Ça, c'était une rotation qui avait de la profondeur. Dans le bureau du gérant Joe Girardi au camp d'entraînement printanier, le calendrier du mois de mars était inscrit sur un grand tableau blanc. À l'intérieur de chaque boîte se trouvaient les initiales de chacun des lanceurs partants.

À un certain moment, le nombre de lanceurs partants qui se sont succédé sur la butte excédait une semaine complète: Chase Whitley, Chris Capuano, Masahiro Tanaka, Adam Warren, Michael Pineda, Esmil Rogers, Nathan Eovaldi et CC Sabathia.

Huit matchs, huit partants différents.

Certes, ce n'est pas surprenant en matchs préparatoires. Néanmoins, à l'heure où les clubs des Ligues majeures tentent de protéger leurs lanceurs contre des déchirures à un biceps, des élongations aux tendons d'une épaule et l'opération de type Tommy John, serait-ce possible d'envisager une rotation à six joueurs?

«Dans un monde idéal, ce serait un concept formidable», a admis le directeur général des Yankees Brian Cashman.

«L'intérêt augmente constamment pour une rotation à six hommes, et il y a beaucoup d'aspects positifs à tirer de cela, a-t-il mentionné. Mais c'est difficile à réaliser.»

Depuis plus de 30 ans, la rotation à cinq est la norme dans les Ligues majeures. Les Dodgers de Los Angeles auraient été les premiers à l'instaurer au début des années 1970, et au sein du personnel employé se trouvait, notamment, un dénommé Tommy John.

Au fil des ans, il y a eu des exceptions.

Jim Tracy a expérimenté une rotation à quatre partants - assortie d'une limite de 75 lancers par départ - pendant un bout de temps avec les Rockies du Colorado en 2012. Cette année-là, les Rockies ont établi un record de concession au chapitre des défaites et Tracy a perdu son emploi.

En 2011, le gérant des White Sox de Chicago Ozzie Guillen a brièvement adopté la rotation à six joueurs. Son équipe a conclu la saison sous la barre de ,500 et il a lui aussi perdu son poste.

Au bout du compte, le problème, c'est qu'il est très difficile pour un club de dénicher quelques partants qui soient fiables. Et pour ce qui est de les garder en santé, ça, c'est une autre paire de manches.

Yu Darvish et Zack Wheeler sont déjà écartés pour la saison, Cliff Lee et Justin Verlander combattent des blessures, tandis que Matt Harvey et Jose Fernandez effectuent un retour au jeu après avoir subi d'importantes opérations. La liste est longue comme le bras.

Si on ajoute un partant, est-ce que cela permettra à chacun d'entre eux de se reposer davantage et de diminuer son fardeau, entraînant du même coup une baisse du nombre de blessures?

«Rien n'assure qu'une rotation à six lanceurs, par exemple, qui sous-entend moins de manches lancées et plus de jours de repos, aura un effet bénéfique dans certains cas», a évoqué le directeur général des Mets de New York Sandy Alderson peu de temps après avoir appris que Wheeler devait passer sous le bistouri.

«Les rotations à six joueurs, les jours de congé supplémentaires, l'augmentation du nombre de départs impromptus de lanceurs provenant des ligues mineures, tout ça peut être géré de différentes façons, a-t-il ajouté. Mais au bout du compte, le coude de certains lanceurs va céder, et chez d'autres non.»

Selon le spécialiste de la balle papillon des Blue Jays R.A. Dickey - présent ce week-end au Stade olympique -, une rotation à six joueurs «permettrait de toute évidence de réduire la fatigue et les blessures qui affectent les lanceurs».

«Mais c'est déjà assez difficile de trouver cinq partants qui peuvent faire le boulot. C'est très difficile d'être partant. Je pense que ça donnerait moins de chances à tes meilleurs éléments de contribuer aux victoires de l'équipe, et je ne crois pas que quelqu'un souhaite ça», a-t-il conclu.