Il vient de perdre la tête du classement du championnat, mais Kimi Raikkonen ne s'en inquiète pas pour autant. Car il reste d'humeur égale, même quand il remporte un championnat ou qu'il est cuisiné au sujet d'une retraite prématurée.

Il y a les pilotes de Formule 1, tous plus étonnants, mythomanes, fantasques ou égoïstes les uns que les autres. Et il y a Kimi Raikkonen, celui qui ne se plaint jamais, celui qui manipule son volant comme un artiste, mais celui dont on ne sait presque rien. «Quand je l'ai vu tourner pour la première fois en essais privés, j'ai tout de suite su que ce garçon serait un jour champion du monde», disait de lui Michael Schumacher en 2001, avant même que Kimi Raikkonen ne dispute son tout premier Grand Prix. C'était un signe. Très rapide et metteur au point hors pair, le Finlandais se pose comme le pilote parfait.

Il ne lui manque que la parole, tant il est impossible de lui arracher le moindre commentaire dépassant une limite imaginaire que le Finlandais a manifestement fixée à 10 secondes. Qu'il gagne ou qu'il perde, qu'il abandonne tout près de la victoire ou qu'il remporte le titre mondial, Kimi Raikkonen conserve toujours le même visage froid, lisse et imperturbable, à peine traversé d'un sourire ou d'une moue de désapprobation. Pénétrer son personnage s'avère impossible, même pour ses proches. «Kimi ne dit jamais rien, c'est vrai», a confié son père Matti, lors du premier Grand Prix du fiston, en 2001. «Même à la maison, à table, il ne parle pas!»

Hier en conférence de presse, le Finlandais a dû utiliser un peu plus de salive qu'il n'aurait voulu. Il faut dire que des rumeurs pour le moins troublantes circulent dans les paddocks: Raikkonen songerait à quitter la F1 à la fin de la prochaine saison.

«Il y a toujours des rumeurs en F1, dit-il de son habituel ton monotone. Je n'ai pris aucune décision encore. Je vais terminer mon contrat avec Ferrari et après, on verra.»

À l'époque où il pilotait pour McLaren, Raikkonen avait lancé qu'une fois le championnat du monde gagné, il tirerait sa révérence. Maintenant qu'il a le titre en poche, la retraite devient possible.

Si son boulot se limitait à pousser une monoplace à 300km/h, il resterait en F1 plus longtemps que Schumacher. Mais voilà, Raikkonen déteste tout ce qui se passe hors de la bagnole: les journalistes, les commanditaires, la télé... «J'aime piloter, mais le reste ne figure pas parmi mes activités préférées. Si ce que je n'aime pas prend trop de place, ce sera le temps de partir.»

S'il quittait le grand cirque à la fin de 2009, il se retrouverait retraité à 30 ans, aucun projet en tête. Marié à Jenni, qui a été Miss Scandinavie en 2000, Kimi Raikkonen vit en Suisse, à Pfaffikon, non loin de Zurich. «J'aime bien ce coin, admet-il. Ne l'écrivez pas, mais à Pfaffikon, il n'y a que des vieux. Alors pour moi, la vie est facile, personne ne me reconnaît quand je vais faire mes courses.»

Le titre mondial remporté l'an dernier n'a pas changé le personnage. Il le confirme lui-même dans son langage cru: «Champion ou pas, ça ne modifie rien à ma vie. Beaucoup de gens écriront probablement n'importe quelle bêtise sur moi, mais ça m'est complètement égal. Dans le passé, les critiques m'affectaient, mais maintenant, elles me sont indifférentes. Je ne suis pas un type compliqué!»

Si personne n'a jamais vu Kimi Raikkonen en colère (il s'affirme incapable de sortir de ses gonds), beaucoup ont pu l'observer dans des états éthyliques passablement avancés. Derrière l'homme de glace se cache en effet l'un des fêtards les plus débridés de la F1: ne fut-il pas dénoncé en train d'afficher ses attributs masculins, debout sur une table, dans un pub londonien? Ne l'a-t-on pas souvent vu, à chaque fin de saison, en kimono, complètement saoul, jeter des bouteilles à travers le bar de son hôtel? Ron Dennis, son patron d'alors, s'en était gravement offusqué et avait exigé de son pilote une tenue correcte. Chez Ferrari, on se moque de tels comportements. «Les Finlandais sont des buveurs, tout le monde le sait, lâche Jean Todt, l'ex-directeur de la Scuderia. Ça ne les empêche pas de gagner des Grands Prix!»

Cette différence de traitement explique pourquoi Kimi Raikkonen se dit aujourd'hui nettement plus heureux chez Ferrari que chez McLaren. «Je me sens beaucoup mieux. Ferrari représente une famille formidable, je préfère gagner le championnat avec eux qu'avec n'importe quelle autre écurie.»

Pourrait-il poursuivre sa carrière ailleurs que chez les Rouges? «Probablement pas. On a commencé à discuter pour l'avenir, mais je n'ai pris aucune décision.» Bref, ce sera Ferrari ou la retraite...