L'un des principaux objectifs de Roger Goodell lorsqu'il a succédé à Paul Tagliabue comme commissaire de la NFL, en août 2006, était de s'attaquer au problème de criminalité qui rongeait le circuit. À l'aide d'une plus grande sensibilisation et de mesures plus sévères, Goodell croyait que les choses s'amélioreraient.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce n'est pas tout à fait ce qui s'est produit. Non seulement le nombre d'arrestations et d'histoires désolantes n'a-t-il pas diminué, mais les cas de violence semblent plus nombreux que jamais. On n'a qu'à penser aux histoires impliquant Aaron Hernandez, Ray Rice et Greg Hardy pour s'en convaincre.

Goodell ne paraissait déjà pas très bien dans le dossier de violence conjugale impliquant Rice avant que l'Associated Press rapporte que la NFL aurait reçu, dès le mois d'avril, une copie de la vidéo qu'a diffusée le site TMZ, lundi. Or, la ligue avait soutenu en début de semaine que personne dans ses bureaux n'avait vu ladite vidéo avant lundi.

Devant le tollé qu'a provoqué la façon de procéder de la NFL dans ce dossier, la ligue a demandé une enquête indépendante, qui sera menée par Robert Mueller, un ancien dirigeant du FBI. L'enquête sera supervisée par John Mara et Art Rooney, qui sont les propriétaires des Giants de New York et des Steelers de Pittsburgh.

Lorsqu'on sait que M. Mara et M. Rooney sont perçus comme des alliés de Goodell, il est permis de se questionner sur la valeur réelle de cette enquête. D'autant plus qu'ESPN rapporte que Mueller fait partie du cabinet d'avocats WilmerHale, qui aurait défendu les intérêts de plusieurs équipes de la NFL par le passé.

Son poste en danger?

Plusieurs personnes ont réclamé la démission ou le congédiement de Goodell au cours des derniers jours. C'est notamment le cas de Terry O'Neill, qui est la présidente de la National Organization for Women (NOW).

Plusieurs chroniqueurs sportifs ont abondé dans le même sens, dont le très réputé Keith Olbermann, qui estimait que Goodell aurait dû être congédié au moment où il a suspendu Rice pour seulement deux matchs, avant même que TMZ diffuse la vidéo dans laquelle on voit l'ancien joueur des Ravens frapper brutalement sa conjointe, Janay Palmer, au visage dans l'ascenseur d'un casino d'Atlantic City.

Seize sénatrices américaines ont par ailleurs signé une lettre à l'intention de Goodell dans laquelle elles exigent que la NFL adopte une politique de tolérance zéro en ce qui a trait à la violence conjugale. Actuellement, un joueur ou un employé de la NFL qui est reconnu coupable de violence conjugale est automatiquement suspendu pour six matchs. Dans le cas d'une récidive, l'employé ferait face à une suspension à vie et ne pourrait pas faire une demande de réintégration avant au moins un an.

Malgré la pression qui s'accentue sur lui, Goodell a dit qu'il ne croyait pas que son poste était menacé lors d'une entrevue à l'émission CBS Evening News, plus tôt cette semaine.

«Je suis habitué à la critique. On a écouté. On a appris et on a essayé d'ajuster nos politiques lorsque c'était nécessaire, et c'est ce qu'on a fait dans ce cas», s'est défendu le commissaire.

Goodell a insisté afin d'être en quelque sorte le justicier de la NFL. Il a souvent été critiqué par des joueurs qui jugeaient que le commissaire manquait trop souvent de cohérence et de transparence lorsqu'il administrait des amendes et des suspensions pour des gestes illégaux sur le terrain. C'est évidemment beaucoup plus inquiétant lorsque cette tendance touche à des cas de violence à l'extérieur du cadre sportif.

Plusieurs controverses

En un peu plus de huit ans à la barre de la ligue sportive la plus puissante du globe, Goodell a eu à gérer plusieurs dossiers chauds et ne l'a pas toujours fait adroitement. Les controverses ont été nombreuses, dont le Spygate, le Bountygate, le dossier des commotions cérébrales, le conflit de travail avec les arbitres et, surtout, le triste épisode impliquant Rice.

Mais au bout du compte, ce sont les 32 propriétaires de la NFL qui acceptent de verser des dizaines de millions en salaire à Goodell. Et puisque la santé économique du circuit n'a jamais été aussi bonne grâce à plusieurs bons coups de Goodell (nouvelle convention collective nettement à l'avantage de la partie patronale; nouveaux contrats de télévision; nouveaux stades; internationalisation du produit, etc.), il serait assez étonnant que les proprios lui tournent le dos.

En revanche, on peut déjà présumer que la ligue posera des gestes concrets afin d'améliorer son image au cours des prochains mois. Manifestement, Goodell n'est pas à la hauteur en tant que préfet de discipline.

En ce sens, la création d'un comité qui serait entièrement dévoué à toutes les questions disciplinaires touchant la ligue serait probablement la meilleure des solutions. Un comité proactif, qui s'assurerait que la NFL redouble d'ardeur sur le plan de la sensibilisation auprès de ses joueurs et qui ne ferait pas que réagir aux coups. Goodell pourrait ainsi se concentrer sur ce qu'il fait de mieux: générer des profits.