la naissance par césarienne d'enfants prématurés, mais de protéger le quart Alex Smith.

« Il est un gars intelligent, a déclaré l'entraîneur-chef des Chiefs, Andy Reid, lui-même un ancien joueur de ligne offensive. Je répète souvent aux entraîneurs qu'il va peut-être nous opérer un jour; nous devons donc rester dans ses bonnes grâces! »

Sélectionné en sixième ronde du repêchage en 2014, Duvernay-Tardif n'est pas le premier étudiant en médecine à faire sa place dans la NFL, ni le premier à être passé par McGill. Jean-Phillipe Darche a passé près d'une décennie comme spécialiste des longues remises dans la NFL, principalement avec les Seahawks de Seattle, avant de mettre fin à sa carrière avec les Chiefs.

La différence avec Duvernay-Tardif est qu'il n'a pas décidé de mettre ses études en veilleuse pendant sa carrière au football. Il a passé la saison morte en résidence et il prévoit faire la même chose le printemps prochain. La semaine dernière pendant que les Chiefs profitaient d'une semaine de congé, Duvernay-Tardif passait un autre examen pour lequel il étudiait depuis des semaines.

Et ce n'est pas que de la simple biologie. C'est le genre de choses qui donnent l'impression qu'un livre de jeux de la NFL est aussi simple qu'un livre pour enfants.

« Quand tu as deux passions, tu ne comptes pas les heures, tu travailles aussi fort que possible, a déclaré Duvernay-Tardif. J'adore être étudiant en médecine. J'adore être ici et jouer au football. Et la belle chose maintenant, c'est que quand je suis ici, je peux me concentrer à 100 % sur le football.

« Quand j'étais au niveau universitaire, il fallait faire les deux en même temps », a-t-il rappelé.

Les études limitaient souvent Duvernay-Tardif à un entraînement par semaine quand il était à McGill et il devait apprendre le plan de match à la dernière minute.

Un vieil ami du secondaire, Sasha Ghavami, a amassé des séquences de Duvernay-Tardif démolissant ses adversaires et a envoyé la vidéo aux équipes de la NFL. Une dizaine de recruteurs se sont rendus à Montréal pour le voir s'entraîner.

Son jeu de pieds avait besoin de peaufinage. Il devait ajouter un peu de masse musculaire. Mais on s'est rapidement rendu compte que Duvernay-Tardif était un véritable athlète et quelqu'un de très brillant.

« Après cinq minutes, je voyais son potentiel, a raconté Matthieu Quiviger, qui était entraîneur adjoint à McGill à l'époque. Il était celui qui posait le plus de questions. Il voulait toujours tout savoir. Tu ne peux pas te contenter dire quoi faire à une personne intelligente. Tu dois lui expliquer pourquoi. Il faut être rapide sur ses pieds pour pouvoir expliquer ce que tu veux le voir faire. »

Sans surprise, Duvernay-Tardif a un intérêt particulier pour la science du sport. Il est fasciné par la manière dont le corps travaille. C'est une des raisons pour laquelle il s'est d'abord intéressé à la médecine.

Quand le sujet des commotions cérébrales est mentionné, il voit les choses d'une manière très analytique.

Oui, il a lu sur le sujet - pas ce qu'on lit dans les médias sur l'encéphalopathie traumatique chronique, mais plutôt ce qu'on retrouve dans des documents de recherches ou dans des publications spécialisées. Il est conscient des risques de jouer dans la NFL et il soutient qu'il saura quand sera venu le temps d'accrocher ses crampons.

« Je crois que tout le monde y pense, a dit Duvernay-Tardif. C'est une question d'être conscient des risques. De connaître les conséquences potentielles. Et de se poser la question: ''Est-ce que ça en vaut la peine''. Je crois être dans une position où ça en vaut la peine. »

Il se retrouve aussi dans une position unique où il peut aider ses coéquipiers à comprendre le sujet.

« Quand on parle du métabolisme et du glucose dans le cerveau, c'est quelque chose que je comprends, a-t-il noté. Je peux partager mes connaissances avec les gars qui veulent en savoir plus. »

Il y a une différence entre comprendre ce qu'on lit dans les livres de médecine et dans les livres de jeux au football. Mais dans le cas de celui que ses coéquipiers surnomment Larry, il y a aussi une corrélation.

« Il comprend toutes les règles, a mentionné le centre des Chiefs Mitch Morse. Son intelligence l'aide aussi au football. Il peut comprendre ce qui se passe dans le temps de le dire. »

Et quand vous combinez cette intelligence à son gabarit impressionnant (six pieds cinq pouces, 320 livres) et sa vitesse, vous obtenez un athlète rare dans la NFL.

Comme c'est le cas avec ses études, Duvernay-Tardif continue d'apprendre les détails du football professionnel. Il a toujours de la difficulté à maîtriser les systèmes de protection les plus complexes au football et il doit trouver le moyen de résister à des blitz de plus en plus compliqués.

Mais quand on pense qu'il devait tenir délicatement des bébés prématurés avec ses énormes mains il y a deux ans, le fait qu'il peut aussi lutter avec des plaqueurs de 300 livres est extraordinaire.

« Je pourrais vous dire qu'il apprend toujours, a déclaré Reid, mais il s'améliore chaque semaine. Parfois, il va faire un pas en arrière avant d'en faire un plus grand vers l'avant. Je pense que c'est comme ça qu'il s'est rendu jusqu'ici. »