Seule équipe à avoir participé à tous les championnats du monde de F1, Ferrari a connu de grands directeurs au cours de son histoire. Enzo Ferrari lui-même, bien sûr, mais aussi Luca Di Montezemolo, l'un des hommes les plus puissants d'Italie aujourd'hui, et Jean Todt, devenu président de la FIA.

Le jeune Italien qui lui a succédé, Stefano Domenicali, était déjà directeur sportif pendant la période faste du début des années 2000. Il s'exprime avec l'habileté d'un politicien - un véritable art dans son pays - et en a besoin.

Ça ne va pas très bien chez Ferrari. Alonso réussit des miracles - il a même failli enlever le titre mondial l'an dernier -, mais la voiture reste un cran derrière les meilleures. Et l'équipe multiplie les bévues, comme cette histoire d'aileron illégal présenté sans vérifications préalables à Barcelone, qui a gâché des heures de travail et a accéléré la chute du directeur technique Aldo Costa.

La Scuderia en est déjà à deux réorganisations majeures cette saison. La première, l'hiver dernier, avait suivi le désastre d'Abu Dhabi, quand Alonso avait perdu le titre en adoptant une mauvaise stratégie de course dictée par l'ingénieur de course Chris Dyer. Ce dernier - ainsi que quelques autres - avait alors écopé, mais Domenicali avait sauvé sa tête.

Cette fois, Costa a été muté «ailleurs dans l'entreprise...» et on a restructuré la direction technique de l'équipe. «C'est une décision difficile parce qu'Aldo (Costa) a grandi avec moi chez Ferrari et que nous sommes très proches», a prétendu Domenicali la semaine dernière à Monaco.

«Les changements n'ont toutefois pas été provoqués par ce qui est arrivé en Espagne, mais par un long processus de réflexion qui a abouti à ce moment-là. Une telle décision est importante pour l'avenir de l'équipe; on ne peut la prendre en fonction de la dernière course... ou de la prochaine.»

Le meilleur... et le pire

Après avoir remplacé Jean Todt en 2008, Domenicali a mené la Scuderia à un titre des constructeurs, puis à l'une des pires saisons de l'histoire de l'équipe en 2009. On croyait que l'arrivée de Fernando Alonso permettrait de corriger la situation, mais il n'a pu que trop rarement piloter une voiture parfaite.

On a un peu oublié que le tandem Todt-Schumacher, vainqueur de cinq titres mondiaux consécutifs entre 2000 et 2004, cachait un autre duo, technique celui-là et formé par le directeur Ross Brawn et le concepteur Rory Byrne.

Le premier est parti chez Honda avant de remporter les deux titres en 2009 avec sa propre équipe. Il est aujourd'hui le patron technique de Mercedes, à qui il a cédé l'équipe Brawn. Byrne, lui, était parti à la retraite (il a 67 ans), mais il a été vu régulièrement à Maranello depuis quelques mois et pourrait collaborer à la conception de la prochaine voiture.

Plusieurs ont d'ailleurs reproché aux dernières monoplaces de Ferrari un retard systématique au niveau de l'innovation. Domenicali a répliqué: «J'avais insisté au début de la saison dernière sur l'importance d'innover sur nos voitures, tout en obtenant de bonnes performances. Si votre voiture est très originale, mais qu'elle n'est pas productive, alors ce n'est pas très bon...

«Cela dit, nous voulons innover au même rythme que les autres équipes. Nous avons en Italie d'excellents ingénieurs, en aérodynamique notamment, et c'est évident que nous tenterons de renforcer tous nos départements techniques en embauchant les meilleurs ingénieurs disponibles. J'espère toutefois que nous n'aurons plus à remplacer les directeurs...»

Le prochain à sauter, s'il y en a un, ne serait-il pas Domenicali lui-même? «Honnêtement, cela ne m'inquiète pas. Ce n'est pas à moi de répondre à cette question, quelqu'un plus haut que moi (le président de Ferrari, Luca Di Montezemolo, NDLR) peut y répondre. Mais je connais les règles du jeu.

«Je suis une personne indépendante et j'ai d'autres intérêts dans la vie. Mais toute ma carrière s'est passée ici. Je suis chez Ferrari depuis plus de 20 ans, alors vous pouvez imaginer ce que cela représente pour moi...»